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15/02/2019 | FRANCE | N°413770

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 15 février 2019, 413770


Vu la procédure suivante :

La société en nom collectif Omega, à laquelle a succédé la société par actions simplifiée Financière Lord Byron, a demandé au tribunal administratif de Paris le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estimait disposer à l'issue du mois de juin 2014 pour un montant de 14 019 630,40 euros, assorti du versement des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1429085 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Paris lui a donné acte du désistement des conclusions de sa demande en tant qu'elles portaient sur le r

emboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée et a rejeté le surplus de...

Vu la procédure suivante :

La société en nom collectif Omega, à laquelle a succédé la société par actions simplifiée Financière Lord Byron, a demandé au tribunal administratif de Paris le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estimait disposer à l'issue du mois de juin 2014 pour un montant de 14 019 630,40 euros, assorti du versement des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1429085 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Paris lui a donné acte du désistement des conclusions de sa demande en tant qu'elles portaient sur le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée et a rejeté le surplus de ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires.

Par un arrêt n° 16PA01069 du 28 juin 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Financière Lord Byron contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 août et 28 novembre 2017 et le 7 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Financière Lord Byron demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la société Financière Lord Byron ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société en nom collectif Omega, qui exerçait une activité de marchand de biens et aux droit de laquelle est venue la société par actions simplifiée Financière Lord Byron, a demandé par une réclamation du 18 juillet 2014 le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 14 019 630,40 euros au titre de la taxe acquittée lors de l'acquisition d'un immeuble le 30 juin 2014, qu'elle avait mentionnée comme taxe déductible dans sa déclaration de chiffre d'affaires souscrite au titre du mois de juin 2014. L'administration ayant rejeté cette réclamation le 26 septembre 2014, la société a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée en litige et de condamner l'Etat à lui verser des intérêts moratoires sur cette somme, en réparation du retard mis pour procéder à son remboursement. Au cours de l'instance devant le tribunal administratif, la société Omega a cédé l'immeuble et elle a procédé, dans sa déclaration de chiffre d'affaires souscrite au titre du mois d'octobre 2015, à l'imputation de la taxe déductible à l'origine du crédit de taxe en litige sur la taxe collectée à l'occasion de cette vente. Par un jugement du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Paris, après avoir relevé que la société ne demandait plus, dans le dernier état de ses écritures, que la condamnation de l'Etat à lui verser les intérêts moratoires ayant couru entre sa demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'estimait titulaire et l'imputation de la taxe déductible à l'origine de ce crédit, a donné acte à la société du désistement de ses conclusions tendant au remboursement du crédit de taxe puis a rejeté au fond le surplus de ses conclusions tendant au versement des intérêts moratoires. La société Financière Lord Byron se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 juin 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel tendant à l'annulation de l'article 2 de ce jugement, et à ce qu'il soit ordonné à l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1153 du code civil, de lui payer les intérêts moratoires sur la somme en principal de 14 019 630 euros au titre de la période allant du 18 juillet 2014, date de la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée, au 23 novembre 2015, date de la disparition de ce crédit par imputation effectuée sur la déclaration de chiffre d'affaires souscrite au titre du mois d'octobre 2015.

2. D'une part, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / (...) IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat / (...) ". Selon les dispositions de l'article 242-0 A de l'annexe II au code général des impôts, prises pour l'application de l'article 271 : " Le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée déductible dont l'imputation n'a pu être opérée doit faire l'objet d'une demande des assujettis (...) ". Les dispositions de l'article 242-0 E de la même annexe, prises pour l'application de l'article 271, précisent que : " Le crédit de taxe déductible dont le remboursement a été demandé ne peut donner lieu à imputation ; il est annulé lors du remboursement ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable à la résolution du litige : " Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal (...). / Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte (...) ".

4. En premier lieu, la cour ne s'est pas méprise sur la portée des écritures de la société, qui demandait le versement des intérêts moratoires à compter de sa réclamation du 18 juillet 2014 tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, en jugeant, de manière suffisamment motivée, que dès lors que la société avait renoncé à demander le remboursement de ce crédit de taxe en procédant, au titre du mois d'octobre 2015, à l'imputation sur une taxe collectée de la taxe déductible à l'origine du crédit de taxe revendiqué et qu'elle s'était expressément désistée de sa demande de remboursement devant le tribunal administratif, elle ne pouvait plus obtenir du juge de l'impôt qu'il condamne l'Etat à procéder au remboursement de ce crédit et qu'en conséquence, en l'absence de tout dégrèvement d'impôt ou remboursement assimilable à un tel dégrèvement, les conditions d'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales n'étaient pas remplies et ne pouvaient fonder sa demande tendant au paiement des intérêts moratoires au titre de la période écoulée entre la réclamation et l'imputation de la taxe.

5. En deuxième lieu, la cour n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales en jugeant qu'en l'absence de tout dégrèvement d'impôt ou remboursement assimilable à un tel dégrèvement, les conditions d'application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales n'étaient pas remplies. La cour n'a pas non plus méconnu ces dispositions en jugeant que l'imputation de la taxe déductible à laquelle la société a procédé ne pouvait être regardée comme un dégrèvement, au sens de cet article, ni davantage à un remboursement assimilable à un tel dégrèvement, sans qu'ait d'incidence la circonstance que cette imputation n'avait pas été remise en cause par l'administration.

