La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2019 | FRANCE | N°420128

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 28 juin 2019, 420128


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 25 avril et 12 octobre 2018, 11 février et 28 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Eutelsat demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2018-0001 du 22 février 2018 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes attribuant à la société Inmarsat Ventures Limited l'autorisation d'exploiter des éléments terrestres comp

lémentaires d'un système mobile par satellite ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 25 avril et 12 octobre 2018, 11 février et 28 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Eutelsat demande au Conseil d'Etat, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2018-0001 du 22 février 2018 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes attribuant à la société Inmarsat Ventures Limited l'autorisation d'exploiter des éléments terrestres complémentaires d'un système mobile par satellite ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions qui lui ont été posées par l'arrêt n° 2019-649 du 23 janvier 2019 de la cour d'appel de Bruxelles ;

3°) à titre subsidiaire, de poser plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne ;

4°) de mettre à la charge de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la décision n° 2007/98/CE de la Commission européenne du 14 février 2007 ;

- la décision n° 626/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2008 ;

- la décision n° 2009/449/CE de la Commission européenne du 13 mai 2009 ;

- la demande de décision préjudicielle C-100/19, présentée à la Cour de justice de l'Union européenne par la cour d'appel de Bruxelles le 8 février 2019 ;

- le code des postes et des communications électroniques ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Bréhier, auditrice,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de la société Immarsat Ventures Limited, et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat des sociétés Viasat Inc et Viasat UK Ltd ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 juin 2019, présentée par la société Inmarsat Ventures Limited ;

Sur le litige :

1. La décision 2007/98/CE de la Commission du 14 février 2007 sur l'utilisation harmonisée du spectre radioélectrique dans les bandes de fréquences de 2 GHz pour la mise en oeuvre de systèmes fournissant des services mobiles par satellite a prévu que les États membres mettent ces bandes de fréquences (dites bandes MSS pour " mobile satellite services ") à la disposition des systèmes fournissant des services mobiles par satellite dans la Communauté à partir du 1er juillet 2007. La décision n° 626/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2008 concernant la sélection et l'autorisation de systèmes fournissant des services mobiles par satellite a créé une procédure communautaire de sélection des opérateurs de systèmes mobiles par satellite candidats à l'utilisation, conformément à la décision 2007/98/CE du 14 février 2007, de cette bande de fréquences et défini les conditions de l'autorisation coordonnée, par les États membres, des opérateurs sélectionnés dans ce cadre. Cette même décision a offert aux Etats membres la possibilité, sous certaines conditions, d'autoriser les opérateurs sélectionnés à utiliser les fréquences de la bande MSS pour exploiter des " éléments terrestres complémentaires " aux systèmes mobiles par satellite afin d'augmenter la disponibilité du service dans les zones où les communications avec une ou plusieurs stations spatiales ne peuvent être assurées avec la qualité requise. Par une décision n° 2009/449/CE du 13 mai 2009, la Commission des communautés européennes a sélectionné les sociétés Inmarsat Ventures Limited et Solaris Mobile Limited comme opérateurs de systèmes paneuropéens autorisés à fournir des services mobiles par satellite.

2. Par une décision n° 2014-1257 du 21 octobre 2014, l'Autorité de régulation des postes et des communications électroniques a autorisé la société Inmarsat Ventures Limited à utiliser des fréquences de la bande MSS en France métropolitaine. Par une décision n° 2018-0001 du 22 février 2018, l'Autorité a attribué à la société Inmarsat Ventures Limited l'autorisation d'exploiter des éléments terrestres complémentaires d'un système mobile par satellite. La société Eutelsat demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

Sur l'intervention :

3. Les sociétés Viasat Inc et Viasat UK Ltd justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision du 22 février 2018 de l'Autorité de régulation des postes et des communications électroniques. Leur intervention est par suite recevable.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Inmarsat :

