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05/04/2019 | FRANCE | N°418201

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 05 avril 2019, 418201


Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 2 janvier 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines a sursis à statuer sur le litige opposant M. A...B...à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) et invité M. B...à saisir le juge administratif de la question de la légalité de l'article D. 643-10 du code de la sécurité sociale, des articles 4 et 6 du décret n° 2004-461 du 27 mai 2004 et des arrêtés des 26 mai 2005, 3 octobre et 8 décembre 2006, 17 décembre 2007, 3 décembre 2010 et 6 juillet 2012 ayant approuvé

les statuts de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assuranc...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 2 janvier 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines a sursis à statuer sur le litige opposant M. A...B...à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) et invité M. B...à saisir le juge administratif de la question de la légalité de l'article D. 643-10 du code de la sécurité sociale, des articles 4 et 6 du décret n° 2004-461 du 27 mai 2004 et des arrêtés des 26 mai 2005, 3 octobre et 8 décembre 2006, 17 décembre 2007, 3 décembre 2010 et 6 juillet 2012 ayant approuvé les statuts de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse.

Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 février et 13 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité de l'article D. 643-10 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, des articles 4 et 6 du décret n° 2004-461 du 27 mai 2004 et des arrêtés des 26 mai 2005, 3 octobre et 8 décembre 2006, 17 décembre 2007, 3 décembre 2010 et 6 juillet 2012 ayant approuvé les statuts de la CIPAV et de déclarer que ces dispositions sont entachées d'illégalité.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de procédure civile ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 79-262 du 21 mars 1979 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boutet, Hourdeaux, avocat de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse.

Considérant ce qui suit :

1. Saisi de l'opposition formée par M. B...à la contrainte émise le 3 décembre 2013 par la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse pour le paiement de la somme de 16 737,30 euros à titre de cotisations et de majorations de retard pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines, par un jugement du 2 janvier 2018, a sursis à statuer et invité M. B...à saisir le juge administratif, à titre préjudiciel, de la question de la légalité, au regard de l'article 16 de la Déclaration de 1789, du droit de propriété et du principe d'égalité, de l'article D. 643-10 du code de sécurité sociale, qui prévoit que le versement de cotisations ne peut entraîner la révision de la pension de retraite lorsque celle-ci a déjà été liquidée, des articles 4 et 6 du décret du 27 mai 2004 relatif à l'assurance vieillesse des professions libérales et des arrêtés des 26 mai 2005, 3 octobre et 8 décembre 2006, 17 décembre 2007, 3 décembre 2010 et 6 juillet 2012 en ce qu'ils ont approuvé les articles 3.4 et 3.6 des statuts de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse.

2. Aux termes du second alinéa de l'article 49 du code de procédure civile : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente (...). Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ".

3. Il est constant, en l'espèce, que la saisine du juge administratif ne procède pas directement d'une transmission du juge judiciaire, telle que prévue par les dispositions précitées, mais de M.B.... Toutefois, eu égard au dispositif du jugement rappelé au point 1, la saisine du juge administratif par M. B...doit être regardée, compte tenu de ses effets qui sont similaires à la mise en oeuvre des dispositions précitées, comme équivalente à la transmission qu'elles organisent.

Sur la légalité de l'article D. 643-10 du code de la sécurité sociale, relatif au régime d'assurance vieillesse de base des professions libérales :

4. Aux termes de l'article L. 643-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " L'attribution de la pension de retraite est subordonnée à la cessation de l'activité libérale. / Les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle à l'exercice d'une activité procurant des revenus inférieurs à un seuil déterminé dans des conditions fixées par décret. / Lorsque l'assuré reprend une activité lui procurant des revenus supérieurs à ceux prévus à l'alinéa précédent, il en informe la section professionnelle compétente et le service de sa pension est suspendu. / Par dérogation aux trois précédents alinéas, et sous réserve que l'assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle : / a) A partir de l'âge prévu au 1° de l'article L. 351-8 ; / b) A partir de l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa ".

