Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 22 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des associations de santé à domicile, l'Union nationale des associations d'insuffisants respiratoires défenseurs de la qualité de l'air, le Groupe national des insuffisants respiratoires chroniques et le Syndicat national des associations de malades insuffisants respiratoires demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la fixation, par voie de conventions, des tarifs et prix limites de vente au public des dispositifs médicaux à pression positive continue pour traitement du syndrome d'apnées et hypopnées obstructives du sommeil et prestations associées inscrits sur la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale, faisant l'objet de l'avis publié le 16 décembre 2017 au Journal officiel de la République française ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 ;
- l'arrêté du 27 juillet 2017 fixant la liste des traitements d'affections chroniques mentionnée à l'article L. 165-1-3 du code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 13 décembre 2017 modifiant la procédure d'inscription et les conditions de prise en charge du dispositif médical à pression positive continue pour traitement de l'apnée du sommeil et prestations associées au paragraphe 4 de la sous-section 2, section 1, chapitre 1er, titre Ier de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,
- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'Union nationale des associations de santé à domicile, de l'Union nationale des associations d'insuffisants respiratoires et de la qualité de l'air, du Groupe national des insuffisants respiratoires chroniques et du Syndicat national des associations de malades insuffisants respiratoires et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Syndicat national autonome de prestataires de santé a domicile, de l'Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux et de l'Union des prestataires de santé à domicile indépendants ;
Considérant ce qui suit :
1. Par conventions signées avec des organisations professionnelles représentant les prestataires de traitement du syndrome de l'apnée du sommeil ainsi que les fabricants de dispositifs médicaux et avec certains de ces fabricants, le comité économique des produits de santé a fixé les tarifs de responsabilité et les prix des prestations, comprenant la mise à disposition des dispositifs médicaux, de pression positive continue pour le traitement des syndromes d'apnées et d'hypopnées obstructives du sommeil, ainsi que les prix maximaux de cession de certaines composantes de ces prestations. L'Union nationale des associations de santé à domicile, l'Union nationale des associations d'insuffisants respiratoires défenseurs de la qualité de l'air, le Groupe national des insuffisants respiratoires chroniques et le Syndicat national des associations de malades insuffisants respiratoires demandent l'annulation pour excès de pouvoir de ces tarifs et prix, publiés par voie d'avis au Journal officiel de la République française du 16 décembre 2017.
Sur la procédure de fixation des tarifs et prix limites de vente :
2. L'article L. 165-1-3 du code de la sécurité sociale prévoit que, pour certains traitements d'affections chroniques, qui recouvrent, en vertu de l'arrêté de la ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics du 27 juillet 2017, les syndromes d'apnées et d'hypopnées obstructives du sommeil, " les tarifs de responsabilité ou les prix mentionnés, respectivement, aux articles L. 165-2 et L. 165-3 peuvent être modulés, sans préjudice des autres critères d'appréciation prévus aux mêmes articles L. 165-2 et L. 165-3, en fonction de certaines données collectées, notamment celles relatives aux modalités d'utilisation du dispositif médical mis à disposition ". Aux termes du I de l'article L. 165-2 de ce code : " Les tarifs de responsabilité de chacun des produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1 inscrits sous forme de nom de marque ou de nom commercial sont établis par convention entre le fabricant ou le distributeur du produit ou de la prestation concerné et le Comité économique des produits de santé dans les mêmes conditions que les conventions visées à l'article L. 162-17-4 ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé. / Les tarifs de responsabilité des produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1 inscrits par description générique ou par description générique renforcée sont établis par convention entre un ou plusieurs fabricants ou distributeurs des produits ou prestations répondant à la description générique ou, le cas échéant, une organisation regroupant ces fabricants ou distributeurs et le Comité économique des produits de santé dans les conditions prévues à l'article L. 165-3-3 ou, à défaut, par décision du Comité économique des produits de santé ". L'article L. 165-3 du même code prévoit, de la même façon, que les prix de ces produits et prestations sont fixés par convention conclue par le comité économique des produits de santé avec les mêmes fabricants, distributeurs ou organisations ou, à défaut, par décision du comité.