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Eutelsat est notamment spécialisée dans la fourniture de services de connectivité en vol similaires à ceux que la société Inmarsat Ventures Limited entend exploiter sur le fondement des autorisations dont elle dispose, notamment de celle qui fait l'objet du présent litige. Elle dispose en conséquence d'un intérêt lui donnant qualité pour contester la décision qu'elle attaque.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du délai prévu à l'article D. 406-14 du code des postes et des communications électroniques :

5. Aux termes de l'article D. 406-14 du code des postes et des communications électroniques : " Pour les autorisations d'utilisation de fréquences relevant de l'article L. 42-1, le délai entre la réception de la demande complète par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et la notification au demandeur de la décision ne peut excéder six semaines (...) ". L'article R. 20-44-9 de ce code dispose par ailleurs que : " Pour les autorisations d'utilisation de fréquences relevant de l'article L. 42-1, le silence gardé pendant plus de six semaines par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à compter de la réception de la demande complète vaut décision de rejet (...) ".

6. Le délai de six semaines imparti par l'article D. 406-14 du code des postes et des communications électroniques à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes pour se prononcer sur les demandes d'autorisation d'utilisation de fréquences radioélectriques ne saurait être regardé comme prescrit à peine de nullité. Si le silence gardé par l'Autorité à la suite de la réception, le 9 mai 2016, de la demande de la société Inmarsat Ventures Limited a fait naître une décision implicite de rejet le 20 juin 2016, cette décision n'a créé aucun droit au profit des tiers et la décision du 22 février 2018 par laquelle l'Autorité a attribué à cette société l'autorisation d'exploiter des éléments terrestres complémentaires d'un système mobile par satellite s'y est substituée. Dès lors, le moyen tiré de ce que le non-respect du délai prévu à l'article D. 406-14 du code des postes et des communications électroniques aurait entaché d'illégalité la décision attaquée ne peut qu'être écarté.

Sur le moyen tiré de l'absence de vérification par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes du respect des conditions posées à l'article 8 de la décision n° 626/2008/CE du 30 juin 2008 :

7. Le paragraphe 3 de l'article 8 de la décision n° 626/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2008 soumet les autorisations nationales délivrées pour l'exploitation d'éléments terrestres complémentaires de systèmes mobiles par satellite dans la bande de fréquences MSS à un certain nombre de conditions communes, notamment à celle que " les opérateurs utilisent les radiofréquences assignées pour la fourniture d'éléments terrestres complémentaires de systèmes mobiles par satellite ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qui est soutenu, l'Autorité, qui n'avait pas à motiver sa décision sur ce point, a, avant de délivrer l'autorisation litigieuse, pris parti sur le point de savoir si les stations terrestres du réseau envisagé par la société Inmarsat Ventures Limited étaient susceptibles d'être qualifiées d'éléments terrestres complémentaires au sens de la décision n° 626/2008/CE du 30 juin 2008. Pour le reste, la décision attaquée soumet l'autorisation qu'elle délivre au respect par la société Inmarsat Ventures Limited, lors de la mise en oeuvre de cette autorisation, des conditions prévues dans son annexe, laquelle reprend notamment les conditions fixées au paragraphe 3 de l'article 8 de cette même décision. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et intervenue au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques :

9. L'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques énumère les objectifs qu'il appartient à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de poursuivre, parmi lesquels figurent notamment " le développement de l'investissement, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ", " l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques " et " l'utilisation et la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ".

