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08/02/2019 | FRANCE | N°410213

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 08 février 2019, 410213


Vu la procédure suivante :

La société Beauté Nutrition et Succès a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de l'obligation de payer une somme correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993, assorties des majorations correspondantes, résultant d'une mise en demeure en date du 27 juillet 2012. Par un jugement n° 1209481 du 3 juin 2015, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE02842 du 28 f

vrier 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, jugé q...

Vu la procédure suivante :

La société Beauté Nutrition et Succès a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de l'obligation de payer une somme correspondant à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993, assorties des majorations correspondantes, résultant d'une mise en demeure en date du 27 juillet 2012. Par un jugement n° 1209481 du 3 juin 2015, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15VE02842 du 28 février 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué et à la décharge de l'obligation de payer, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions présentées par la requérante.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai 2017 et 31 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Beauté Nutrition et Succès demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Beauté Nutrition et Succès.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'ayant été assujettie, au titre des exercices clos en 1992 et 1993, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, la société Beauté Nutrition et Succès s'est vu adresser par le comptable public du service des impôts des particuliers de Courbevoie, le 27 juillet 2012, une mise en demeure de payer la somme de 2 942 364,32 euros au titre de ces cotisations, ramenée le 24 septembre 2012 à 2 253 984 euros sur réclamation de la société. Celle-ci a saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une requête tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de cette mise en demeure. Après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur d'un dégrèvement accordé en cours d'instance en exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 10 juin 2014 réglant définitivement le contentieux d'assiette, le tribunal a rejeté le surplus de sa demande. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 février 2017 par lequel la cour administrative de Versailles a, d'une part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'obligation de payer et, d'autre part rejeté des conclusions nouvelles en appel.

2. Si, en premier lieu, la société requérante soutient que la cour administrative d'appel a méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative en omettant de l'informer de ce qu'elle envisageait de fonder son arrêt sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que le litige était privé d'objet en raison de l'exercice par l'administration de sa faculté de compensation prévue par l'article L. 257 B du livre des procédures fiscales, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ceux-ci avaient invité les parties à présenter leurs observations sur ce point le 1er décembre 2016. La cour n'a donc pas entaché son arrêt d'une irrégularité de procédure.

3. Aux termes, en second lieu, de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicables aux faits de l'espèce : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts (...) ne peuvent porter que:/ (...) 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assette et le calcul de l'impôt (...) ". Aux termes de l'article L. 257 B du livre des procédures fiscales : " Le comptable public compétent peut affecter au paiement des impôts, droits, taxes, pénalités ou intérêts de retard dus par un redevable les remboursements, dégrèvements ou restitutions d'impôts, droits, taxes, pénalités ou intérêts de retard constatés au bénéfice de celui-ci./ Pour l'application du premier alinéa, les créances doivent être liquides et exigibles ". Aux termes enfin de l'article R. 257 B-1 du même livre : " Lorsqu'il a exercé la compensation prévue à l'article L. 257 B, le comptable public compétent notifie au redevable un avis lui précisant la nature et le montant des sommes affectées au paiement de la créance qu'il a prise en charge à sa caisse./ Les effets de cette compensation peuvent être contestés dans les formes et délais mentionnés aux articles L. 281 et R.* 281-1 à R.* 281-5 ".

4. Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration a usé de la faculté de compensation qu'elles prévoient pour le paiement de sommes ayant fait l'objet d'un acte de poursuite, celles-ci ne sont, à hauteur du montant ayant fait l'objet de la compensation, plus exigibles, de sorte que les effets de cet acte sont, dans cette mesure, frappés de caducité. En pareille hypothèse, il appartient dès lors au juge saisi de la contestation de l'obligation de payer résultant de cet acte de poursuite de constater qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ou qu'elle est irrecevable, selon que la compensation est intervenue en cours d'instance ou avant l'enregistrement de la requête. Il est en revanche loisible au redevable, s'il s'y croit fondé, de contester les effets de la compensation en faisant notamment valoir, le cas échéant, que les sommes objet de l'acte de poursuite n'étaient pas exigibles.

5. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, après avoir constaté qu'il résultait de l'avis de compensation du 14 juin 2016 que le comptable public avait affecté une partie de la créance que la société Beauté Nutrition et Succès détenait sur l'administration au paiement des sommes restant dues par cette société et faisant l'objet de la mise en demeure du 27 juillet 2012, que ces sommes n'étaient plus exigibles et que la mise en demeure était caduque. Dès lors, la cour, qui n'avait pas à rechercher si l'exercice de la compensation par l'administration était régulier ou faisait l'objet d'une contestation par la société requérante, et n'était pas tenue de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge compétent se soit prononcé sur cette éventuelle contestation, n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer étaient devenues sans objet.

