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22/02/2019 | FRANCE | N°422703

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 22 février 2019, 422703


Vu la procédure suivante :

La fondation Hopale a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 dans les rôles de la commune de Berck-sur-mer (Pas-de-Calais) à raison des locaux, référencés 0553403F, qu'elle occupe dans cette commune, et, à titre subsidiaire, la réduction de cette cotisation. Par un jugement n° 1644861 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Montreuil, auquel l'affaire a été attribuée par une ordonnance du président de la sec

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Vu la procédure suivante :

La fondation Hopale a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 dans les rôles de la commune de Berck-sur-mer (Pas-de-Calais) à raison des locaux, référencés 0553403F, qu'elle occupe dans cette commune, et, à titre subsidiaire, la réduction de cette cotisation. Par un jugement n° 1644861 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Montreuil, auquel l'affaire a été attribuée par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat prise sur le fondement de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, a accordé à la fondation la décharge partielle de la taxe d'habitation en litige, à concurrence de l'excédent du montant mis en recouvrement par rapport à une cotisation calculée en déterminant la valeur locative cadastrale par comparaison avec le local-type n° 2 du procès verbal des évaluations foncières de la commune de Berck-sur-mer, après application d'un coefficient d'abattement de 30 %.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 29 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fondation Hopale demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;

2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire entièrement droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-752 QPC du 7 décembre 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Fondation Hopale.

Considérant ce qui suit :

1. La fondation Hopale se pourvoit en cassation contre le jugement du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 dans les rôles de la commune de Berk-sur-Mer (Pas-de-Calais) à raison des locaux, affectés à sa direction générale, qu'elle occupe dans cette commune.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Les dispositions du II de l'article 1408 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, applicable aux impositions en litige, prévoient que sont exonérés de taxe d'habitation " 1° Les établissements publics (...) d'assistance (...) ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. La fondation Hopale soutient que les dispositions précitées du II de l'article 1408 du code général des impôts portent atteinte au principe d'égalité devant la loi fiscale et au principe d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles réservent l'exonération de taxe d'habitation qu'elles instituent aux seuls établissements publics d'assistance, à l'exclusion des établissements privés à caractère non lucratif qui exercent les mêmes missions.

5. Dans les motifs et le dispositif d'une décision n° 2018-752 QPC du 7 décembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 1° du II de l'article 1408 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, exonérant de taxe d'habitation les établissements publics d'assistance. Il en résulte que les conditions auxquelles l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel subordonne le renvoi de la question prioritaire de constitutionalité ne sont pas réunies.

6. Par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la fondation Hopale.

Sur le pourvoi :

7. D'une part, aux termes du I de l'article 1407 du code général des impôts, dans sa version applicable aux impositions en litige : " I. La taxe d'habitation est due : 1° (...) ; / 2° Pour les locaux meublés conformément à leur destination et occupés à titre privatif par les sociétés, associations et organismes privés et qui ne sont pas retenus pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises ; (...) ". Aux termes du I de l'article 1496 du même code, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " La valeur locative des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 est déterminée par comparaison avec celle de locaux de référence choisis, dans la commune, pour chaque nature et catégorie de locaux. ". Aux termes de l'article 1498 de ce code, dans sa version applicable aux impositions en litige : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° (...) / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative : " Sans préjudice de l'application des dispositions spécifiques à certains contentieux prévoyant que l'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public, le président de la formation de jugement ou le magistrat statuant seul peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience sur tout litige relevant des contentieux suivants : (...) 5° Taxe d'habitation et taxe foncière sur les propriétés bâties afférentes aux locaux d'habitation et à usage professionnel au sens de l'article 1496 du code général des impôts ainsi que contribution à l'audiovisuel public ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le rapporteur public ne peut être dispensé de prononcer des conclusions dans un litige relatif à une taxe d'habitation établie à raison de biens dont la valeur locative n'a pas été déterminée en application de l'article 1496 du code général des impôts.

9. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que les locaux en litige, occupés par la fondation Hopale, ont la nature de locaux commerciaux et biens divers, au sens des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, et que, de ce fait, leur valeur locative a été déterminée, en vue de l'établissement des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie, en application de ces dispositions et non de celles de l'article 1496 du même code. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le magistrat désigné par le tribunal administratif de Montreuil ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, dispenser le rapporteur public de prononcer des conclusions à l'audience et que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que le jugement du 31 mai 2018 du tribunal administratif de Montreuil doit être annulé.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la fondation Hopale au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la fondation Hopale.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à la demande de la fondation Hopale.

Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Montreuil.

Article 4 : L'Etat versera à la fondation Hopale une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la fondation Hopale et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 422703
Date de la décision : 22/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 2019, n° 422703
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Liza Bellulo
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:422703.20190222
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