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30/01/2019 | FRANCE | N°422235

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 30 janvier 2019, 422235


Vu la procédure suivante :

Mme C...B..., épouseA..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin d'enjoindre à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Bethany Home, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, de lui délivrer l'attestation lui permettant d'exercer ses droits aux prestations prévues par l'article L. 5421-2 du code du travail destinée à Pôle emploi et le reçu pour solde de tout compte, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1800025 du 2

8 juin 2018, le juge des référés a enjoint au directeur de l'EHPAD de co...

Vu la procédure suivante :

Mme C...B..., épouseA..., a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin d'enjoindre à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Bethany Home, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, de lui délivrer l'attestation lui permettant d'exercer ses droits aux prestations prévues par l'article L. 5421-2 du code du travail destinée à Pôle emploi et le reçu pour solde de tout compte, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1800025 du 28 juin 2018, le juge des référés a enjoint au directeur de l'EHPAD de communiquer les éléments demandés par Mme A...dans un délai de huit jours à compter de la notification de son ordonnance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 et 25 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'EHPAD Bethany Home demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'EHPAD Bethany Home.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que MmeA..., infirmière en soins généraux et agent titulaire du centre hospitalier régional universitaire de Brest placée en position de disponibilité pour suivre son conjoint, a travaillé en qualité d'agent contractuel pour l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Bethany Home à Saint-Martin du 26 août 2016 au 2 janvier 2017 puis du 19 janvier au 31 octobre 2017. Elle a saisi le 30 avril 2018 le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, pour obtenir de son ancien employeur l'attestation destinée à Pôle emploi lui permettant de faire valoir ses droits aux prestations prévues par l'article L. 5421-2 du code du travail et le reçu pour solde de tout compte prévu par l'article L. 234-20 du même code. Par une ordonnance du 28 juin 2018, contre laquelle l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Bethany Home se pourvoit en cassation, le juge des référés a enjoint à cet établissement de délivrer à Mme A...les documents demandés dans un délai de huit jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence (...) ". Aux termes de l'article L. 522-1 de ce code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'il n'est pas tenu de compléter l'instruction écrite par la tenue d'une audience, le juge, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3, doit assurer le caractère contradictoire de la procédure, selon des modalités adaptées à l'urgence.

4. Il ressort des pièces de la procédure devant le juge des référés que le tribunal administratif de Saint-Martin a communiqué à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Bethany Home, le 25 juin 2018, le mémoire en réplique produit par Mme A..., en se bornant à l'inviter à produire ses observations " aussi rapidement que possible " dans l'hypothèse où ce mémoire appellerait des observations de sa part, et que le juge des référés a rendu son ordonnance, sans tenir d'audience, le 28 juin 2018. Toutefois, dès lors que ce mémoire en réplique ne comportait aucun élément nouveau susceptible d'exercer une influence sur l'issue du litige, le juge des référés ne peut être regardé, en l'espèce, comme ayant statué au terme d'une procédure irrégulière.

5. En second lieu, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 d'une demande qui n'est pas manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif, le juge des référés peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, notamment sous forme d'injonctions adressées à l'administration, à la condition que ces mesures soient utiles, ne se heurtent à aucune contestation sérieuse et ne fassent obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative, à moins qu'il ne s'agisse de prévenir un péril grave.

6. D'une part, l'article L. 5424-1 du code du travail dispose que : " Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422-2 et L. 5422-3 : / 1° Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs ainsi que les militaires ; / 2° Les agents non titulaires des collectivités territoriales et les agents non statutaires des établissements publics administratifs autres que ceux de l'Etat et ceux mentionnés au 4° ainsi que les agents non statutaires des groupements d'intérêt public ; (...) ". L'article L. 5424-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que : " Les employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1 assurent la charge et la gestion de l'allocation d'assurance. Ceux-ci peuvent, par convention conclue avec [Pôle emploi], pour le compte de l'organisme mentionné à l'article L. 5427-1, lui confier cette gestion. / Toutefois, peuvent adhérer au régime d'assurance : / 1° Les employeurs mentionnés au 2° de l'article L. 5424-1 ; (...) ".

7. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à [Pôle emploi] ".

8. La délivrance de l'attestation prévue par l'article R. 1234-9 du code du travail est nécessaire à l'examen par Pôle emploi d'une demande d'allocation au titre de l'assurance chômage. Dès lors que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Bethany Home ne soutenait pas assurer lui-même la gestion de l'allocation d'assurance en vertu de l'article L. 5424-2 du code du travail, il n'appartenait qu'à Pôle emploi de vérifier si Mme A...remplissait les conditions lui permettant de bénéficier de cette allocation. Le juge des référés pouvait ainsi déduire de la seule circonstance qu'elle était sans emploi et voulait présenter une demande aux fins d'obtention de l'allocation d'assurance que la délivrance de l'attestation prévue à l'article R. 1234-9 du code du travail présentait un caractère d'utilité. Par suite, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Bethany Home n'est pas fondé à soutenir que le juge des référés aurait insuffisamment motivé son ordonnance et commis une erreur de droit faute d'avoir vérifié si Mme A...était involontairement privée d'emploi. En outre, le juge des référés ne s'étant pas prononcé sur les droits de l'intéressée à l'assurance chômage, le requérant ne peut utilement soutenir qu'il aurait ainsi dénaturé les faits de l'espèce et leur aurait donné une inexacte qualification juridique.

9. La délivrance de l'attestation prévue par l'article R. 1234-9 du code du travail, qui revêt le caractère d'une obligation pour l'employeur dans tous les cas d'expiration ou de rupture du contrat de travail, ne préjuge en rien des droits du salarié à une allocation au titre de l'assurance chômage. Par suite, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Bethany Home n'est pas fondé à soutenir que la mesure demandée par Mme A... se heurtait à une contestation sérieuse au motif qu'il ne lui appartenait pas d'assurer la charge de cette allocation que, dès lors, en ordonnant la mesure sollicitée, le juge des référés, dont la décision est suffisamment motivée, aurait commis une erreur de droit.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Bethany Home doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Bethany Home est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Bethany Home et à Mme C...B..., épouseA....


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 422235
Date de la décision : 30/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jan. 2019, n° 422235
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:422235.20190130
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