6. La cour a pu légalement en déduire qu'il n'y avait pas lieu de statuer en appel, le jugement de première instance, relatif à l'acte de poursuite, ainsi devenu définitif n'étant, contrairement à ce qui est soutenu, pas revêtu de l'autorité relative de la chose jugée à l'égard de la société requérante dans le cadre de la contestation des effets de la compensation, en particulier quant au caractère exigible, à la date de la compensation, des sommes objet de la poursuite initiale.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Beauté Nutrition et Succès n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font dès lors obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la société Beauté Nutrition et Succès est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Beauté Nutrition et Succès et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 410213
Date de la décision : 08/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - CADUCITÉ - EXERCICE PAR L'ADMINISTRATION DE LA FACULTÉ DE COMPENSATION PRÉVUE À L'ARTICLE L - 257 B DU LPF - AFFECTATION D'UNE CRÉANCE DÉTENUE PAR LE CONTRIBUABLE SUR L'ADMINISTRATION AU PAIEMENT DE SOMMES OBJET D'UN ACTE DE POURSUITE - CONSÉQUENCE - CADUCITÉ - DANS CETTE MESURE - DE L'ACTE DE POURSUITE [RJ1].

01-08-04 Il résulte des articles L. 281, L. 257 B et R. 257 B-1 du livre des procédures fiscales (LPF) que lorsque l'administration a usé de la faculté de compensation qu'ils prévoient pour le paiement de sommes ayant fait l'objet d'un acte de poursuite, celles-ci ne sont, à hauteur du montant ayant fait l'objet de la compensation, plus exigibles, de sorte que les effets de cet acte sont, dans cette mesure, frappés de caducité.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RECOUVREMENT - ACTION EN RECOUVREMENT - ACTES DE POURSUITE - EXERCICE PAR L'ADMINISTRATION DE LA FACULTÉ DE COMPENSATION PRÉVUE À L'ARTICLE L - 257 B DU LPF - AFFECTATION D'UNE CRÉANCE DÉTENUE PAR LE CONTRIBUABLE SUR L'ADMINISTRATION AU PAIEMENT DE SOMMES OBJET D'UN ACTE DE POURSUITE - CONSÉQUENCE - CADUCITÉ - DANS CETTE MESURE - DE L'ACTE DE POURSUITE [RJ1].

19-01-05-01-03 Il résulte des articles L. 281, L. 257 B et R. 257 B-1 du livre des procédures fiscales (LPF) que lorsque l'administration a usé de la faculté de compensation qu'ils prévoient pour le paiement de sommes ayant fait l'objet d'un acte de poursuite, celles-ci ne sont, à hauteur du montant ayant fait l'objet de la compensation, plus exigibles, de sorte que les effets de cet acte sont, dans cette mesure, frappés de caducité.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - QUESTIONS COMMUNES - DIVERS - EXERCICE PAR L'ADMINISTRATION DE LA FACULTÉ DE COMPENSATION PRÉVUE À L'ARTICLE L - 257 B DU LPF - AFFECTATION D'UNE CRÉANCE DÉTENUE PAR LE CONTRIBUABLE SUR L'ADMINISTRATION AU PAIEMENT DE SOMMES OBJET D'UN ACTE DE POURSUITE - 1) CONSÉQUENCES SUR LE RECOURS CONTENTIEUX CONTRE CET ACTE [RJ1] - IRRECEVABILITÉ À CONCURRENCE DE CES SOMMES SI LA COMPENSATION INTERVIENT AVANT L'ENREGISTREMENT DE LA REQUÊTE - NON-LIEU - DANS CETTE MÊME MESURE - SI ELLE INTERVIENT EN COURS D'INSTANCE - POSSIBILITÉ POUR LE REDEVABLE DE FORMER UN RECOURS POUR CONTESTER LES EFFETS DE LA COMPENSATION (ART - 257 B-1 DU LPF) - EXISTENCE - 2) APPLICATION.

19-02-01-04 1) Il résulte des articles L. 281, L. 257 B et R. 257 B-1 du livre des procédures fiscales (LPF) que lorsque l'administration a usé de la faculté de compensation qu'ils prévoient pour le paiement de sommes ayant fait l'objet d'un acte de poursuite, celles-ci ne sont, à hauteur du montant ayant fait l'objet de la compensation, plus exigibles, de sorte que les effets de cet acte sont, dans cette mesure, frappés de caducité. En pareille hypothèse, il appartient dès lors au juge saisi de la contestation de l'obligation de payer résultant de cet acte de poursuite de constater qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ou qu'elle est irrecevable, selon que la compensation est intervenue en cours d'instance ou avant l'enregistrement de la requête. Il est en revanche loisible au redevable, s'il s'y croit fondé, de contester les effets de la compensation en faisant notamment valoir, le cas échéant, que les sommes objet de l'acte de poursuite n'étaient pas exigibles.... ...2) Une cour ne commet pas d'erreur de droit en jugeant, après avoir constaté qu'il résultait de l'avis de compensation que le comptable public avait affecté une partie de la créance que la société requérante détenait sur l'administration au paiement des sommes restant dues par cette société et faisant l'objet de la mise en demeure, que ces sommes n'étaient plus exigibles et que la mise en demeure était caduque. Dès lors, la cour, qui n'avait pas à rechercher si l'exercice de la compensation par l'administration était régulier ou faisait l'objet d'une contestation par la société requérante, et n'était pas tenue de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge compétent se soit prononcé sur cette éventuelle contestation, n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant que les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer étaient devenues sans objet.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant des effets d'une décharge accordée par le juge de l'impôt, CE, 27 juillet 2015,,n° 359368, T. pp. 546-625-628-817.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2019, n° 410213
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:410213.20190208
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