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07/03/2019 | FRANCE | N°413453

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 07 mars 2019, 413453


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée DSE Consulting SRL a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012. Par un jugement n° 1409974 du 18 septembre 2015, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15VE03485 du 15 juin 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société DES Consulting contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentair

e et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 août et 16 novembre 2017 et le 20 sept...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée DSE Consulting SRL a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012. Par un jugement n° 1409974 du 18 septembre 2015, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 15VE03485 du 15 juin 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société DES Consulting contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 août et 16 novembre 2017 et le 20 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société DSE Consulting demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2008/9/CE du Conseil du 12 février 2008 définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l'Etat membre du remboursement, mais dans un autre Etat membre ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la Société DSE Consulting SRL.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société de droit roumain DSE Consulting a présenté sur le portail électronique de l'administration fiscale roumaine, en application des dispositions de l'article 242-0 R de l'annexe II au code général des impôts, des demandes de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été facturée en France au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012. L'administration fiscale française, estimant que ces demandes étaient incomplètes, ne les a que partiellement admises. Par un jugement du 18 septembre 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société tendant au remboursement du surplus de taxe, au motif qu'elle avait omis de fournir les copies des factures permettant d'apprécier le caractère remboursable de la taxe en cause. Par un arrêt du 15 juin 2017, la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à une demande de substitution de motifs présentée par l'administration, a rejeté l'appel formé par la société au motif que celle-ci ne pouvait bénéficier de la procédure spéciale de remboursement prévue par l'article 242-0 N de l'annexe II au code général des impôts dès lors que la totalité des biens et services mentionnés sur les factures françaises litigieuses avaient été utilisés pour la réalisation de prestations de services en France. La société se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) / IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article 242-0 N de l'annexe II à ce code : " Un assujetti non établi en France peut obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis en France par d'autres assujettis ou ayant grevé l'importation de biens en France, dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes : (...) / 2° les opérations mentionnées au 2° de l'article 242-0 O. " Aux termes de l'article 242-0 O de cette même annexe II : " Un assujetti non établi en France doit satisfaire aux conditions suivantes pour obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné à l'article 242-0 N : (...) / 2° au cours de la période sur laquelle porte la demande de remboursement, l'assujetti ne doit avoir effectué aucune livraison de biens ni prestations de services en France à l'exception des opérations suivantes : / (...) b. les opérations pour lesquelles la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur mentionnées au second alinéa du 1 et aux 2, 2 ter, 2 quinquies, 2 sexies de l'article 283 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article 283 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, sous réserve des cas visés aux articles 275 à 277 A où le versement de la taxe peut être suspendu. / Toutefois, lorsqu'une livraison de biens ou une prestation de services mentionnée à l'article 259 A est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui agit en tant qu'assujetti et qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Le montant dû est identifié sur la déclaration mentionnée à l'article 287 (...) ". Enfin, aux termes de l'article 259 A du même code : " Par dérogation à l'article 259, est situé en France le lieu des prestations de services suivantes : / (...) 2° Les prestations de services se rattachant à un bien immeuble situé en France, y compris les prestations d'experts et d'agents immobiliers, la fourniture de logements dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire tels que des camps de vacances ou des sites aménagés pour camper, l'octroi de droits d'utilisation d'un bien immeuble et les prestations tendant à préparer ou à coordonner l'exécution de travaux immobiliers, telles que celles fournies par les architectes et les entreprises qui surveillent l'exécution des travaux (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'assujetti non établi en France qui fournit exclusivement des prestations de services se rattachant à un bien immeuble situé en France pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur agissant en tant qu'assujetti et disposant d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France, peut obtenir, selon la procédure spéciale prévue à l'article 242-0 N de l'annexe II au code général des impôts, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis en France par d'autres assujettis pour les besoins des prestations qu'il a fournies.

4. Pour accueillir la demande de substitution de motifs formée par l'administration et juger que celle-ci avait pu à bon droit rejeter la demande de la société DSE Consulting de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, la cour administrative d'appel s'est fondée, d'une part, sur ce que cette société ne contestait pas que la totalité des biens et services mentionnés sur les factures françaises qu'elle avait produites avaient été utilisés pour la réalisation de prestations de services situées sur le territoire français et, d'autre part, sur ce qu'elle n'établissait, ni d'ailleurs n'alléguait, que ces mêmes biens et services auraient concouru à la réalisation d'opérations mentionnées au 2° de l'article 242-0 O de l'annexe II au code général des impôts. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis et n'était pas contesté devant elle qu'au cours de la période en litige, l'activité exercée en France par la requérante, pour les besoins de laquelle elle avait acquis les biens et services grevés de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle sollicitait le remboursement, consistait uniquement en des prestations de services relatives à des immeubles situés en France, sans rechercher si les acquéreurs, destinataires ou preneurs de ces prestations agissaient en tant qu'assujettis et disposaient d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France, et étaient, de ce fait, les redevables légaux de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle ces opérations avaient été soumises, la cour a méconnu la règle rappelée au point 3. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, cet arrêt doit être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société DSE Consulting, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 15 juin 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à la société DSE Consulting une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée DSE Consulting SRL et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 413453
Date de la décision : 07/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 mar. 2019, n° 413453
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Uher
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:413453.20190307
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