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08/02/2019 | FRANCE | N°409294

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 08 février 2019, 409294


Vu la procédure suivante :

La Société européenne d'expertises techniques (SEET) a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes de 480 257 euros et 25 946 euros notifiée par commandements des 28 janvier et 23 avril 2014. Par un jugement n° 14001598, 1500181 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 16NC00106 du 2 février 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la SEET contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un m

émoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 mars et 28 ...

Vu la procédure suivante :

La Société européenne d'expertises techniques (SEET) a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes de 480 257 euros et 25 946 euros notifiée par commandements des 28 janvier et 23 avril 2014. Par un jugement n° 14001598, 1500181 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 16NC00106 du 2 février 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la SEET contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 mars et 28 juin 2017 et le 12 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SEET demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la Société européenne d'expertises techniques (SEET) ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la Société européenne d'expertises techniques (SEET), dont le siège est au Luxembourg, l'administration a estimé qu'elle exerçait son activité d'expertises en assurances sur le territoire français pour l'essentiel par l'intermédiaire d'un établissement stable situé en Meurthe-et-Moselle et a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Après avoir vainement contesté ces impositions, la société a demandé à être déchargée de l'obligation de payer les sommes correspondantes de 480 257 euros et de 25 946 euros, lesquelles avaient fait l'objet de deux commandements de payer des 28 janvier et 23 avril 2014. Par un jugement du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes. La SEET se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 février 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199 ". Sur le fondement du 2° des dispositions précitées, une société qui a été assujettie, après une vérification de comptabilité, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, peut utilement soutenir devant le juge administratif, dans le cadre d'une contestation relative au recouvrement des sommes en cause, que ces dernières n'étaient pas encore exigibles à la date des mesures contestées, faute d'avoir donné lieu à la notification régulière d'un avis de mise en recouvrement. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir, à l'appui de sa demande de substitution de motifs, que, contrairement à ce qu'a jugé la cour administrative d'appel de Nancy, le moyen soulevé par la SEET et tiré de l'absence de notification à l'adresse de son siège social au Luxembourg des avis de mise en recouvrement relatives aux sommes litigieuses devrait, en tout état de cause, être regardé comme ne pouvant être invoqué dans le cadre de la contestation d'une obligation de payer.

3. Aux termes, d'autre part, du premier alinéa de l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales : " La notification de l'avis de mise en recouvrement comporte l'envoi au redevable, soit au lieu de son domicile, de sa résidence ou de son siège, soit à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître au service compétent de la direction générale des finances publiques ou au service des douanes et droits indirects compétent, de l'"ampliation" prévue à l'article R. 256-3 ". Les modalités de notification des avis de mise en recouvrement ainsi prévues constituent une garantie pour le contribuable. La circonstance qu'une société étrangère a un établissement stable en France ne saurait la priver du droit de recevoir les avis de mise en recouvrement à l'adresse de son siège lorsqu'elle n'a pas fait connaître d'autre adresse à l'administration. En revanche, le contribuable ne peut être regardé comme privé de cette garantie, lorsque le pli contenant l'avis de mise en recouvrement a été envoyé à une autre adresse, si ce pli lui est effectivement parvenu. Par suite, en jugeant que l'administration avait pu régulièrement notifier les avis de mise en recouvrement correspondant aux sommes en litige à l'adresse de l'établissement stable en France de la SEET et non à celle de son siège luxembourgeois qui était la seule que la société avait fait connaître, la cour, à qui il appartenait de rechercher si, à la date des commandements de payer contestés, ces avis étaient néanmoins déjà parvenus à la société, a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que la SEET est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette société d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 février 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'Etat versera à la SEET une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Société européenne d'expertises techniques et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 409294
Date de la décision : 08/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RECOUVREMENT. ACTION EN RECOUVREMENT. ACTES DE RECOUVREMENT. - MODALITÉS DE NOTIFICATION DES AMR (ART. R. 256-6 DU LPF) - GARANTIE POUR LE CONTRIBUABLE - EXISTENCE - CONSÉQUENCE - NOTIFICATION À L'ÉTABLISSEMENT STABLE EN FRANCE D'UNE SOCIÉTÉ ÉTRANGÈRE - PRIVATION DE GARANTIE, SAUF SI LE PLI CONTENANT L'AMR EST EFFECTIVEMENT PARVENU À CETTE SOCIÉTÉ [RJ1].

19-01-05-01-02 Les modalités de notification des avis de mise en recouvrement (AMR) prévues à l'article R. 256-6 du livre des procédures fiscales (LPF) constituent une garantie pour le contribuable. La circonstance qu'une société étrangère a un établissement stable en France ne saurait la priver du droit de recevoir les avis de mise en recouvrement à l'adresse de son siège lorsqu'elle n'a pas fait connaître d'autre adresse à l'administration. En revanche, le contribuable ne peut être regardé comme privé de cette garantie, lorsque le pli contenant l'avis de mise en recouvrement a été envoyé à une autre adresse, si ce pli lui est effectivement parvenu. En jugeant que l'administration avait pu régulièrement notifier les avis de mise en recouvrement correspondant aux sommes en litige à l'adresse de l'établissement stable en France de la société et non à celle de son siège luxembourgeois qui était la seule que la société ait fait connaître, la cour, à qui il appartenait de rechercher si, à la date des commandements de payer contestés, ces avis étaient néanmoins déjà parvenus à la société, a commis une erreur de droit.


Références :

[RJ1]

Comp., s'agissant d'une proposition de rectification CE, 5 avril 2013, Ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement c/,, n° 356720, inédite,.


Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2019, n° 409294
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:409294.20190208
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