La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2019 | FRANCE | N°418968

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 01 février 2019, 418968


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 12 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 décembre 2017 par laquelle le commandant en second de la région de gendarmerie de Basse-Normandie et du groupement départemental de gendarmerie du Calvados lui a infligé une sanction du premier groupe de vingt jours d'arrêts, assortis d'une dispense d'exécution ;

2°) d'enjoindre à la ministre de

s armées de procéder à l'effacement dans son dossier de toute référence à cette dé...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 12 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 décembre 2017 par laquelle le commandant en second de la région de gendarmerie de Basse-Normandie et du groupement départemental de gendarmerie du Calvados lui a infligé une sanction du premier groupe de vingt jours d'arrêts, assortis d'une dispense d'exécution ;

2°) d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à l'effacement dans son dossier de toute référence à cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de MmeA....

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 janvier 2019, présentée par Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que MmeA..., capitaine de gendarmerie affectée à la compagnie de Deauville, est détachée depuis le 1er janvier 2015 comme chargée de mission au sein du bureau de la performance et de la cohérence opérationnelle de la région de gendarmerie de Basse-Normandie à Caen. Par une décision du 22 décembre 2017, le commandant en second de cette région de gendarmerie et du groupement départemental de gendarmerie du Calvados a prononcé à son encontre une sanction de vingt jours d'arrêts, assortis d'une dispense d'exécution, aux motifs, d'une part, qu'elle a apposé le 7 août 2017 une affiche à la caserne de gendarmerie de Deauville comprenant des propos insultants à l'égard d'un collègue officier et, d'autre part, qu'elle a forcé l'ouverture du portail d'accès de cette même caserne avec son véhicule de service à deux reprises durant l'année 2017.

Sur la légalité externe de la sanction attaquée :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 4137-15 du code de la défense : " Avant qu'une sanction ne lui soit infligée, le militaire a le droit de s'expliquer oralement ou par écrit, (...) sur les faits qui lui sont reprochés devant l'autorité militaire de premier niveau dont il relève. (...) /Avant d'être reçu par l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, le militaire a connaissance de l'ensemble des pièces et documents au vu desquels il est envisagé de le sanctionner ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 4137-16 du même code : " Lorsqu'un militaire a commis une faute ou un manquement, il fait l'objet d'une demande de sanction motivée qui est adressée à l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, même si elle émane d'une autorité extérieure à la formation./ L'autorité militaire de premier niveau entend l'intéressé, vérifie l'exactitude des faits, et, si elle décide d'infliger une sanction disciplinaire du premier groupe, arrête le motif correspondant à la faute ou au manquement et prononce la sanction dans les limites de son pouvoir disciplinaire ". Ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de conférer le droit à un militaire, pour lequel une sanction est envisagée, de prendre connaissance de son dossier disciplinaire avant l'élaboration de la demande de sanction. Par ailleurs, il est constant que la requérante a pris connaissance le 18 novembre 2017 de son dossier disciplinaire, avant l'intervention de la décision de sanction.

3. En deuxième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que la requérante aurait reçu l'ordre de l'autorité militaire de premier niveau de recueillir elle-même les témoignages des résidents de la caserne de Deauville portant sur les faits survenus du 5 au 7 août 2017 ne faisait pas obstacle à ce que ces témoignages soient finalement obtenus par le commandant de la brigade de Deauville chargé d'assurer le bon fonctionnement de la caserne. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les témoignages versés au dossier disciplinaire de la requérante seraient entachés de partialité à son encontre ni que les témoins auraient fait l'objet de pressions.

4. En troisième lieu, la requérante soutient que la procédure disciplinaire est entachée d'irrégularité en ce que le dossier qui lui a été communiqué ne comprenait pas le témoignage d'un gendarme, pourtant annoncé par le commandant de la brigade de Deauville dans un courrier adressé le 25 septembre 2017 à sa hiérarchie. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce témoignage, à supposer qu'il ait été produit, ne pouvait être utilement invoqué par la requérante, dans la mesure où la sanction attaquée ne se fonde pas directement sur les troubles de voisinage que la requérante aurait provoqués à la caserne de gendarmerie de Deauville les 5 et 6 août 2017.

5. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe général du droit qu'une sanction disciplinaire ne pourrait pas être infligée à un militaire par la personne qui a demandé le prononcé d'une sanction à l'encontre de ce militaire.

6. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'officier qui a signé la décision attaquée du 22 décembre 2017 aurait méconnu le principe d'impartialité.

7. En dernier lieu, la décision du 22 décembre 2017 est suffisamment motivée.

Sur la légalité interne de la sanction attaquée :

8. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

9. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce que soutient la requérante, l'autorité militaire de premier niveau ne s'est pas fondée sur les troubles de voisinage qu'elle aurait causés les 5 et 6 août 2017 pour justifier sa sanction, mais sur des faits survenus postérieurement. La requérante ne conteste ni avoir apposé le 7 août 2017 une affiche à la caserne de gendarmerie de Deauville comprenant des propos irrespectueux à l'égard d'un collègue officier, ni avoir forcé l'ouverture du portail d'accès de cette même caserne le 20 septembre 2017 avec son véhicule de service. Par ailleurs, la requérante n'apporte pas d'éléments suffisants pour contredire les deux témoignages de collègues gendarmes affirmant qu'elle avait déjà forcé le passage du portail la même année avec son véhicule. Il en résulte que le moyen tiré de l'inexactitude des faits reprochés doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4111-1 du code de la défense : " (...) L'état militaire exige en toute circonstance (...) discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. (...) ". Eu égard aux fonctions confiées à MmeA..., les faits mentionnés au point précédent sont de nature à justifier une sanction disciplinaire à son encontre. La circonstance, à la supposer établie, que l'officier mentionné dans l'affiche apposée par la requérante le 7 août 2017, responsable du bon fonctionnement de la caserne de Deauville le même jour, ait fait preuve de maladresse dans l'exercice de ses missions est sans incidence sur l'appréciation des agissements de MmeA.... Il en résulte que le moyen tiré de ce que les faits reprochés à Mme A...ne seraient pas de nature à justifier une sanction disciplinaire ne peut qu'être écarté.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " 1° Les sanctions du premier groupe sont : / a) L'avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; / e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre (...) ". Eu égard aux responsabilités confiées à MmeA..., capitaine de gendarmerie, à la nature des manquements en cause ainsi qu'aux troubles causés dans la vie de caserne, l'autorité disciplinaire n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant vingt jours d'arrêts, assortis d'une dispense d'exécution, relevant du premier groupe de sanctions.

12. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée du 22 décembre 2017 aurait été prise en rétorsion au dépôt par Mme A...d'une plainte pour harcèlement moral visant sa hiérarchie. De même, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque et que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à la ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 418968
Date de la décision : 01/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 fév. 2019, n° 418968
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Rapporteur public ?: M. Olivier Henrard
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:418968.20190201
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award