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12/04/2019 | FRANCE | N°410315

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 12 avril 2019, 410315


Vu la procédure suivante :

La société Compagnie de Saint-Gobain a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008. Par un jugement n° 1210110 du 1er juillet 2014 et par un jugement n° 1310365 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Par un arrêt nos 14VE02691, 15VE02873 du 9 mars 2017, la cour administrative d'appel de V

ersailles a rejeté les appels formés par la société Compagnie de Saint-Gobain...

Vu la procédure suivante :

La société Compagnie de Saint-Gobain a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008. Par un jugement n° 1210110 du 1er juillet 2014 et par un jugement n° 1310365 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Par un arrêt nos 14VE02691, 15VE02873 du 9 mars 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté les appels formés par la société Compagnie de Saint-Gobain contre ces jugements.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 mai et 28 juillet 2017 et le 30 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Compagnie de Saint-Gobain demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses appels ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Compagnie de Saint-Gobain ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Partidis, société membre du groupe fiscal intégré dont la société mère est la société Compagnie de Saint-Gobain, a perçu les 21 et 30 mai 2008 de sa filiale résidente britannique, la société Saint-Gobain Ltd, des acomptes sur dividendes, dénommés selon le droit britannique " interim dividends ", pour des montants de 46 630 000 et 46 631 000 livres sterling, qu'elle a retranchés de son résultat imposable en application du régime des sociétés mères après défalcation d'une quote-part de frais et charges. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale n'a admis la déduction des acomptes sur dividendes qu'à hauteur du résultat que la société britannique était en mesure de distribuer à la clôture de l'exercice en cause et rehaussé en conséquence le bénéfice imposable de la société Partidis au titre de l'exercice clos en 2008. La société Compagnie de Saint-Gobain se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 mars 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté ses appels formés contre les jugements des 1er juillet 2014 et 7 juillet 2015 par lesquels le tribunal administratif de Montreuil avait rejeté ses demandes tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt résultant de ce rehaussement.

2. Aux termes de l'article 145 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux exercices clos en 2008 : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après :/ a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; / b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice (...) / ; c. Les titres de participation doivent avoir été conservés pendant un délai de deux ans (...) ". Aux termes de l'article 216 du même code : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges ".

3. Pour refuser à la société Partidis la possibilité de retrancher de son bénéfice imposable une fraction des acomptes sur dividendes que lui avait versés en cours d'exercice sa filiale résidente britannique au vu du bénéfice qu'elle avait réalisé depuis la clôture du précédent exercice, la cour administrative d'appel de Versailles s'est fondée sur ce que leur montant s'était révélé supérieur à celui des sommes distribuables par la filiale à la clôture de l'exercice de versement des acomptes. En jugeant ainsi que l'exonération des acomptes ne peut être admise que dans la limite du montant des sommes distribuables en fin d'exercice alors que leur perception procède, pour leur montant total, des droits attachés aux titres de participation détenus par la société mère et que les articles 145 et 216 précités du code général des impôts ne subordonnent pas l'exonération des produits nets de participations qu'ils instituent à l'imposition effective, entre les mains de la filiale, des bénéfices qu'elle distribue, la cour a commis une erreur de droit. La société Compagnie de Saint-Gobain est par suite fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-1 du code de justice administrative.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les acomptes sur dividendes versés à la société Partidis par sa filiale britannique avaient, dans leur totalité, le caractère de produits de participation au sens de l'article 216 du code général des impôts et relevaient, dès lors, du régime des sociétés mères. Il s'ensuit, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens qu'elle soulève, que la société Compagnie de Saint-Gobain est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquels elle a été assujettie à raison de la remise en cause de l'exonération d'une fraction des acomptes sur dividendes que la société Partidis avait perçus les 21 et 30 mai 2008.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros, pour l'ensemble de la procédure, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt nos 14VE02691, 15VE02873 de la cour administrative d'appel de Versailles du 9 mars 2017 et les jugements n° 1210110 du 1er juillet 2014 et n° 1310365 du 7 juillet 2015 du tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 2 : La société Compagnie de Saint-Gobain est déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 à raison de la remise en cause de l'exonération d'une fraction des acomptes sur dividendes versés à la société Partidis par sa filiale britannique.

Article 3 : L'Etat versera à la société Compagnie de Saint-Gobain une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Compagnie de Saint-Gobain et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 410315
Date de la décision : 12/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE. - RÉGIME FISCAL DES SOCIÉTÉS MÈRES ET FILIALES (ART. 145 DU CGI) - PRODUITS NETS DE PARTICIPATION DÉDUCTIBLES (ART. 216 DU CGI) - NOTION - ACOMPTES SUR DIVIDENDES - INCLUSION DANS LEUR TOTALITÉ, SANS QU'AIT D'INCIDENCE LE MONTANT DES SOMMES DISTRIBUABLES EN FIN D'EXERCICE.

19-04-01-04-03 Pour refuser à la société la possibilité de retrancher de son bénéfice imposable une fraction des acomptes sur dividendes que lui avait versés en cours d'exercice sa filiale résidente britannique au vu du bénéfice qu'elle avait réalisé depuis la clôture du précédent exercice, la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que leur montant s'était révélé supérieur à celui des sommes distribuables par la filiale à la clôture de l'exercice de versement des acomptes. En jugeant ainsi que l'exonération des acomptes ne peut être admise que dans la limite du montant des sommes distribuables en fin d'exercice alors que leur perception procède, pour leur montant total, des droits attachés aux titres de participation détenus par la société mère et que les articles 145 et 216 du code général des impôts (CGI) ne subordonnent pas l'exonération des produits nets de participations qu'ils instituent à l'imposition effective, entre les mains de la filiale, des bénéfices qu'elle distribue, cette cour commet une erreur de droit.... ,,Il résulte de ce qui précède que les acomptes sur dividendes versés à la société par sa filiale britannique avaient, dans leur totalité, le caractère de produits de participation au sens de l'article 216 du CGI et relevaient, dès lors, du régime des sociétés mères.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 avr. 2019, n° 410315
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Humbert
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:410315.20190412
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