3. L'article L. 165-3-3 inséré dans le code de la sécurité sociale par l'article 98 de la loi du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoit à son I que : " Les fabricants ou, le cas échéant, les organisations regroupant ces fabricants sont habilités à négocier et à conclure les conventions fixant, en application des articles L. 165-2 et L. 165-3, les tarifs de responsabilité et, le cas échéant, les prix des produits et prestations inscrits sur la liste prévue à l'article L. 165-1 par description générique ou description générique renforcée, lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies : / 1° Les fabricants ou organisations ont fait connaître au Comité économique des produits de santé leur intention de négocier à la suite d'un avis de projet de fixer les tarifs de responsabilité et, le cas échéant, les prix ; / 2° Chaque fabricant ou organisation participant à cette négociation justifie d'une part du montant remboursé, constaté ou prévisionnel, représentant au moins 10 % du montant relatif des produits et prestations concernés remboursé par l'assurance maladie obligatoire (...) ". Le II de l'article L. 165-3-3 fixe les mêmes conditions pour les distributeurs et les organisations qui les regroupent. Enfin, le III de cet article dispose que : " La convention mentionnée au I est valablement conclue si elle est signée par des fabricants ou organisations qui représentent une part du montant remboursé, constaté ou prévisionnel, représentant au moins le tiers de la somme des montants remboursés relatifs aux produits et prestations concernés, sur le champ résultant de l'application du 2° du même I pour les descriptions génériques ou descriptions génériques renforcées concernées " et prévoit des dispositions similaires pour les distributeurs et les organisations qui les regroupent. Ces dispositions sont suffisamment précises pour que leur application n'ait pas été manifestement impossible avant l'intervention du décret en Conseil d'Etat prévu par le VI du même article pour en définir les modalités. Par suite, elles sont entrées en vigueur dès le lendemain de leur publication au Journal officiel de la République française du 24 décembre 2016 et sont applicables à la fixation, par des conventions signées en novembre et décembre 2017, des tarifs et prix en litige.
4. En premier lieu, le comité économique des produits de santé a fait connaître, par un avis de projet publié au Journal officiel de la République française du 28 septembre 2017, son intention de fixer les nouveaux tarifs et les nouveaux prix limites de vente au public des prestations du dispositif médical à pression positive continue pour le traitement de l'apnée du sommeil et les niveaux envisagés pour ces tarifs et ces prix. Par suite, le moyen tiré de ce que la négociation des conventions fixant ces tarifs et prix n'aurait pas été précédée de la publication d'un tel avis manque en fait.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces versées au dossier à la demande de la 1e chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat que l'avis publié au Journal officiel de la République française du 16 décembre 2017 rend publics les prix et tarifs fixés par cinq conventions identiques conclues entre le comité économique des produits de santé et cinq organisations regroupant des prestataires de santé à domicile, distributeurs des dispositifs médicaux à pression positive continue, ainsi que, d'une part, par deux conventions identiques conclues entre ce comité et deux organisations regroupant des fabricants de ces dispositifs, reprenant les seuls forfaits de pression positive continue tarifés de façon isolée, eu égard à l'inscription de ces dispositifs sur la liste des produits et prestations remboursables par description générique, et, d'autre part, par sept conventions conclues entre ce comité et sept sociétés fabriquant des appareils d'oxygénothérapie, reprenant, chacune pour les seuls appareils qu'elle fabrique, inscrits sur la même liste sous forme de nom de marque, les forfaits de pression positive continue associés à un forfait d'oxygénothérapie.
6. Tout d'abord, la circonstance que les signatures des représentants des différentes organisations regroupant des prestataires ou des fabricants aient été recueillies sur des documents matériellement distincts ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 165-2, L. 165-3 et L. 165-3-3 du code de la sécurité sociale relatives aux conventions fixant les tarifs de responsabilité et les prix des produits et prestations remboursables.
7. Ensuite, il ressort des pièces du dossier que les organisations de prestataires signataires de ces conventions qui, prises séparément, représentent chacune au moins 10 % des montants remboursés par l'assurance maladie au titre des prestations de pression positive continue représentent également, prises ensemble, plus du tiers de ces mêmes montants, et qu'il en est de même des organisations de fabricants signataires. Dans ces conditions, les organisations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la seule signature de certaines organisations représentant moins de 10 % des montants remboursés, qui n'avaient pas de titre à négocier des conventions, aurait entaché d'illégalité la fixation des tarifs de responsabilité et des prix des dispositifs médicaux à pression positive continue.
8. Enfin, les tarifs et prix prévus aux articles L. 165-2 et L. 165-3 du code de la sécurité sociale ne peuvent être valablement fixés par une convention si celle-ci n'est pas régulièrement signée par des personnes ayant qualité pour engager, d'une part, le comité économique des produits de santé et, d'autre part, les organisations ou sociétés parties. Si un moyen tiré de ce que le comité n'aurait pas vérifié cette qualité serait inopérant, le juge de l'excès de pouvoir peut en revanche être utilement saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation des tarifs et prix, d'un moyen tiré de l'absence de qualité des signataires de la convention les fixant. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, le comité économique des produits de santé a régulièrement délibéré, lors de ses séances des 28 juillet, 19 septembre, 8 novembre et 22 novembre 2017, au cours desquelles était réuni le quorum, fixé par l'article D. 162-2-5 du code de la sécurité sociale à six de ses membres ayant voix délibérative, sur le projet d'avis tarifaire et les projets de convention et a approuvé ces conventions, qui ont été signées par son président. D'autre part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les conventions signées avec des organisations regroupant des prestataires ou des fabricants le sont, pour ces organisations, et notamment le syndicat national des prestataires de santé à domicile, par leur président ou, s'agissant du syndicat national de l'industrie des technologies médicales, par son directeur général agissant sur délégation du président ainsi que le permettent les statuts du syndicat. S'agissant des conventions signées avec des fabricants, il a été justifié de la délégation donnée par la société Inogen au dirigeant d'une autre société, ayant son siège en France, et les simples allégations des requérants ne sont pas de nature à mettre sérieusement en cause, pour deux autres sociétés ayant leur siège à l'étranger, la qualité de leur représentant, signataire de la convention. Par suite, le moyen tiré de ce que certaines conventions auraient été signées par des personnes qui n'y étaient pas habilitées doit être écarté.
