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21/06/2019 | FRANCE | N°416832

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 21 juin 2019, 416832


Vu la procédure suivante :

La société Antilles Investissements, devenue la société Inter Invest Outre-mer, a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008. Par un jugement n° 1100304 du 13 septembre 2011, le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 11PA04892 du 28 décembre 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la socié

té contre ce jugement.

Par une décision n° 366491 du 12 mai 2015, le Conseil d'E...

Vu la procédure suivante :

La société Antilles Investissements, devenue la société Inter Invest Outre-mer, a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008. Par un jugement n° 1100304 du 13 septembre 2011, le tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 11PA04892 du 28 décembre 2012, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par une décision n° 366491 du 12 mai 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi de la société, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 15PA02116 du 23 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté l'appel formé par la société contre le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 13 septembre 2011.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 décembre 2017, 26 mars 2018 et 28 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Inter Invest Outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- l'arrêté n° 258 CM du 19 février 1998 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Inter Invest Outre-mer et à la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la Présidence de la Polynésie française ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Antilles Investissements, devenue la société Inter Invest Outre-mer, dont le siège est situé à Saint-Barthélemy et qui dispose d'un établissement secondaire en Polynésie française sous l'enseigne " Pacific Investissements ", propose à des investisseurs métropolitains d'acquérir des parts de sociétés en nom collectif (SNC) ayant pour objet la réalisation dans les collectivités ultramarines d'investissements productifs ouvrant droit au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts. Dans ce cadre, elle se charge de la création des SNC, de la conception et du suivi de l'ensemble des opérations, et notamment de l'identification des exploitants locaux exerçant une activité éligible, de la préparation des plans de financement, de la rédaction des contrats de location et du contrôle des investissements et des locataires. La société a déclaré avoir réalisé en Polynésie française un chiffre d'affaires non taxable à la taxe sur la valeur ajoutée de 33 267 625 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2007 et 37 782 815 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2008. A l'issue d'une vérification de comptabilité, le service des contributions de Polynésie française a estimé que ce chiffre d'affaires était imposable à la taxe sur la valeur ajoutée et a assujetti la société à la taxe correspondante pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008. La société Inter Invest Outre-mer se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 octobre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 13 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française avait rejeté sa demande en décharge de ces impositions.

Sur les prestations effectuées par l'établissement secondaire " Pacific Investissements " en qualité de représentant fiscal des SNC :

2. Aux termes de l'article 340-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti ". Aux termes de son article 340-4 : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une activité économique, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur résidence, le lieu de leur siège social, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention (...) ". L'article 344-2 du même code prévoit que les personnes établies hors de Polynésie française qui y sont redevables de la taxe sur la valeur ajoutée ou doivent y accomplir des obligations déclaratives doivent accréditer auprès de la direction des impôts et des contributions publiques un représentant assujetti établi en Polynésie française qui s'engage à remplir les formalités lui incombant et, en cas d'opérations imposables, à acquitter la taxe à leur place. L'article 4 de l'arrêté n° 258 CM du 19 février 1998, pris pour l'application de ces dispositions, prévoit que le représentant fiscal délivre les factures au nom de l'assujetti. L'article 5 du même arrêté prévoit qu'il doit tenir la comptabilité de l'ensemble des opérations réalisées en Polynésie française par l'assujetti qui l'a désigné et déposer les déclarations de chiffre d'affaires correspondantes.

3. Il résulte des dispositions précitées que les représentants fiscaux d'assujettis établis hors de Polynésie française doivent accomplir pour le compte de ces derniers des prestations consistant notamment en la tenue de la comptabilité des opérations qu'ils réalisent sur le territoire de Polynésie française et le dépôt des déclarations de chiffre d'affaires correspondantes. Par suite, alors qu'il n'était pas contesté que les SNC mises en place par la requérante et ayant réalisé un investissement en Polynésie française étaient assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée sur ce territoire, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit, ni insuffisamment motivé son arrêt, en se fondant sur la nature des obligations incombant aux représentants fiscaux pour juger que l'établissement secondaire " Pacific Investissements " accomplissait nécessairement des prestations directement pour le compte des SNC en sa qualité de représentant fiscal de ces dernières. Par ailleurs, en distinguant les services de représentation fiscale fournis par la succursale des autres opérations nécessaires au montage des opérations de défiscalisation en Polynésie française, dont elle a jugé, par des motifs non critiqués en cassation, qu'ils devaient être regardés comme des services fournis à son siège, la cour n'a pas entaché son arrêt de contradiction de motifs.

Sur le montant du chiffre d'affaires se rapportant à des opérations taxables :

4. Pour juger que le chiffre d'affaires déclaré par l'établissement secondaire " Pacific Investissements " au titre des exercices clos en 2007 et 2008 devait être regardé comme la contrepartie des services rendus aux SNC en sa qualité de représentant fiscal, la cour a relevé qu'il résultait de l'instruction que la société avait déclaré, dans les liasses fiscales déposées au titre des exercices clos en 2007 et 2008, avoir réalisé des produits d'exploitation correspondant à la vente de services d'un montant de 33 267 625 francs CFP en 2007 et 37 782 815 francs CFP en 2008 et qu'elle ne produisait pas d'élément de nature à établir que ces sommes ne représentaient pas la rémunération des prestations effectuées par sa succursale pour le compte des SNC. En statuant ainsi, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier en relevant que les sommes en cause avaient été comptabilisées comme des produits d'exploitation, n'a pas commis d'erreur de droit ni méconnu les règles d'attribution de la charge de la preuve, dès lors que la société requérante était seule en mesure d'apporter les éléments permettant d'établir que tout ou partie du chiffre d'affaires tiré de la vente de services qu'elle avait déclaré ne correspondait pas aux services qu'elle avait effectivement facturés aux SNC.

Sur le lieu d'utilisation des services :

5. Aux termes de l'article 340-8 du code des impôts de la Polynésie française : " Les prestations de services sont imposables lorsque le service est utilisé en Polynésie française ou lorsque le bénéficiaire a en Polynésie française le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu, sa résidence ou son domicile. Le bénéficiaire de la prestation s'entend du client direct du prestataire, quelle que soit la personne qui, en définitive, pourrait recueillir le bénéfice du service rendu. / Les prestations de services de toute nature se rapportant à un immeuble sis en Polynésie française sont imposables en Polynésie française ".

6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, les prestations accomplies par les représentants fiscaux d'assujettis établis hors de Polynésie française consistent à accomplir l'ensemble des obligations déclaratives de leurs mandants auprès du service des contributions de la Polynésie française et à acquitter en leur nom la taxe sur la valeur ajoutée dont ils sont redevables. Par suite, la cour, qui s'est fondée sur la nature des obligations incombant aux représentants fiscaux pour juger que les services de représentation fiscale fournis aux SNC par l'établissement secondaire " Pacific Investissements " étaient utilisés sur le territoire de la Polynésie française, n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis ni insuffisamment motivé son jugement sur ce point.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Inter Invest Outre-mer n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Polynésie française qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Inter Invest Outre-mer la somme que la Polynésie française demande au titre des dispositions de cet article.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Inter Invest Outre-mer est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Inter Invest Outre-mer et au Président de la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 416832
Date de la décision : 21/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 jui. 2019, n° 416832
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Humbert
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER ; SCP DE CHAISEMARTIN, DOUMIC-SEILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:416832.20190621
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