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08/02/2019 | FRANCE | N°423020

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 08 février 2019, 423020


Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés les 28 novembre 2018 et 25 janvier 2019, au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. et Mme A...demandent au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation de l'arrêt n° 16PA00892 de la cour administrative d'appel de Paris du 12 avril 2018, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b) de l'article 1729 du code g

néral des impôts dans leur rédaction issue des paragraphes VI et IX...

Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés les 28 novembre 2018 et 25 janvier 2019, au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. et Mme A...demandent au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation de l'arrêt n° 16PA00892 de la cour administrative d'appel de Paris du 12 avril 2018, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du b) de l'article 1729 du code général des impôts dans leur rédaction issue des paragraphes VI et IX de l'article 35 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2008-1433 du 30 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. et Mme B...A...;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008 : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. / Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public ".

3. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008 : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; / (...) ".

4. En vertu du IX de l'article 35 de la loi de finances rectificatives pour 2008 du 30 décembre 2008, les dispositions des articles L. 64 du livre des procédures fiscales et 1729 du code général des impôts dans leur rédaction issue de cette même loi, ont été rendues applicables aux propositions de rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2009.

5. Les requérants soutiennent que les dispositions citées au point 4, en tant qu'elles rendent la pénalité de 80 % pour abus de droit applicable à des situations antérieures au 1er janvier 2009 qui ne relevaient pas de la définition élargie de l'abus de droit posée par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008, méconnaissent le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Toutefois, selon l'interprétation de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction antérieure constamment retenue par le Conseil d'Etat statuant au contentieux depuis sa décision n° 19079 du 10 juin 1981, il résulte des dispositions de cet article que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes, même s'ils n'ont pas un caractère fictif, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. Selon l'interprétation de ces dispositions retenue par le Conseil d'Etat statuant au contentieux depuis sa décision n° 284565 du 28 février 2007 il résulte également de ces dispositions que la qualification d'abus de droit, s'agissant d'un acte n'ayant pas un caractère fictif, est subordonnée à la condition que l'acte en cause procède de la recherche du bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs. Au regard de cette interprétation résultant d'une jurisprudence constante antérieure à la loi de finances rectificative pour 2008 que l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de cette loi, s'est bornée à codifier, l'application de la pénalité pour abus de droit aux cas de fraude à la loi notifiés à compter du 1er janvier 2009 ne méconnait pas le principe de non-rétroactivité de la loi pénale garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et MmeA....

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme A....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Monsieur et Madame B... A..., au Premier ministre et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 423020
Date de la décision : 08/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2019, n° 423020
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Ramain
Rapporteur public ?: Mme Anne Iljic
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:423020.20190208
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