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13/03/2019 | FRANCE | N°418681

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 13 mars 2019, 418681


Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 29 janvier 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux a sursis à statuer sur la requête des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD SA tendant à l'annulation de la pénalité financière de 13 401,21 euros que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne leur a infligée et a saisi le tribunal administratif de Melun de la question de la légalité des dispositions relatives à l'entrée en vigueur du décret n° 2012-1160 du 17 octobre 2012 relatif aux pénalités instituées par l'article 120

de la loi du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2...

Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 29 janvier 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux a sursis à statuer sur la requête des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD SA tendant à l'annulation de la pénalité financière de 13 401,21 euros que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne leur a infligée et a saisi le tribunal administratif de Melun de la question de la légalité des dispositions relatives à l'entrée en vigueur du décret n° 2012-1160 du 17 octobre 2012 relatif aux pénalités instituées par l'article 120 de la loi du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Par une ordonnance n° 1800974 du 26 février 2018, enregistrée le 28 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le premier vice-président du tribunal administratif de Melun a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux, enregistrée le 8 février 2018 au greffe du tribunal administratif de Melun.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 ;

- le décret n° 2012-1160 du 17 octobre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat des sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD SA.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du septième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 : " La personne victime, les établissements de santé, le tiers responsable et son assureur sont tenus d'informer la caisse de la survenue des lésions causées par un tiers dans des conditions fixées par décret ", c'est-à-dire, s'agissant de l'assureur du tiers responsable, en vertu du III de l'article D. 376-1 du même code, dans les trois mois suivant la date à laquelle il a connaissance de la survenue de l'accident ou des lésions, et " La méconnaissance de l'obligation d'information des caisses par l'assureur du tiers responsable donne lieu à la majoration de 50 % de l'indemnité forfaitaire mentionnée ci-après dans les conditions déterminées par le même décret ". L'article 120 de la loi du 21 décembre 2011 a supprimé cette seconde phrase et a inséré dans le code de la sécurité sociale un article L. 376-4 ainsi rédigé : " La caisse de sécurité sociale de l'assuré est informée du règlement amiable intervenu entre l'assuré et le tiers responsable ou l'assureur. / L'assureur ayant conclu un règlement amiable sans respecter l'obligation mentionnée au premier alinéa ne peut opposer à la caisse la prescription de sa créance. Il verse à la caisse, outre les sommes obtenues par celle-ci au titre du recours subrogatoire prévu à l'article L. 376-1, une pénalité qui est fonction du montant de ces sommes et de la gravité du manquement à l'obligation d'information, dans la limite de 50 % du remboursement obtenu. / Le deuxième alinéa du présent article est également applicable à l'assureur du tiers responsable lorsqu'il ne respecte pas l'obligation d'information de la caisse prévue au septième alinéa de l'article L. 376-1. Une seule pénalité est due à raison du même sinistre. / La contestation de la décision de la caisse de sécurité sociale relative au versement de la pénalité relève du contentieux de la sécurité sociale. La pénalité est recouvrée selon les modalités définies au septième alinéa du IV de l'article L. 162-1-14. L'action en recouvrement de la pénalité se prescrit par deux ans à compter de la date d'envoi de la notification de la pénalité par le directeur de la caisse. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ". Les modalités d'application de l'article L. 376-4 du code de la sécurité sociale ont été définies par le décret du 17 octobre 2012 relatif aux pénalités instituées par l'article 120 de la loi du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

2. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un accident survenu le 3 juillet 2012, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne a obtenu de la société Covea Risks, assureur du tiers responsable, le remboursement des prestations versées à la victime. Estimant que cette société avait manqué à l'obligation d'information prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse lui a infligé, par une décision du 23 février 2017, la pénalité prévue par l'article L. 376-4 du même code. Les sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD SA, venant aux droits et obligations de la société Covea Risks, ont demandé au tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux l'annulation de cette pénalité. Par un jugement du 29 janvier 2018, ce tribunal a sursis à statuer et a transmis à titre préjudiciel au tribunal administratif de Melun, qui l'a transmise au Conseil d'Etat, la question de savoir si les dispositions relatives à l'entrée en vigueur du décret du 17 octobre 2012 sont contraires au principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

3. Par application du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires, la juridiction administrative est tenue de se prononcer sur les questions préjudicielles qui lui sont renvoyées par l'autorité judiciaire, sauf au cas où elle serait elle-même incompétente pour se prononcer sur la question soumise à son examen. Le décret du 17 octobre 2012 ne comportant aucune disposition relative à son entrée en vigueur, la question posée par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux doit être interprétée comme portant sur les conditions dans lesquelles cet acte est entré en vigueur, eu égard au principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

4. D'une part, aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ". Les principes énoncés par cet article s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Il suit de là que sont seuls punissables les faits constitutifs d'un manquement à des obligations résultant de dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis et que les sanctions susceptibles d'être infligées sont celles définies par les textes en vigueur à cette même date, sous réserve de l'intervention ultérieure de dispositions répressives plus douces. En revanche, sauf disposition contraire, les règles fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont applicables immédiatement, y compris à la répression des manquements commis avant leur entrée en vigueur.

5. D'autre part, aux termes de l'article 1er du code civil : " Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures (...) ".

6. Alors même que l'article L. 376-4 du code de la sécurité sociale prévoit que ses modalités d'application sont définies par un décret en Conseil d'Etat, l'entrée en vigueur de ses dispositions, suffisamment précises, n'était pas tributaire de l'intervention de dispositions réglementaires d'exécution. En l'absence d'indication contraire, l'article L. 376-4 est donc entré en vigueur le lendemain de la publication de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 au Journal officiel de la République française, soit le 23 décembre 2011. La nouvelle pénalité instaurée par ce texte est par conséquent applicable aux manquements commis à compter de cette date, sans que le décret du 17 octobre 2012 ait eu pour objet ou pour effet de modifier ces modalités d'entrée en vigueur.

7. Le décret du 17 octobre 2012 a créé les articles R. 376-4 et R. 376-5 du code de la sécurité sociale, applicables aux assurances sociales du régime général de sécurité sociale. Il a en outre prévu des dispositions similaires pour l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles dans le régime général et dans les régimes agricoles. L'article R. 376-4 du code de la sécurité sociale précise la procédure que doit suivre l'organisme de sécurité sociale lorsqu'il entend faire application de l'article L. 376-4 du même code à l'encontre d'un organisme d'assurance qui a manqué à ses obligations d'information. Ces dispositions étaient d'application immédiate. L'article R. 376-5 de ce code fixe, dans la limite du plafond général prévu par la loi, le quantum de la pénalité encourue en fonction du montant des sommes obtenues par l'organisme de sécurité sociale au titre du recours subrogatoire. En application du principe d'application immédiate de la loi répressive plus douce, ces dispositions, plus favorables aux organismes d'assurance, étaient immédiatement applicables aux manquements commis entre l'entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2011 et celle du décret qui n'avaient pas fait l'objet d'une décision définitive. Ainsi, les dispositions du décret du 17 octobre 2012 se sont appliquées immédiatement à la répression des manquements commis à compter du 23 décembre 2011.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est déclaré que les dispositions du décret n° 2012-1160 du 17 octobre 2012 se sont appliquées immédiatement à la répression des manquements commis à compter du 23 décembre 2011.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au tribunal de grande instance de Meaux, aux sociétés MMA IARD Assurances mutuelles et MMA IARD SA, à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 418681
Date de la décision : 13/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 2019, n° 418681
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arnaud Skzryerbak
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:418681.20190313
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