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13/02/2019 | FRANCE | N°415697

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 13 février 2019, 415697


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue des droits de l'homme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 31 octobre 2017 relative à la mise en oeuvre de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, n

otamment son article 62 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue des droits de l'homme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 31 octobre 2017 relative à la mise en oeuvre de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la décision n° 2017-691 QPC du 16 février 2018 du Conseil constitutionnel ;

- la décision n° 2017-695 QPC du 27 mars 2018 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Bréhier, auditrice,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Ligue des droits de l'homme ;

Considérant ce qui suit :

1. La Ligue des droits de l'homme demande l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 31 octobre 2017 relative à la mise en oeuvre de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

2. L'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief. En revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief. Le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs. Il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure.

3. En l'espèce, par la circulaire attaquée, le ministre de l'intérieur a exposé aux préfets les conditions d'application de quatre mesures de police administrative instituées par la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. La circulaire n'a fixé aucune règle nouvelle mais s'est bornée à présenter les mesures déterminées par la loi. Les précisions apportées par la circulaire, à propos notamment des rapports entre les préfectures et la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, relèvent des instructions qu'il appartient au ministre de donner en sa qualité de chef de service. Par suite, le moyen tiré de ce que la circulaire attaquée serait entachée d'incompétence ne peut qu'être écarté.

4. Par une décision n° 2017-691 QPC du 16 février 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution, sous certaines réserves, les dispositions de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure relatif aux mesures individuelles de contrôle et de surveillance, à l'exception des mots " sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative " figurant à la deuxième phrase de son avant-dernier alinéa, des mots " dans un délai d'un mois " figurant à la première phrase de son dernier alinéa de cet article et de la deuxième phrase du même alinéa, relatifs à l'intervention du juge des référés du tribunal administratif.

5. Par une autre décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution, sous certaines réserves d'interprétation, les dispositions du code de la sécurité intérieure qui lui avaient été renvoyées, à l'exception, s'agissant de l'article L. 228-5, des mots " sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative " figurant à la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa et, s'agissant des articles L. 229-1, L 229-4 et L. 229-5, des références aux " objets " et " documents ".

6. Dans la mesure où la circulaire attaquée évoque les dispositions jugées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel, elle doit être réputée caduque. Les conclusions correspondantes de la requête doivent ainsi être regardées comme ayant perdu leur objet. Pour le surplus, en revanche, le moyen tiré de ce que la circulaire serait fondée sur des dispositions législatives contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

7. Enfin, les moyens tirés de ce que les dispositions du code de la sécurité intérieure évoquées par la circulaire attaquée seraient incompatibles avec les stipulations des articles 7, 8, 9, 10, 11, 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 2 du protocole additionnel n° 4 à cette convention ne sont pas assortis des précisions nécessaires pour permettre d'apprécier leur bien-fondé.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête sont devenues sans objet en ce qui concerne les termes de la circulaire relatifs à l'intervention du juge des référés du tribunal administratif et la mention, parmi les éléments susceptibles d'être saisis sur le fondement des articles L. 229-1 et suivants, des " objets " et " documents " et que la Ligue des droits de l'homme, pour le surplus, n'est pas fondée à demander l'annulation de la circulaire qu'elle attaque. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête en ce qu'elles tendent à l'annulation de la circulaire du 31 octobre 2017 qui évoquent l'intervention du juge des référés du tribunal administratif et mentionnent, parmi les éléments susceptibles d'être saisis sur le fondement des articles L. 229-1 et suivants, les " objets " et " documents ".

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la Ligue des droits de l'homme est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Ligue des droits de l'homme et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 415697
Date de la décision : 13/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2019, n° 415697
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Bréhier
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:415697.20190213
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