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28/06/2019 | FRANCE | N°422204

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 28 juin 2019, 422204


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 août 2016 du préfet de police refusant l'échange de son permis de conduire sénégalais contre un titre français ainsi que la décision du 18 octobre 2016 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre au préfet de police de procéder à cet échange. Par un jugement n°1621257 du 28 mai 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n°18PA02111 du 11 juillet 2018, enregistrée le 12 juillet 2018 au secrétariat du c

ontentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 2 août 2016 du préfet de police refusant l'échange de son permis de conduire sénégalais contre un titre français ainsi que la décision du 18 octobre 2016 rejetant son recours gracieux et d'enjoindre au préfet de police de procéder à cet échange. Par un jugement n°1621257 du 28 mai 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n°18PA02111 du 11 juillet 2018, enregistrée le 12 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 21 juin 2018 au greffe de cette cour, présenté par M.A.... Par ce pourvoi et par un mémoire complémentaire, enregistré le 29 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échanges des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Goldman, avocat de M.A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. A...a, le 22 mars 2016, sollicité l'échange de son permis de conduire sénégalais, délivré le 24 mai 2004, contre un permis français. Par une décision du 2 août 2016, le préfet de police a refusé, sur le fondement du D du II de l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012 visé ci-dessus, de procéder à cet échange, au motif que l'intéressé n'avait pas apporté la preuve qu'il avait sa résidence normale au Sénégal à la date de délivrance du permis. Par une décision du 18 octobre 2016, le préfet de police a rejeté le recours gracieux formé par M.A.... Par le jugement attaqué du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé par l'intéressé contre ces deux décisions.

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre de l'intérieur :

2. Si le ministre de l'intérieur soutient que le litige a perdu son objet à la suite du retrait de la décision refusant l'échange sollicité, ce retrait ne résulte pas des documents qu'il produit. Il est par ailleurs constant qu'à la date de la présente décision l'administration n'a pas procédé à l'échange du permis sénégalais de M. A...contre un permis français. Dans ces conditions, les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le pourvoi :

3. Aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route, dans sa rédaction applicable à la date des décisions du préfet de police : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3. Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, après avis du ministre de la justice et du ministre chargé des affaires étrangères. Au terme de ce délai, ce permis n'est plus reconnu et son titulaire perd tout droit de conduire un véhicule pour la conduite duquel le permis de conduire est exigé ". Aux termes du premier alinéa du III de l'article R. 222-1 du code de la route : " On entend par résidence normale le lieu où une personne demeure habituellement, c'est-à-dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d'attaches personnelles et professionnelles, ou, dans le cas d'une personne sans attaches professionnelles, en raison d'attaches personnelles révélant des liens étroits entre elle-même et l'endroit où elle demeure ".

4. Aux termes du II de l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012 visé ci-dessus, dans sa rédaction alors applicable, le titulaire d'un permis de conduire délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit, pour obtenir l'échange de ce permis contre un permis français, notamment : " D. - Apporter la preuve de sa résidence normale au sens du quatrième alinéa de l'article R. 222-1 sur le territoire de l'Etat de délivrance, lors de celle-ci, en fournissant tout document approprié présentant des garanties d'authenticité. Les ressortissants étrangers qui possèdent uniquement la nationalité de l'Etat du permis détenu ne sont pas soumis à cette condition. / Entre autres documents permettant d'établir la réalité de cette résidence normale, il sera tenu compte, pour les Français, de la présentation d'un certificat d'inscription ou de radiation sur le registre des Français établis hors de France délivré par le consulat français territorialement compétent, ou, pour les ressortissants étrangers ne possédant pas la nationalité de l'Etat de délivrance, d'un certificat équivalent, délivré par les services consulaires compétents, rédigé en langue française ou accompagné d'une traduction officielle en français. / Pour les ressortissants français qui possèdent également la nationalité de l'Etat qui a délivré le permis de conduire détenu, la preuve de cette résidence normale, à défaut de pouvoir être apportée par les documents susmentionnés, sera établie par tout document suffisamment probant et présentant des garanties d'authenticité ".

5. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le demandeur n'a, à la date d'obtention de son permis étranger, d'autre nationalité reconnue que celle de l'Etat de délivrance de ce permis, il est dispensé de faire la preuve de sa résidence normale dans cet Etat. La circonstance que l'intéressé se soit par la suite vu reconnaître la nationalité française est, quelle que soit la date à compter de laquelle il est réputé avoir possédé cette nationalité, sans incidence sur l'application de cette règle.

6. Pour rejeter la demande dont il était saisi, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que M.A..., auquel un certificat de nationalité française avait été refusé le 30 mars 2000, a été reconnu comme français par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 avril 2015 en raison de l'effet collectif attaché à la déclaration, souscrite le 14 mai 1984, par laquelle son père avait acquis cette nationalité. Le tribunal en a déduit que l'intéressé possédait la nationalité française à la date de délivrance de son permis de conduire sénégalais, obtenu le 24 mai 2004, et devait par suite, pour obtenir l'échange de ce permis contre un permis français, justifier, conformément aux dispositions du D du II de l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012, qu'il avait à cette date sa résidence normale au Sénégal. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il a, ce faisant, entaché son jugement d'une erreur de droit qui en justifie l'annulation, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi.

7. Il y a lieu, par application, des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond.

8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est en méconnaissance des dispositions du D du II de l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012 que le préfet de police a rejeté la demande de M. A...au motif qu'il n'apportait pas la preuve de sa résidence normale au Sénégal à la date de délivrance de son permis de conduire. Le requérant est, dès lors, fondé à demander l'annulation de la décision du 2 août 2016 refusant de procéder à l'échange de son permis de conduire sénégalais contre un titre de conduite français et de la décision du 18 octobre 2016 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision.

9. Interrogé par le Conseil d'Etat sur la possibilité de procéder à l'échange sollicité au regard des autres conditions prévues par les dispositions applicables, le ministre de l'intérieur a indiqué que l'administration, faute de disposer du permis de conduire sénégalais de M. A...qui a été restitué à son titulaire, n'est pas en mesure de vérifier son authenticité. Eu égard à cette circonstance, l'exécution de la présente décision n'implique pas nécessairement que l'administration procède à l'échange du permis mais seulement qu'elle statue à nouveau sur sa demande à la suite d'une nouvelle instruction. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer la demande de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

10. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C...Goldman, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cet avocat.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 28 mai 2018 est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet de police des 2 août et 18 octobre 2016 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la demande de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à Me Goldman, avocat de M.A..., la somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Goldman renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police et à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 422204
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2019, n° 422204
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Chelle
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : GOLDMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:422204.20190628
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