La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2019 | FRANCE | N°407199

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 13 mars 2019, 407199


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2014 par lequel le président de la communauté d'agglomération du Choletais a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1407038 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 16NT01104, 16NT01105 du 25 novembre 2016, sur appel de la communauté d'agglomération du Choletais, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté la demande de MmeA....

Par un pourvo

i sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 25 janvier e...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2014 par lequel le président de la communauté d'agglomération du Choletais a prononcé sa révocation.

Par un jugement n° 1407038 du 3 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 16NT01104, 16NT01105 du 25 novembre 2016, sur appel de la communauté d'agglomération du Choletais, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté la demande de MmeA....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 25 janvier et 26 avril 2017 et le 21 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en ce qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté sa demande d'annulation de la sanction qui lui a été infligée ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter dans cette mesure l'appel de la communauté d'agglomération du Choletais ;

3°) de mettre à la charge de communauté d'agglomération du Choletais la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Berne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme A...et à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de l'agglomération du Choletais ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 février 2019, présentée par Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 31 juillet 2014, le président de la communauté d'agglomération du Choletais a prononcé la sanction de révocation à l'encontre de MmeA..., attachée territoriale, qui dirigeait depuis le 1er septembre 1988 l'établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes de Trémentines, rattaché pour sa gestion à la communauté d'agglomération depuis 2003. Par un avis du 5 novembre 2014, le conseil de discipline de recours, saisi par MmeA..., a proposé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de six mois, assortie d'un sursis de trois mois. Mme A...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de la sanction de révocation. La communauté d'agglomération du Choletais a demandé au même tribunal l'annulation de l'avis du conseil de discipline de recours. Par deux jugements du 3 février 2016, le tribunal administratif de Nantes, d'une part, a fait droit à la demande de Mme A...et, d'autre part, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de la communauté d'agglomération du Choletais. Par un arrêt du 9 décembre 2016, sur appel de la communauté d'agglomération du Choletais, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 3 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes avait annulé la sanction de révocation et rejeté la demande de Mme A...tendant à l'annulation de cette sanction. Mme A...se pourvoit en cassation, dans cette mesure, contre cet arrêt.

2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Si le caractère fautif des faits reprochés est susceptible de faire l'objet d'un contrôle de qualification juridique de la part du juge de cassation, l'appréciation du caractère proportionné de la sanction au regard de la gravité des fautes commises relève, pour sa part, de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu'ils ont retenue quant au choix, par l'administration, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., qui avait fait l'objet, le 3 juin 2013, d'une sanction d'exclusion de six mois avec sursis partiel de trois mois, a été placée en congé de maladie à partir du 3 septembre 2013 et jusqu'au 13 mai 2014, date à laquelle la communauté d'agglomération du Choletais l'a suspendue de ses fonctions et engagé la procédure disciplinaire ayant conduit, le 31 juillet 2014, à la révocation contestée. Un collectif de soutien à Mme A...ayant été constitué, en septembre 2013 et son existence ayant été relayée par la presse locale, la communauté d'agglomération du Choletais a choisi de rendre publique son appréciation sur le comportement de Mme A...sur le site internet de la collectivité, à compter du 2 octobre 2016, en indiquant les motifs qui avaient conduit à la sanction d'exclusion temporaire de juin 2013 et en mettant en cause les qualités de gestionnaire et les mérites de l'intéressée ainsi que sa probité. Ces critiques ont été relayées dans diverses enceintes publiques. La communauté d'agglomération du Choletais a cherché à donner un plus large écho à sa présentation de la situation en transmettant à la presse locale, le 11 octobre 2013, un faux courrier des lecteurs, élaboré par ses soins, qui encourageait à consulter le site de la collectivité. Mme A...a ensuite fait publiquement état de ses difficultés avec son employeur, dans le cadre d'articles de presse parus notamment les 1er novembre 2013, 27 et 28 janvier 2014 dans divers médias locaux et régionaux, ou par le biais de présentations sur des sites internet. Son collectif de soutien a mis en ligne en novembre 2013 un site internet mettant en cause la communauté d'agglomération et certains de ses dirigeants et cadres de manière déplacée et injurieuse, notamment par la publication d'une bande-dessinée mettant en cause des élus et membres de la collectivité publique et par la diffusion d'un film présentant explicitement la gestion du personnel de la communauté d'agglomération du Choletais comme acculant ses agents au suicide.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel, pour juger que la sanction de révocation n'était pas disproportionnée, a relevé la gravité des manquements au devoir de réserve et à l'obligation de loyauté reprochés à MmeA..., constitués, après les manquements au principe hiérarchique constatés depuis plusieurs années, par son choix de faire publiquement état de ses difficultés avec son employeur et de ne pas se distancier du contenu du site internet constitué par son collectif de soutien. En l'état de ses constatations souveraines, qui sont exemptes de dénaturation, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de qualification juridique en jugeant fautifs les faits reprochés à Mme A....