10. Si la société requérante fait valoir que l'autorisation donnée à la société Inmarsat Ventures Limited d'exploiter les fréquences de la bande MSS la placera, par le biais du système innovant qu'elle entend développer, en situation d'abuser d'une position dominante sur le marché de la connectivité aéronautique, une telle circonstance, à la supposée établie, résulte du processus de sélection des opérateurs et du régime d'attribution des fréquences défini par la décision n° 626/2008/CE du 30 juin 2008. Par suite, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision qu'elle attaque, de la méconnaissance des objectifs assignés à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes par l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance du droit de l'Union européenne :

11. Le 2. de l'article 2 de la décision n° 626/2008/CE du 30 juin 2008 définit les systèmes mobiles par satellite comme : " a) (...) les réseaux de communications électroniques et installations associées permettant de fournir des services de radiocommunications entre une station terrienne mobile et une ou plusieurs stations spatiales, ou entre des stations terriennes mobiles à l'aide d'une ou de plusieurs stations spatiales, ou entre une station terrienne mobile et un ou plusieurs éléments terrestres complémentaires utilisés en des points déterminés. Les systèmes de ce type comprennent au moins une station spatiale " et les éléments terrestres complémentaires comme : " b) (...) les stations au sol utilisées en des points déterminés afin d'augmenter la disponibilité du service mobile par satellite dans les zones géographiques, situées à l'intérieur de l'empreinte du ou des satellites du système, où les communications avec une ou plusieurs stations spatiales ne peuvent être assurées avec la qualité requise ". Par ailleurs, le b) du paragraphe 3 de l'article 8 de cette décision prévoit que : " les éléments terrestres complémentaires font partie intégrante du système mobile par satellite et sont contrôlés par le mécanisme de gestion des ressources et des réseaux satellitaires ; ils utilisent le même sens de transmission et les mêmes portions de bande de fréquences que les éléments satellitaires associés, et ne doivent pas nécessiter d'autres fréquences que celles du système mobile par satellite associé ".

12. L'article 4 dispose quant à lui que : " 1. Les critères de recevabilité suivants sont applicables : (...) c) dans sa candidature, le candidat s'engage à ce que : (...) ii) le MSS soit fourni dans tous les États membres et desserve au minimum 50 % de la population et plus d'au minimum 60 % de l'ensemble du territoire terrestre de chaque État membre à l'échéance indiquée par le candidat mais, en tout état de cause, au plus tard sept ans à partir de la date de publication de la décision de la Commission adoptée en vertu de l'article 5, paragraphe 2, ou de l'article 6, paragraphe 3 ". L'article 7 prévoit que : " 1. Les États membres veillent à ce que les candidats sélectionnés, conformément aux engagements pris par eux-mêmes en termes de calendrier et de zone de service, conformément à l'article 4, paragraphe 1, point c), et conformément aux dispositions du droit national et du droit communautaire, aient le droit d'utiliser les radiofréquences spécifiques déterminées dans la décision de la Commission adoptée en vertu de l'article 5, paragraphe 2, ou de l'article 6, paragraphe 3, et le droit d'exploiter un système mobile par satellite. Ils informent en conséquence les candidats sélectionnés de ces droits. (...) 2. Les droits visés au paragraphe 1 sont soumis aux conditions communes suivantes : (...) b) les candidats sélectionnés respectent les étapes six à neuf énumérées en annexe dans un délai de vingt-quatre mois suivant l'adoption de la décision de sélection en vertu de l'article 5, paragraphe 2, ou de l'article 6, paragraphe 3 ; / c) les candidats sélectionnés respectent tous les engagements qu'ils prennent dans leur candidature ou au cours de la procédure de sélection comparative, que la demande cumulée de spectre radioélectrique dépasse ou non la quantité disponible ". Enfin, l'article 8 dispose que : " 1. Les États membres veillent, conformément aux dispositions du droit national et du droit communautaire, à ce que leurs autorités compétentes accordent aux candidats sélectionnés conformément au titre II et autorisés à utiliser le spectre en vertu de l'article 7 les autorisations nécessaires à la fourniture d'éléments terrestres complémentaires de systèmes mobiles par satellite sur leur territoire ". La décision de la Commission concernant la sélection des opérateurs de systèmes paneuropéens fournissant des services mobiles par satellite (MSS) a été publiée le 12 juin 2009 au Journal officiel de l'Union européenne, de sorte que la date mentionnée au (ii) du c) du 1 de l'article 4 est le 13 juin 2016. Toutefois, cette date a été reportée date au 1er décembre 2016.

