Vu la procédure suivante :
La société Society of Architects and Developers (SADE) a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 millions d'euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2014 et avec capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice résultant de son éviction du projet de construction d'un centre spirituel et culturel orthodoxe russe dans le VIIème arrondissement de Paris. Par un jugement n° 1504789 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16PA02792 du 29 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société SADE contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 28 mai 2018 et le 28 février 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société SADE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Christelle Thomas, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société Society of Architects and Developers (sade) ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier sousmis aux juges du fond que la Fédération de Russie a, par contrat du 1er juin 2011, confié à la société Society of Architects and Developers (SADE) la maîtrise d'oeuvre du projet de la construction d'un centre culturel et religieux comprenant une église orthodoxe, un séminaire, une bibliothèque, des salles polyvalentes, des logements et un jardin sur un terrain lui appartenant et situé à l'angle du quai Branly et de l'avenue Rapp à Paris. La Fédération de Russie a déposé le 29 mai 2012 auprès des services de l'Etat une demande de permis de construire pour la réalisation de ce projet sur laquelle l'architecte des bâtiments de France a émis un avis défavorable au motif que ce projet était de nature à porter atteinte au site inscrit de Paris. Le même jour, le préfet de la région Île-de-France a également émis un avis défavorable à ce projet, au motif qu'il n'apportait pas les garanties techniques suffisantes pour permettre d'assurer la bonne conservation du Palais de l'Alma, immeuble classé au titre des monuments historiques et adossé au projet, et était de nature, en raison de sa volumétrie et de son expression architecturale, à porter atteinte à la perception de ce monument historique. Le 20 novembre 2012, la Fédération de Russie a retiré sa demande de permis de construire. Elle a ensuite, en mai 2013, résilié le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu avec la société SADE . Une nouvelle demande de permis de construire a ensuite été déposée par la Fédération de Russie sur la base d'un autre projet conçu par la société d'architecture Wilmotte et Associés. Ce permis de construire a été accordé par les services de l'Etat le 24 décembre 2013. La société SADE a demandé à l'Etat de lui verser une indemnité de dix millions d'euros en réparation du préjudice résultant d'agissements fautifs des autorités politiques et administratives françaises qui auraient conduit à son éviction de la maîtrise d'oeuvre du projet. La société SADE se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 29 décembre 2017 qui a rejeté son appel contre le jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la Fédération de Russie a retiré sa demande de permis de construire le 20 novembre 2012 après les avis défavorables rendus le 28 septembre 2012 respectivement par l'architecte des bâtiments de France et par le préfet de région, et a résilié, le 27 mai 2013, le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu avec la société SADE. Dès lors, en relevant que le préjudice subi par la société SADE du fait de son éviction du projet en conséquence de la résiliation de son contrat de maîtrise d'oeuvre par la Fédération de Russie ne présentait pas de lien de causalité direct avec les agissements reprochés à l'Etat français, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas dénaturé les pièces du dossier et n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique des faits.
3. Si la cour a, par ailleurs, estimé que la prétendue opposition des autorités françaises au projet présenté par la société SADE, constituerait en tout état de cause un acte non détachable de l'action diplomatique de la France et échapperait dès lors à la compétence de la juridiction administrative, ce motif présente un caractère surabondant. Les moyens tirés de l'irrégularité de procédure résultant de l'absence de communication aux parties de la qualification d'acte de gouvernement, de l'insuffisance de motivation, de la contradiction de motifs, de l'erreur de droit et de l'erreur de qualification juridique des faits dirigés contre ce motif sont, dès lors, inopérants.
4. Enfin, dès lors que la cour administrative d'appel de Paris a jugé que la décision de résiliation prise par la Fédération de Russie constitue la cause directe du préjudice subi par la société SADE, elle n'a commis aucune erreur de droit en ne recherchant pas si ce préjudice pouvait relever de l'éventuelle responsabilité sans faute ou de l'éventuelle responsabilité contractuelle de l'Etat français.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société SADE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le ministre de la culture au même titre.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Society of Architects and Developers est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par le ministre de la culture au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Society of Architects and Developers et au ministre de la culture.