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18/03/2019 | FRANCE | N°425129

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 18 mars 2019, 425129


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Groupe Sibuet demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 17LY03004 du 30 août 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre le jugement n° 1501320 du 26 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande de décharge des rappels de taxe sur les salaires qui lui on

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Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Groupe Sibuet demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 17LY03004 du 30 août 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel contre le jugement n° 1501320 du 26 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble rejetant sa demande de décharge des rappels de taxe sur les salaires qui lui ont été réclamés au titre de l'exercice clos en 2011, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 231 du code général des impôts, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sylvain Humbert, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Groupe Sibuet ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel susvisée : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de la première phrase du premier alinéa du 1 de l'article 231 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, évalué selon les règles prévues aux chapitres Ier et II du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale ou pour les employeurs de salariés visés aux articles L. 722-20 et L. 751-1 du code rural et de la pêche maritime, au titre IV du livre VII dudit code, et à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. (...) ". Par décision n° 388676 du 21 janvier 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a jugé qu'il résulte des travaux préparatoires de l'article 10 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001, dont sont issues les dispositions précitées de l'article 231 du code général des impôts, qu'en alignant l'assiette de la taxe sur les salaires sur celle des cotisations de sécurité sociale, " le législateur a entendu y inclure les rémunérations des dirigeants de sociétés visés à l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et notamment celles des présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées ".

3. En posant une question prioritaire de constitutionnalité sur une disposition législative, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition.

4. La société Groupe Sibuet soutient que la première phrase du 1 de l'article 231 du code général des impôts, telle qu'interprétée par la décision du 21 janvier 2016 citée au point 2, méconnaît, en tant que les effets de cette interprétation n'ont pas été limités dans le temps, la garantie des droits assurée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, combinée avec l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

5. Aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ".

6. Il résulte des dispositions de la première phrase du 1 de l'article 231 du code général des impôts dans sa version applicable au litige, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 10 de la loi du 30 décembre 2000 de finances pour 2001 dont elles sont issues, qu'elles fixent l'assiette de la taxe sur les salaires par référence à celle des cotisations sociales, définie par les dispositions du code de la sécurité sociale et par celles du code rural et de la pêche maritime auxquels elles renvoient. D'une part, ce renvoi, par lui-même, ne méconnaît pas l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. D'autre part, par la décision précitée du 21 janvier 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a interprété pour la première fois ces dispositions, de telle sorte que cette décision n'a pu, en tout état de cause, porter atteinte à des situations qui, se fondant sur une interprétation antérieure différente, auraient pu être regardées comme étant légalement acquises.

7. Il résulte de ce qui précède que la question de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Groupe Sibuet.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Sibuet et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425129
Date de la décision : 18/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 mar. 2019, n° 425129
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sylvain Humbert
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:425129.20190318
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