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17/06/2019 | FRANCE | N°426558

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 17 juin 2019, 426558


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 15 octobre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Valenciennes a prononcé contre lui la sanction de l'exclusion de ses fonctions pour une durée de cinq mois dont deux mois avec sursis ainsi que de la décision du même jour par laquelle la directrice chargée des ressources humaines de l'établissement lui a notifié cette sanction et d'enjoind

re au centre hospitalier de Valenciennes de le réintégrer dans ses ...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 15 octobre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Valenciennes a prononcé contre lui la sanction de l'exclusion de ses fonctions pour une durée de cinq mois dont deux mois avec sursis ainsi que de la décision du même jour par laquelle la directrice chargée des ressources humaines de l'établissement lui a notifié cette sanction et d'enjoindre au centre hospitalier de Valenciennes de le réintégrer dans ses fonctions en lui remettant un badge d'accès aux locaux, au besoin sous astreinte. Par une ordonnance n° 1810596 du 10 décembre 2018, le juge des référés a partiellement fait droit à sa demande en suspendant l'exécution de la décision du 15 octobre 2018 du directeur du centre hospitalier de Valenciennes et en enjoignant à ce centre de réintégrer M. B...en le dotant d'un badge d'accès valide dans un délai de trois jours.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 décembre 2018 et 11 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier de Valenciennes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. B...et de faire droit à ses conclusions présentées devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du centre hospitalier de Valenciennes et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de M.B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 15 octobre 2018, le directeur général du centre hospitalier de Valenciennes a prononcé contre M.B..., adjoint administratif, la sanction de l'exclusion de fonctions pour une durée de cinq mois, dont deux mois avec sursis, en précisant que cette sanction s'exécuterait à compter du 19 octobre 2018. Par une ordonnance du 10 décembre 2018, contre laquelle le centre hospitalier se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a suspendu l'exécution de cette décision à la demande de l'intéressé et ordonné sa réintégration dans l'attente du jugement de son recours tendant à ce qu'elle soit annulée pour excès de pouvoir.

3. Si la décision litigieuse prévoit que l'exclusion de fonctions d'une durée de trois mois non assortie du sursis s'exécutera au cours d'une période qui est désormais révolue, cette exécution, qui a été suspendue par le juge des référés, pourra reprendre, en cas d'annulation de l'ordonnance et de rejet de la demande en référé, à la date que le directeur général du centre hospitalier fixera à cet effet. Dans ces conditions, la décision, qui, au surplus, prévoit également une période d'exclusion de fonctions de deux mois assortie du sursis, n'a pas épuisé ses effets à la date de la présente décision. Le pourvoi du centre hospitalier conserve, dès lors, un objet.

4. L'ordonnance attaquée relève que, pour infliger la sanction contestée, le directeur général du centre hospitalier de Valenciennes s'est fondé sur des " absences injustifiées d'une durée variable " constatées à cinq reprises sur une période de deux mois, sur la " prise de pauses et de siestes non autorisées dans la salle de repos à la vue de tous ", sur " l'exercice abusif d'un droit de retrait ", sur des " comportements inadaptés et provocateurs tant à l'égard de sa hiérarchie que d'un patient qui s'en sont plaints " et sur " un travail quantitativement et qualitativement insuffisant relativement au travail fourni par ses collègues et au vu de son expérience professionnelle ". Pour suspendre l'exécution de cette décision, le juge des référés a retenu que " ces derniers faits sont relatifs à l'inaptitude professionnelle du requérant et ne sont pas de nature à justifier légalement l'application d'une sanction disciplinaire ". Il ressortait toutefois des pièces du dossier qui lui étaient soumis que M.B..., qui justifiait d'une longue expérience professionnelle et dont les compétences n'avaient jamais été mises en doute, s'était délibérément abstenu d'exécuter, sinon à de rares occasions, la distribution des " kits hôteliers " qui constituait l'une de ses principales missions. En outre, les autres éléments retenus à son encontre traduisaient un refus d'obéir aux consignes de ses supérieurs et une volonté de se soustraire à ses obligations de service. Dans ces conditions, le juge des référés n'a pu, sans dénaturer les faits de l'espèce, retenir que l'insuffisance quantitative et qualitative du travail fourni relevait non d'un comportement délibéré susceptible de justifier une sanction disciplinaire mais d'une insuffisance professionnelle. Son ordonnance doit, par suite, être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Les moyens invoqués par M. B...à l'appui de sa demande de suspension et tirés de ce que le centre hospitalier aurait manqué à ses obligations de loyauté et d'impartialité, notamment au regard de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au cours de la procédure disciplinaire en refusant de produire ses moyens de preuve, en écartant sans les analyser ses arguments en défense et ses questions devant le conseil de discipline, en faisant une présentation mensongère ou tendancieuse des faits dans le rapport introductif lu devant ce conseil, en permettant à la directrice des ressources humaines de l'hôpital ayant déclenché la procédure disciplinaire d'assurer le secrétariat de ce conseil, de s'immiscer dans sa présidence, d'en influencer les débats en proposant une sanction au vote alors qu'elle n'avait pas qualité pour ce faire et d'influer sur son délibéré, de ce que le conseil de discipline aurait irrégulièrement statué dans une composition identique à celle du conseil qui avait pris la sanction du 19 juin 2018, annulée par le juge administratif, de ce que les preuves de ses absences auraient été collectées par un dispositif qui n'avait pas été porté à sa connaissance, en méconnaissance de l'article L. 1222-4 du code du travail, de ce que sa suspension conservatoire prononcée le 30 août 2018 aurait présenté un caractère injustifié au regard de l'ancienneté des faits et de son maintien dans ses fonctions lors de la première procédure disciplinaire engagée contre lui, de ce que la sanction emporterait des conséquences manifestement excessives sur l'exercice de ses mandats syndicaux et de représentant du personnel en l'empêchant d'accéder à l'établissement, de ce que l'administration aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des faits qui lui sont reprochés, de ce qu'elle aurait retenu une sanction manifestement disproportionnée par rapport aux fautes qui lui étaient imputées et de ce que la disproportion de cette sanction révèlerait un détournement de pouvoir destiné à contourner la protection attachée par l'article L. 1132-3-3 du code du travail au statut de lanceur d'alerte ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.