6. En troisième lieu, la cour n'a pas méconnu l'article 1153 du code civil en jugeant que, dès lors que la demande initialement formée par la société, tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée, entrait dans le champ d'application des dispositions spéciales de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, elle ne pouvait utilement se prévaloir, pour fonder sa demande tendant au paiement d'intérêts de retard sur cette somme, de l'article 1153 du code civil. La cour n'a pas non plus entaché son arrêt de contradiction de motifs en jugeant, d'une part, que la demande de la société tendant au paiement d'intérêts entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, sans pour autant remplir les conditions énoncées par ces dispositions pour ouvrir droit au paiement des intérêts moratoires qu'elles prévoient et, d'autre part, que cette demande n'entrait pas dans le champ d'application de l'article 1153 du code civil.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Financière Lord Byron n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Son pourvoi doit, par suite, être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Financière Lord Byron est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Financière Lord Byron et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 413770
Date de la décision : 15/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - DÉGRÈVEMENT - RÉCLAMATION TENDANT AU REMBOURSEMENT D'UN CRÉDIT DE TVA - DÉSISTEMENT APRÈS IMPUTATION DE CE CRÉDIT SUR UNE TAXE COLLECTÉE - IMPUTATION ASSIMILABLE À UN DÉGRÈVEMENT POUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE L - 208 DU LPF - ABSENCE.

19-01-03-06 Société demandant le versement des intérêts moratoires à compter de sa réclamation tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Société ayant renoncé à demander le remboursement de ce crédit de taxe en procédant à l'imputation sur une taxe collectée de la taxe déductible à l'origine du crédit de taxe revendiqué et s'étant expressément désistée de sa demande de remboursement devant le tribunal administratif.,,La société ne pouvait plus obtenir du juge de l'impôt qu'il condamne l'Etat à procéder au remboursement de ce crédit et en conséquence, en l'absence de tout dégrèvement d'impôt ou remboursement assimilable à un tel dégrèvement, les conditions d'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) n'étaient pas remplies et ne pouvaient fonder sa demande tendant au paiement des intérêts moratoires au titre de la période écoulée entre la réclamation et l'imputation de la taxe.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - DIVERS - RÉCLAMATION TENDANT AU REMBOURSEMENT D'UN CRÉDIT DE TVA - DÉSISTEMENT APRÈS IMPUTATION DE CE CRÉDIT SUR UNE TAXE COLLECTÉE - CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ POUR LE CONTRIBUABLE DE PRÉTENDRE AUX INTÉRÊTS MORATOIRES DE L'ARTICLE L - 208 DU LPF POUR LA PÉRIODE COURANT DE LA RÉCLAMATION À L'IMPUTATION - ABSENCE.

19-01-06 Société demandant le versement des intérêts moratoires à compter de sa réclamation tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Société ayant renoncé à demander le remboursement de ce crédit de taxe en procédant à l'imputation sur une taxe collectée de la taxe déductible à l'origine du crédit de taxe revendiqué et s'étant expressément désistée de sa demande de remboursement devant le tribunal administratif.,,La société ne pouvait plus obtenir du juge de l'impôt qu'il condamne l'Etat à procéder au remboursement de ce crédit et en conséquence, en l'absence de tout dégrèvement d'impôt ou remboursement assimilable à un tel dégrèvement, les conditions d'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) n'étaient pas remplies et ne pouvaient fonder sa demande tendant au paiement des intérêts moratoires au titre de la période écoulée entre la réclamation et l'imputation de la taxe.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - RÉCLAMATION TENDANT AU REMBOURSEMENT D'UN CRÉDIT DE TVA - DÉSISTEMENT APRÈS IMPUTATION DE CE CRÉDIT SUR UNE TAXE COLLECTÉE - CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ POUR LE CONTRIBUABLE DE PRÉTENDRE AUX INTÉRÊTS MORATOIRES DE L'ARTICLE L - 208 DU LPF POUR LA PÉRIODE COURANT DE LA RÉCLAMATION À L'IMPUTATION - ABSENCE.

19-06-02 Société demandant le versement des intérêts moratoires à compter de sa réclamation tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée. Société ayant renoncé à demander le remboursement de ce crédit de taxe en procédant à l'imputation sur une taxe collectée de la taxe déductible à l'origine du crédit de taxe revendiqué et s'étant expressément désistée de sa demande de remboursement devant le tribunal administratif.,,La société ne pouvait plus obtenir du juge de l'impôt qu'il condamne l'Etat à procéder au remboursement de ce crédit et en conséquence, en l'absence de tout dégrèvement d'impôt ou remboursement assimilable à un tel dégrèvement, les conditions d'application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) n'étaient pas remplies et ne pouvaient fonder sa demande tendant au paiement des intérêts moratoires au titre de la période écoulée entre la réclamation et l'imputation de la taxe.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2019, n° 413770
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Daumas
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:413770.20190215
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