Vu la procédure suivante :
La société par actions simplifiée (SAS) l'Immobilière Groupe Casino a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 dans les rôles de la commune de Laloubère (Hautes-Pyrénées). Par un jugement n° 1601411 du 1er mars 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un pourvoi, enregistré le 2 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société l'Immobilière Groupe Casino demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société l'Immobilière Groupe Casino.
Considérant ce qui suit :
1. La société l'Immobilière groupe Casino se pourvoit en cassation contre le jugement du 1er mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation de taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2014 dans les rôles de la commune de Laloubère à raison d'un immeuble dont elle est propriétaire.
2. D'une part, aux termes du I de l'article 1520 du code général des impôts, applicable aux établissements publics de coopération intercommunale, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige: " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal (...) ". En vertu des articles 1521 et 1522 du même code, cette taxe a pour assiette celle de la taxe foncière sur les propriétés bâties. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas le caractère d'un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l'ensemble des dépenses budgétaires de la commune mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune pour assurer l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales. Ces dépenses sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu'elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe. Il en résulte que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses, tel qu'il peut être estimé à la date du vote de la délibération fixant ce taux.
3. D'autre part, qu'aux termes de l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales : " Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes qui bénéficient de la compétence prévue à l'article L. 2224-13 peuvent instituer une redevance d'enlèvement des ordures ménagères calculée en fonction du service rendu dès lors qu'ils assurent au moins la collecte des déchets des ménages (...) ". Aux termes de l'article L. 2333-78 du même code, dans sa rédaction en vigueur au titre de l'année d'imposition en litige : " (...) A compter du 1er janvier 1993, les communes, les établissements publics de coopération intercommunale ainsi que les syndicats mixtes qui n'ont pas institué la redevance prévue à l'article L. 2333-76 créent une redevance spéciale afin d'assurer l'élimination des déchets visés à l'article L. 2224-14 (...) Elles peuvent décider, par délibération motivée, d'exonérer de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères les locaux dont disposent les personnes assujetties à la redevance spéciale visée au premier alinéa ". Les déchets mentionnés à l'article L. 2224-14 sont les déchets non ménagers que ces collectivités peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que l'instauration de la redevance spéciale est obligatoire en l'absence de redevance d'enlèvement des ordures ménagères, d'autre part, que, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères n'a pas pour objet de financer l'élimination des déchets non ménagers, alors même que la redevance spéciale n'aurait pas été instituée.
4. Le tribunal administratif de Pau a jugé que, pour apprécier la légalité de la délibération du 25 avril 2014 par laquelle la communauté d'agglomération du Grand Tarbes a fixé le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour l'année 2014, il convenait de comparer le produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au montant estimé des dépenses non couvertes par des recettes non fiscales, à l'exclusion du report du produit de la section de fonctionnement résultant des années précédentes et des montants se rapportant aux opérations d'ordre, lesquels correspondent à des jeux d'écriture entre sections, ainsi que du montant de la redevance spéciale et de son abonnement, et des dépenses que ceux-ci couvrent qui ne concernent pas le service des ordures ménagères, sauf s'ils ne peuvent être isolés. Il a retenu, dans les dépenses à prendre en compte pour effectuer cette comparaison, les dépenses réelles de fonctionnement, les dépenses d'investissement et les frais financiers. En jugeant ainsi qu'il y avait lieu d'exclure du calcul les dotations aux amortissements des immobilisations affectées au service et, en revanche, de prendre en compte les dépenses réelles d'investissement, le tribunal a méconnu la règle rappelée au point 2. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le jugement attaqué doit être annulé.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société L'immobilière Groupe Casino de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 1er mars 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Pau.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à la société L'immobilière groupe Casino au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée L'immobilière groupe Casino et au ministre de l'action et des comptes publics.