5. La cour administrative d'appel a aussi relevé que la plupart des agissements reprochés par Mme A...à l'administration n'excédaient pas l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, et que si certains l'excédaient, ils ne pouvaient être regardés en l'espèce, dans le contexte du conflit avec MmeA..., et eu égard à la part de responsabilité de celle-ci dans ce conflit, comme constitutifs d'un harcèlement moral dont aurait également procédé la sanction contestée. En examinant les éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral tels que produits par MmeA..., pour apprécier s'ils étaient établis, ainsi que les arguments invoqués par l'administration pour démontrer que les agissements en cause étaient justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement moral, et en tenant compte, pour apprécier si ces agissements revêtaient le caractère d'un tel harcèlement, des comportements respectifs de l'administration et de MmeA..., la cour n'a pas méconnu le régime de charge de la preuve. En jugeant qu'au regard du comportement de MmeA..., l'attitude de son employeur à son égard, même lorsqu'il a excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, ne pouvait être regardée comme constitutive d'un harcèlement moral, et que la sanction contestée ne procédait pas d'un tel harcèlement, la cour administrative d'appel n'a ni dénaturé les faits, ni commis d'erreur de qualification juridique.

6. Cependant, il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les fautes reprochées à Mme A...s'inscrivaient dans un contexte de tension à laquelle son employeur a contribué, d'une part en adoptant à son égard, depuis plusieurs années, une attitude déplacée, excédant à certaines reprises l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, et, d'autre part, en prenant l'initiative, à la suite de la sanction d'exclusion temporaire infligée le 3 juin 2013 et alors que Mme A...était, à l'issue de cette exclusion temporaire, en congé de maladie du fait d'un syndrome dépressif, de mettre publiquement en cause la loyauté, les mérites et la probité de MmeA..., dans diverses enceintes publiques et sur le site internet de la collectivité publique, voire en sollicitant la presse régionale, favorisant ainsi la médiatisation de l'affaire ensuite reprochée à MmeA.... Eu égard à ce contexte particulier, et compte tenu par ailleurs des qualités de directrice d'établissement de Mme A...telles qu'attestées par les nombreux témoignages convergents versés au dossier soumis aux juges du fond, émanant de personnes hébergées et de leurs familles, des personnels de l'établissement, et d'homologues de MmeA..., celle-ci est fondée à soutenir que la cour administrative d'appel a retenu, dans son appréciation du caractère proportionné de la sanction de révocation, une solution qui est hors de proportion avec les fautes commises, et à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il annule sur ce point le jugement du tribunal administratif de Nantes.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

9. Si le comportement de MmeA..., tel qu'exposé précédemment, présente un caractère fautif et traduit une perception défaillante des obligations inhérentes à sa fonction, il ressort des pièces du dossier qu'elle a fait preuve de qualités professionnelles reconnues par ses pairs, par les agents de l'établissement qu'elle dirige et par les résidents de celui-ci, et que son comportement fautif s'inscrit dans un contexte de tensions dont l'exacerbation et la médiatisation sont en partie imputables à la communauté d'agglomération. Dans ces conditions, l'autorité disciplinaire, qui disposait d'un éventail de sanctions de nature et de portée différentes, a, en faisant le choix de la révocation qui met définitivement fin à la qualité de fonctionnaire, prononcé à l'encontre de Mme A...une sanction disproportionnée. Par suite, la communauté d'agglomération du Choletais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 31 juillet 2014 infligeant cette sanction à l'intéressée.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Choletais la somme de 3 500 euros à verser à Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés devant la cour et le Conseil d'Etat. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er, 2 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 25 novembre 2016 sont annulés.

Article 2 : La requête de la communauté d'agglomération du Choletais devant la cour administrative d'appel de Nantes contre le jugement du tribunal administratif de Nantes annulant la sanction de révocation de Mme A...est rejetée.

Article 3 : La communauté d'agglomération du Choletais versera une somme de 3 500 euros à Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés devant la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A...et à la communauté d'agglomération du Choletais.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 407199
Date de la décision : 13/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 mar. 2019, n° 407199
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Berne
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:407199.20190313
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award