5. Aux termes de l'article L. 642-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne exerçant une activité professionnelle relevant de l'Organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales est tenue de verser des cotisations destinées à financer notamment : / 1° Les prestations définies au chapitre III du présent titre ; / 2° Les charges de compensation incombant à cette organisation en application des articles L. 134-1 et L. 134-2. / (...) / Les charges mentionnées aux 1° et 2° sont couvertes par une cotisation proportionnelle déterminée en pourcentage des revenus professionnels non salariés tels que définis à l'article L. 642-2. Les revenus professionnels soumis à cotisations sont divisés en deux tranches déterminées par référence au plafond prévu à l'article L. 241-3 et dont les limites sont fixées par décret. Chaque tranche est affectée d'un taux de cotisation. La cotisation afférente à chaque tranche ouvre droit à l'acquisition d'un nombre de points déterminé par décret. / Le taux de cotisation appliqué à chaque tranche de revenus est fixé par décret, après avis de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales. / Un décret fixe le nombre de points attribué aux personnes exonérées de tout ou partie des cotisations en application de l'article L. 642-3 ". L'article L. 642-3 du même code prévoit une exonération de cotisations en faveur des personnes reconnues atteintes d'une incapacité d'exercice de leur profession pour plus de six mois selon la procédure définie par les statuts de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales.

6. D'une part, il résulte des dispositions, citées au point 4, de l'article L. 643-6 du code de la sécurité sociale qu'une personne exerçant une activité professionnelle relevant de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales ne peut cumuler sa pension de vieillesse avec une activité professionnelle procurant des revenus supérieurs à un certain seuil qu'à la condition d'avoir liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires. Ainsi, le législateur a nécessairement entendu exclure que la reprise d'activité par une telle personne puisse lui permettre d'acquérir de nouveaux droits en matière de retraite. D'autre part, l'article L. 642-3 du même code ne prévoit aucune exonération de cotisation en faveur des personnes exerçant une activité professionnelle relevant de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales qui cumulent leur pension de vieillesse avec un revenu d'activité. Par suite, l'article D. 643-10 du code de la sécurité sociale ne fait que tirer les conséquences de la loi en prévoyant qu'une activité exercée dans le cadre de l'article L. 643-6 donne lieu au versement de cotisations ne pouvant entraîner la révision de la pension de retraite lorsque celle-ci a déjà été liquidée. Dès lors, il ne saurait être utilement soutenu qu'il méconnaîtrait le principe d'égalité et les articles 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Sur la légalité des articles 3.4 et 3.6 des statuts de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, relatifs au régime d'assurance vieillesse complémentaire géré par cette caisse, approuvés par arrêté ministériel :

7. L'article L. 644-1 du code de la sécurité sociale prévoit que, pour les professions libérales, " des décrets peuvent instituer un régime d'assurance vieillesse complémentaire fonctionnant à titre obligatoire dans le cadre soit de l'ensemble du groupe professionnel, soit d'une activité professionnelle particulière ". En application de ces dispositions, le décret du 21 mars 1979 relatif au régime d'assurance vieillesse complémentaire des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, experts et conseils a institué pour ces professions un régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire. Les articles 4 et 5 de ce décret renvoient aux statuts de la section professionnelle correspondante de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales le soin de préciser certaines conditions du régime qu'il institue. Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 641-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les statuts des sections professionnelles sont approuvés par arrêté ministériel ".