13. Il ressort des pièces du dossier que la société Inmarsat Ventures Limited entend utiliser les fréquences de la bande MSS pour développer un système, dénommé European Aviation Network (EAN), destiné à fournir des services de connectivité aéronautique. Ce système permet d'assurer un service mobile à destination des avions au moyen de transmissions par satellite, reçues par un terminal situé au-dessus du fuselage des avions, et de transmissions effectuées à partir d'éléments terrestres complémentaires déployés sur le territoire de l'Union européenne, reçues par un terminal situé en-dessous du fuselage des avions, l'ensemble de ces transmissions étant assuré sur la bande de fréquences MSS. Ce système repose sur un élément satellitaire mis en service le 29 août 2017.

14. En premier lieu, si la société requérante fait valoir que le législateur européen entendait principalement, en adoptant la décision n° 626/2008/CE du 30 juin 2008, permettre de réduire les inégalités territoriales d'accès au numérique en assurant, grâce au satellite, la couverture de zones mal desservies, une telle circonstance, à la supposer avérée, est dépourvue d'incidence sur la légalité de la décision attaquée, dont il n'est pas soutenu qu'elle méconnaîtrait certains critères posés par la décision du 30 juin 2008, ni, en tout état de cause, qu'elle serait illégale en raison de l'illégalité entachant l'autorisation d'exploiter le système octroyée au niveau européen ou du non-respect de cette autorisation. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les objectifs assignés par le législateur européen aux systèmes mobiles par satellite doit par suite être écarté.

15. En deuxième lieu, la société requérante soutient que l'autorisation d'exploiter des éléments terrestres complémentaires délivrée à la société Inmarsat Ventures Limited par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes méconnaît les dispositions de la décision n° 626/2008/CE du 30 juin 2008 dès lors que le réseau envisagé par la société Inmarsat Ventures Limited ne constitue pas un système mobile par satellite faute pour ses éléments terrestres complémentaires d'en faire partie intégrante. La réponse à apporter à ce moyen dépend du point de savoir, d'une part, quels critères juridiques permettent d'identifier une station terrienne mobile au sens de la décision n° 626/2008/CE du 30 juin 2008, d'autre part, si cette décision exige, comme le fait valoir la société requérante, qu'une station terrienne mobile qui communique avec un élément terrestre complémentaire puisse également, sans matériel distinct, communiquer avec un satellite et comment, dans l'affirmative, doit être appréciée l'unicité du matériel.

16. En troisième lieu, la société requérante soutient que l'autorisation litigieuse méconnaît les dispositions de la décision n° 626/2008/CE du 30 juin 2008 dès lors que les éléments terrestres complémentaires autorisés par la décision attaquée ne présentent pas un caractère complémentaire par rapport à la composante satellitaire de ce réseau. La réponse à apporter à ce moyen impose de déterminer, d'une part, si les dispositions du 2 de l'article 2 de cette même décision doivent être interprétées en ce sens qu'un système mobile par satellite doit reposer, à titre principal, sur des éléments satellitaires ou si elles permettent de considérer que le rôle respectif des éléments satellitaires et terrestres est indifférent, y compris dans une configuration où l'élément satellitaire n'est utile que lorsque les communications avec les éléments terrestres ne peuvent être assurées et, d'autre part, si des éléments terrestres complémentaires peuvent être installés de façon à couvrir l'ensemble du territoire de l'Union européenne au motif que les stations spatiales ne permettent d'assurer la qualité requise de communications en aucun point au sens du b du 2 de ce même article.