9. En troisième lieu, la circonstance que les tarifs et prix des dispositifs médicaux à pression positive continue aient été publiés au Journal officiel de la République française sans que l'avis qui y procède ait été précédé d'une nouvelle délibération du comité économique des produits de santé ni ait revêtu la forme d'une décision dont l'auteur aurait été mentionné, ce que, au demeurant, aucune règle ni aucun principe n'imposait, est sans incidence sur leur légalité.
Sur le prix de cession :
10. En vertu de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale, le comité économique des produits de santé " peut fixer, pour ce qui concerne les produits ou prestations mentionnés à l'article L. 165-1, le prix de cession maximal auquel peut être vendu le produit ou la prestation au distributeur en détail. Ces fixations tiennent compte de l'évolution des charges, des revenus et du volume d'activité des praticiens ou entreprises concernés (...) ".
11. Il résulte de l'arrêté du 13 décembre 2017 modifiant la procédure d'inscription et les conditions de prise en charge du dispositif médical à pression positive continue pour traitement de l'apnée du sommeil et prestations associées au paragraphe 4 de la sous-section 2, section 1, chapitre 1er, titre Ier de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale que la prestation de pression positive continue dont sont chargés les prestataires comprend tant la fourniture du matériel que des prestations générales, techniques et administratives destinées en particulier à assurer la bonne utilisation du dispositif par le patient et le suivi de l'observance du traitement. Toutefois, cet arrêté a également prévu, par des dispositions contre lesquelles les requérants ont formé un recours pour excès de pouvoir rejeté par une décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, de ce jour, que les fabricants devaient assurer l'hébergement des données des appareils des patients. Cette responsabilité induit des coûts, associés en particulier à l'hébergement des données, à leur transmission vers les serveurs des prestataires et au développement des logiciels nécessaires, dans le respect du cadre légal et réglementaire qui s'impose à de tels traitements, que les fabricants peuvent facturer aux prestataires. Par suite, et alors même qu'elle ne constitue qu'une composante de la prestation de pression positive continue, le comité économique des produits de santé a pu légalement fixer, sur le fondement de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale, afin de garantir les marges des prestataires, un prix maximal de rémunération de cette prestation, repris dans les conventions conclues avec les organisations de fabricants et de prestataires.
12. Il résulte de tout ce qui précède que l'Union nationale des associations de santé à domicile, l'Union nationale des associations d'insuffisants respiratoires défenseurs de la qualité de l'air, le Groupe national des insuffisants respiratoires chroniques et le Syndicat national des associations de malades insuffisants respiratoires ne sont pas fondés à demander l'annulation des tarifs et prix limites de vente des dispositifs médicaux à pression positive continue publiés sous forme d'avis au Journal officiel de la République française du 16 décembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
13. Les conclusions des organisations requérantes présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Union nationale des associations de santé à domicile, de l'Union nationale des associations d'insuffisants respiratoires défenseurs de la qualité de l'air, du Groupe national des insuffisants respiratoires chroniques et du Syndicat national des associations de malades insuffisants respiratoires des sommes de 1 500 euros à verser tant au Syndicat national de l'industrie des technologies médicales qu'à la société Philips France commercial et de 1 000 euros à verser tant à l'Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux qu'à l'Union des prestataires de santé à domicile indépendants, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Union nationale des associations de santé à domicile, de l'Union nationale des associations d'insuffisants respiratoires défenseurs de la qualité de l'air, du Groupe national des insuffisants respiratoires chroniques et du Syndicat national des associations de malades insuffisants respiratoires est rejetée.
Article 2 : L'Union nationale des associations de santé à domicile, l'Union nationale des associations d'insuffisants respiratoires défenseurs de la qualité de l'air, le Groupe national des insuffisants respiratoires chroniques et le Syndicat national des associations de malades insuffisants respiratoires verseront une somme de 1 500 euros au Syndicat national de l'industrie des technologies médicales, une somme de 1 500 euros à la société Philips France commercial, une somme de 1 000 euros à l'Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux et une somme de 1 000 euros à l'Union des prestataires de santé à domicile indépendants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des associations de santé à domicile, premier requérant dénommé, au comité économique des produits de santé, au Syndicat national de l'industrie des technologies médicales, à l'Union nationale des prestataires de dispositifs médicaux, pour l'ensemble des défendeurs ayant présenté un mémoire commun, et à la société Philips France commercial.
Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé, au Syndicat national des associations d'assistance à domicile, au Syndicat national des prestataires de santé à domicile, au Syndicat national autonome de prestataires de santé à domicile, à l'Union des fabricants d'aides techniques et aux sociétés Caire Inc, Devilbiss Healthcare, GCE SAS, Inoven, Invacare Poirier SAS et Resmed SAS.