Vu la procédure suivante :
La société à responsabilité limitée (SARL) Le Directoire a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, en premier lieu, à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 20 mars 2015 par la maire de Paris et à la décharge de l'obligation de payer une somme de 11 859,17 euros pour l'année 2014 au titre des droits de voirie additionnels résultant de ce titre exécutoire, en second lieu, à l'annulation de l'arrêté de la maire de Paris en date du 23 décembre 2014 fixant les tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2015 et, en troisième lieu, à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 27 mai 2015 au titre des droits de voirie pour l'année 2015 et à la décharge de l'obligation de payer une somme 9 686,88 euros au titre des droits de voirie additionnels pour cette année.
Par un jugement n° 1510032/7-2 du 1er juillet 2016, le tribunal administratif lui a accordé la décharge de l'obligation de payer la somme de 10 853,76 euros au titre des droits de voirie additionnels de l'année 2014 et a rejeté le surplus de ses demandes.
Par un arrêt n° 16PA02843 du 10 avril 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la ville de Paris contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 11 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ville de Paris demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la société Le Directoire la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville, auditeur,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la ville de Paris et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Le Directoire ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Le Directoire, exploitante d'un établissement situé 41 rue Alain Chartier à Paris (75015), détient, en vertu de décisions du maire de Paris des 6 novembre 1998 et 20 mai 1999, une autorisation d'occupation du domaine public pour une terrasse fermée, une terrasse ouverte et une contre-terrasse à la même adresse. Elle a été rendue destinataire de deux titres exécutoires, en date des 20 mars et 27 mai 2015 sollicitant d'elle des droits de voirie additionnels pour l'année 2014 et pour l'année 2015 relatifs aux dispositifs de chauffage qu'elle avait installés pour la contre-terrasse. La société a saisi le tribunal administratif de Paris de demandes tendant à obtenir l'annulation de l'arrêté de la maire de Paris en date du 23 décembre 2014 fixant les tarifs applicables aux droits de voirie à compter du 1er janvier 2015, l'annulation de ces titres, ainsi que la décharge de l'obligation de payer les sommes ainsi réclamées. Par un jugement du 1er juillet 2016, le tribunal administratif a déchargé la société Le Directoire de l'obligation de payer la somme de 10 853,76 euros, au titre des droits de voirie additionnels de l'année 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La ville de Paris se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel du 10 avril 2018 qui a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".
3. Le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à l'occupant qui utilise de manière irrégulière le domaine une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public. La circonstance que l'occupation en cause serait irrégulière soit du fait qu'elle serait interdite, soit du fait que l'utilisation constatée de celui-ci contreviendrait aux termes de l'autorisation délivrée, n'empêche pas le gestionnaire du domaine de fixer le montant de l'indemnité due par l'occupant irrégulier par référence au montant de la redevance exigible, selon le cas, pour un emplacement similaire ou pour une utilisation procurant des avantages similaires.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la ville de Paris s'est référée, pour calculer le montant de l'indemnité due pour l'année 2014 au titre des droits de voirie additionnels relatifs à l'utilisation irrégulière de dispositifs de chauffage sur la contre-terrasse installée par la société le Directoire, aux tarifs applicables, en la matière, aux terrasses ouvertes. La cour administrative d'appel, après avoir retenu qu'il n'existait pas, dans la règlementation de la ville de Paris, de tarif applicable aux contre-terrasses, a estimé que la ville n'avait pas pu légalement fixer le montant des droits de voirie additionnels en se référant aux tarifs applicables aux terrasses ouvertes, parce que les contre-terrasses n'auraient été autorisées, contrairement aux terrasses, que pour une période limitée au cours de l'année civile.
5. Toutefois, d'une part, il ne ressort pas des dispositions de l'arrêté du 6 mai 2011 du maire de Paris portant règlement des étalages et des terrasses installés sur la voie publique que cet arrêté prévoirait que les contre-terrasses ne pourraient être autorisées que pendant une partie seulement de l'année. Par suite, en interprétant cet arrêté comme il a été dit au point 4, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
6. D'autre part, en déchargeant la société de l'obligation de payer l'intégralité de la somme mise à sa charge par le titre exécutoire du 20 mars 2015, sans chercher à déterminer par référence à une utilisation du domaine procurant des avantages similaires, le cas échéant en faisant usage de ses pouvoirs d'instruction, le montant de droits additionnels permettant de tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'utilisation irrégulière du domaine public par la société Le Directoire, la cour a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que la ville de Paris est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de société Le Directoire la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 10 avril 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : La SARL Le Directoire versera à la ville de Paris la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ville de Paris ainsi qu'à la société à responsabilité limitée Le Directoire.