17. En quatrième lieu, la société requérante soutient que l'autorisation d'exploiter des éléments terrestres complémentaires délivrée à la société Inmarsat Ventures Limited par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes méconnaît les dispositions de la décision n° 626/2008/CE du 30 juin 2008 dès lors que la circonstance que la société Inmarsat Ventures Limited n'avait pas fourni de services mobiles par satellite à la date prévue au (ii) du c) du 1 de l'article 4 de cette décision, soit le 1er décembre 2016, faisait obstacle à la délivrance de cette autorisation. La réponse à ce moyen nécessite de déterminer si, dans l'hypothèse où il est avéré que l'opérateur sélectionné conformément au titre II de cette décision n'a pas respecté les engagements en termes de couverture du territoire par le biais d'un système mobile par satellite définis au 2 de l'article 7 à la date butoir prévue au (ii) du c) du 1 de l'article 4, les autorités compétentes des Etats membres doivent refuser d'accorder des autorisations d'exploiter des éléments terrestres complémentaires ou si, en cas de réponse négative, elles peuvent refuser d'accorder ces autorisations.

18. En dernier lieu, le c) de l'article 8 de la décision n° 626/2008/CE, qui prévoit que le fonctionnement autonome des éléments terrestres complémentaires, en cas de panne de l'élément satellitaire du système mobile par satellite associé, ne doit pas dépasser dix-huit mois, encadre les conditions d'exécution des autorisations d'exploiter des éléments terrestres complémentaires. Les sociétés intervenantes ne sauraient par suite utilement soutenir que, au motif que les éléments terrestres complémentaires du système développé par la société Inmarsat Ventures Limited seraient susceptibles de fonctionner de manière autonome en toutes circonstances, l'autorisation litigieuse méconnaîtrait cette disposition, à laquelle elle ne fait pas obstacle, et alors qu'aucun élément du dossier ne conduit à regarder l'autorisation attaquée comme permettant à la société Inmarsat Ventures Limited de déroger à la règle fixée sur ce point.

19. Les questions énoncées aux points 15, 16 et 17 sont déterminantes pour la solution du litige que doit trancher le Conseil d'Etat. Elles présentent plusieurs difficultés sérieuses d'interprétation du droit de l'Union européenne. Il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée sur l'ensemble de ces questions, de surseoir à statuer sur les conclusions de la requête de la société Eutelsat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention des sociétés Viasat Inc et Viasat UK Ltd est admise.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Eutelsat jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions suivantes :

1° Quels critères juridiques permettent d'identifier une station terrienne mobile au sens de la décision n° 626/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2008 ' Cette décision doit-elle être lue comme exigeant qu'une station terrienne mobile qui communique avec un élément terrestre complémentaire puisse également, sans matériel distinct, communiquer avec un satellite ' Comment, dans l'affirmative, doit être appréciée l'unicité du matériel '

2° Les dispositions du 2 de l'article 2 de cette même décision doivent-elles être interprétées en ce sens qu'un système mobile par satellite doit reposer, à titre principal, sur des éléments satellitaires ou permettent-elles de considérer que le rôle respectif des éléments satellitaires et terrestres est indifférent, y compris dans une configuration où l'élément satellitaire n'est utile que lorsque les communications avec les éléments terrestres ne peuvent être assurées ' Des éléments terrestres complémentaires peuvent-ils être installés de façon à couvrir l'ensemble du territoire de l'Union européenne au motif que les stations spatiales ne permettent d'assurer la qualité requise de communications en aucun point au sens du b du 2 de ce même article '

3° Dans l'hypothèse où il est avéré que l'opérateur sélectionné conformément au titre II de cette décision n'a pas respecté les engagements en termes de couverture du territoire définis au 2 de l'article 7 à la date butoir prévue au (ii) du c) du 1 de l'article 4, les autorités compétentes des Etats membres doivent-elles refuser d'accorder des autorisations d'exploiter des éléments terrestres complémentaires ' En cas de réponse négative, peuvent-elles refuser d'accorder ces autorisations '

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Eutelsat, à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, à la société Inmarsat Ventures Limited, aux sociétés Viasat Inc et Viasat UK Ltd et au greffier de la Cour de justice de l'Union européenne. Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 420128
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2019, n° 420128
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Bréhier
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420128.20190628
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award