8. Par les arrêtés litigieux, notamment celui du 3 octobre 2006, le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille a, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 641-5 du code de la sécurité sociale, approuvé plusieurs modifications des statuts de la section professionnelle des architectes, agréés en architecture, ingénieurs, techniciens, géomètres, experts et conseils, artistes auteurs ne relevant pas de l'article L. 382-1, enseignants, professionnels du sport, du tourisme et des relations publiques, et de toute profession libérale non rattachée à une autre section de la caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales, portant notamment sur le régime complémentaire d'assurance vieillesse propre à ces professions, géré par la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse. Aux termes de l'article 3.6 de ces statuts, tel qu'il est approuvé par les arrêtés en litige : " L'adhérent encore en activité ayant demandé la liquidation de sa pension demeure tenu de cotiser. / Cette cotisation, qui n'est pas attributive de points, est déterminée en fonction de l'article 3.4 des présents statuts (...) " et aux termes de l'article 3.4 de mêmes statuts : " (...) L'adhérent dont la pension est liquidée et qui continue à exercer son activité reste redevable de la cotisation dans les conditions définies ci-dessus, sous réserve des dispositions de l'article 3.6 ".

9. D'une part, ainsi qu'il été dit au point 6, en prévoyant que les cotisations versées après la date de liquidation de la retraite complémentaire n'ouvrent plus droit à l'acquisition de points supplémentaires, les articles 3.4 et 3.6 des statuts approuvés par les arrêtés litigieux n'ont fait que tirer les conséquences de l'article L. 643-6 du code de la sécurité sociale, par lequel le législateur a nécessairement entendu exclure que la reprise d'activité par une telle personne puisse lui permettre d'acquérir de nouveaux droits en matière de retraite, y compris au titre d'un régime de retraite complémentaire rendu légalement obligatoire. Il ne saurait par suite être utilement soutenu que les arrêtés litigieux méconnaîtraient les articles 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

10. D'autre part, les professionnels libéraux affiliés à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse qui reprennent ou poursuivent une activité professionnelle après avoir fait liquider leur pension de retraite ne se trouvent pas, au regard des règles relatives à la constitution du droit à pension, dans la même situation que ceux qui exercent leur activité sans bénéficier d'une pension de retraite. En prévoyant, comme le fait d'ailleurs désormais l'article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale issu de la loi du 20 janvier 2014 pour l'ensemble des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires d'assurance vieillesse, que les droits à pension des personnes affiliées à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse qui reprennent ou poursuivent une activité professionnelle après avoir fait liquider leur pension de retraite ne sont plus susceptibles d'être modifiés, sans pour autant les exonérer des cotisations dues par tout adhérent à ce régime complémentaire obligatoire, les articles 3.4 et 3.6 des statuts du régime approuvés par les arrêtés litigieux ont instauré une différence de traitement qui est en rapport direct avec l'objectif de solidarité entre actifs et retraités poursuivi par ce régime et n'est pas manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation qui la justifie. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit également être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'article D. 643-10 du code de la sécurité sociale et, en ce qu'ils approuvent les articles 3.4 et 3.6 des statuts de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, les arrêtés des 26 mai 2005, 3 octobre 2006, 8 décembre 2006, 17 décembre 2007, 3 décembre 2010 et 6 juillet 2012 sont entachés d'illégalité. Il n'est pas davantage fondé à soutenir qu'il en irait de même, pour les mêmes motifs, des articles 4 et 6 du décret du 27 mai 2004 relatif à l'assurance vieillesse des professions libérales, qui, au demeurant, ne régissent pas les droits et obligations des professionnels libéraux affiliés à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est déclaré que l'exception d'illégalité de l'article D. 643-10 du code de sécurité sociale, des articles 4 et 6 du décret du 27 mai 2004 relatif à l'assurance vieillesse des professions libérales et, en ce qu'ils approuvent les articles 3.4 et 3.6 des statuts de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, des arrêtés des 26 mai 2005, 3 octobre 2006, 8 décembre 2006, 17 décembre 2007, 3 décembre 2010 et 6 juillet 2012, soulevée par M. B...devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines, n'est pas fondée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au président du tribunal de grande instance de Versailles.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 418201
Date de la décision : 05/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 05 avr. 2019, n° 418201
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arnaud Skzryerbak
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP BOUTET-HOURDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:418201.20190405
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