7. L'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par M. B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du 15 octobre 2018 du directeur du centre hospitalier de Valenciennes doit être rejetée.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier de Valenciennes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions pour mettre à la charge de M. B...la somme de 1 500 euros à verser au centre hospitalier de Valenciennes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 10 décembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Lille est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : M. B...versera la somme de 1 500 euros au centre hospitalier de Valenciennes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Valenciennes et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 426558
Date de la décision : 17/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - SANCTIONS - EXCLUSION DE FONCTIONS D'UN FONCTIONNAIRE HOSPITALIER PRÉCISANT SA PÉRIODE D'EXÉCUTION - SUSPENSION DE LA MESURE PAR LE JUGE DES RÉFÉRÉS - CONSÉQUENCE - SUSPENSION DE CETTE PÉRIODE D'EXÉCUTION - QUI POURRA REPRENDRE - EN CAS D'ANNULATION DE L'ORDONNANCE ET DE REJET DE LA DEMANDE EN RÉFÉRÉ - À LA DATE QUE FIXERA LE DG DU CENTRE HOSPITALIER [RJ1] - CONSÉQUENCE - NON-LIEU EN CASSATION CONTRE L'ORDONNANCE DU JUGE DES RÉFÉRÉS LORSQUE LA PÉRIODE D'EXÉCUTION AURAIT - EN L'ABSENCE DE SUSPENSION - PRIS FIN À LA DATE À LAQUELLE LE CONSEIL D'ETAT STATUE - ABSENCE [RJ2].

36-09-04 Directeur général d'un centre hospitalier ayant prononcé contre un agent la sanction de l'exclusion de fonctions pour une durée de cinq mois, dont deux mois avec sursis, en précisant que cette sanction s'exécuterait à compter du 19 octobre 2018......Si la décision litigieuse prévoit que l'exclusion de fonctions d'une durée de trois mois non assortie du sursis s'exécutera au cours d'une période qui est désormais révolue, cette exécution, qui a été suspendue par le juge des référés, pourra reprendre, en cas d'annulation de l'ordonnance et de rejet de la demande en référé, à la date que le directeur général du centre hospitalier fixera à cet effet. Dans ces conditions, la décision, qui, au surplus, prévoit également une période d'exclusion de fonctions de deux mois assortie du sursis, n'a pas épuisé ses effets juridiques à la date de la présente décision. Le pourvoi du centre hospitalier conserve, dès lors, un objet.

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ SUSPENSION (ART - L - 521-1 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - VOIES DE RECOURS - CASSATION - NON-LIEU - ABSENCE - POURVOI CONTRE UNE ORDONNANCE SUSPENDANT L'EXÉCUTION D'UNE SANCTION DISCIPLINAIRE DONT LA PÉRIODE D'EXÉCUTION AURAIT - EN L'ABSENCE DE SUSPENSION - PRIS FIN À LA DATE À LAQUELLE LE CONSEIL D'ETAT STATUE [RJ1] [RJ2].

54-035-02-05 Directeur général d'un centre hospitalier ayant prononcé contre un agent la sanction de l'exclusion de fonctions pour une durée de cinq mois, dont deux mois avec sursis, en précisant que cette sanction s'exécuterait à compter du 19 octobre 2018......Si la décision litigieuse prévoit que l'exclusion de fonctions d'une durée de trois mois non assortie du sursis s'exécutera au cours d'une période qui est désormais révolue, cette exécution, qui a été suspendue par le juge des référés, pourra reprendre, en cas d'annulation de l'ordonnance et de rejet de la demande en référé, à la date que le directeur général du centre hospitalier fixera à cet effet. Dans ces conditions, la décision, qui, au surplus, prévoit également une période d'exclusion de fonctions de deux mois assortie du sursis, n'a pas épuisé ses effets juridiques à la date de la présente décision. Le pourvoi du centre hospitalier conserve, dès lors, un objet.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant de la reprise de la suspension disciplinaire temporaire d'un sportif après une décision mettant fin à l'ordonnance de référé, CE, 15 avril 2016, M. Korval, n° 394199, aux Tables sur un autre point....

[RJ2]

Comp., s'agissant de la suspension d'un fonctionnaire ne constituant pas une sanction disciplinaire, CE, 12 février 2003, Commune de Sainte-Maxime, n° 249498, T. p. 925 ;

s'agissant d'une mesure de police, décision du même jour, CE, Ministre de l'action et des comptes publics c/ société Smoke House, n° 427921, à mentionner aux Tables.


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 2019, n° 426558
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/08/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:426558.20190617
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