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30/01/2019 | FRANCE | N°421740

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 30 janvier 2019, 421740


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière du Mijoulan a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 19 avril 2018 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Sète agglopôle Méditerranée a préempté un terrain cadastré section AD, parcelle n° 309, situé 147 impasse de Crève-coeur, sur le territoire de la commune de Sète. Par une ordonnance n° 1802578 du 7 juin 2018, le juge des référés du tr

ibunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommair...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière du Mijoulan a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 19 avril 2018 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Sète agglopôle Méditerranée a préempté un terrain cadastré section AD, parcelle n° 309, situé 147 impasse de Crève-coeur, sur le territoire de la commune de Sète. Par une ordonnance n° 1802578 du 7 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juin 2018, 11 juillet 2018 et 15 janvier 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI du Mijoulan demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Sète agglopôle Méditerranée la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la SCI du Mijoulan, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Sète agglopôle Méditerranée.

Vu la note en délibéré, présentée pour la communauté d'agglomération Sète agglopôle Méditerranée, enregistrée le 16 janvier 2019 ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la commune de Sète a reçu le 26 janvier 2018 une déclaration d'intention d'aliéner une parcelle située dans la zone industrielle des Eaux blanches, que la SCI Jammes Sète souhaitait céder à la SCI du Mijoulan, laquelle exploite un fonds de commerce d'achat, vente et transport d'agrégats, matériaux de rivière, béton et matériel industriel ou destiné aux travaux publics, sur un terrain voisin appartenant à Voies Navigables de France, occupé en vertu d'une convention d'occupation temporaire prenant fin le 31 mars 2022. Par une décision du 19 avril 2018, le président de la communauté d'agglomération Sète agglopôle Méditerranée, nouveau nom de la communauté d'agglomération du bassin de Thau à compter de l'entrée en vigueur de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 9 avril 2018, a décidé d'exercer sur cette parcelle le droit de préemption qui lui avait été délégué par le maire de Sète le 10 avril précédent. La SCI du Mijoulan a, d'une part, sollicité du tribunal administratif de Montpellier l'annulation de cette décision pour excès de pouvoir et, d'autre part, saisi le juge des référés de ce tribunal d'une demande tendant à la suspension de son exécution. Par une ordonnance du 7 juin 2018, contre laquelle la société se pourvoit en cassation, le juge des référés a rejeté sa demande.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence (...), le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ", qui prévoient que le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale et après une audience publique.

3. Eu égard à l'objet d'une décision de préemption et à ses effets vis-à-vis de l'acquéreur évincé, la condition d'urgence doit en principe être regardée comme remplie lorsque celui-ci demande la suspension d'une telle décision. Il peut toutefois en aller autrement dans le cas où le titulaire du droit de préemption justifie de circonstances particulières, tenant par exemple à l'intérêt s'attachant à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l'exercice du droit de préemption. Il appartient au juge des référés de procéder à une appréciation globale de l'ensemble des circonstances de l'espèce qui lui est soumise.

4. Par son ordonnance du 7 juin 2018, prise sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté pour défaut d'urgence la demande de la SCI du Mijoulan, agissant en qualité d'acquéreur évincé, tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 19 avril 2018 par laquelle le président de la communauté d'agglomération Sète agglopôle Méditerranée avait exercé le droit de préemption, au motif que l'intéressée ne justifiait pas de l'urgence qu'il y avait pour elle à obtenir une telle suspension.

5. Toutefois, d'une part, la SCI du Mijoulan bénéficiait, en sa qualité d'acquéreur évincé, d'une présomption d'urgence et, d'autre part, en l'absence de communication de la demande à la communauté d'agglomération par le juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, il n'appartenait pas à ce juge de rechercher si des circonstances particulières tenant à la nécessité de réaliser rapidement le projet ayant donné lieu à l'exercice du droit de préemption étaient de nature à faire obstacle à ce que la condition d'urgence soit constatée au profit de l'acquéreur évincé. Par suite, le juge des référés a commis une erreur de droit. Son ordonnance doit être annulée pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative sur la demande de suspension présentée par la SCI du Mijoulan.

7. Pour demander la suspension de son exécution, la SCI du Mijoulan soutient que la décision de préemption du 19 avril 2018 a été prise par une autorité incompétente, dès lors qu'il n'est pas justifié de la délégation donnée à la communauté d'agglomération du bassin de Thau pour exercer le droit de préemption dont la commune de Sète est titulaire et que son maire ne pouvait subdéléguer ; qu'elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la visite des lieux conduite le 26 mars 2018 en application de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme l'a été par la commune de Sète et non par la communauté d'agglomération ; qu'elle est insuffisamment motivée faute de préciser aucun élément propre à établir la réalité du projet ; que le motif de la préemption, lié à la protection de l'environnement, n'entre pas dans le champ de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. En l'état de l'instruction, aucun de ces moyens ne paraît propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

8. Il résulte de ce qui précède que l'une des conditions mises par l'article L. 521-1 du code de justice administrative à la suspension de l'exécution d'une décision n'est pas remplie. Dès lors, les conclusions à fin de suspension de la SCI du Mijoulan doivent être rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération la somme demandée par la SCI du Mijoulan au titre des frais qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI du Mijoulan le versement d'une somme de 2 500 euros à ce titre à la communauté d'agglomération Sète agglopôle Méditerranée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 7 juin 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la SCI du Mijoulan devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SCI du Mijoulan présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La SCI du Mijoulan versera une somme de 2 500 euros à la communauté d'agglomération Sète agglopôle Méditerranée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière du Mijoulan et à la communauté d'agglomération Sète agglopôle Méditerranée.

Copie en sera adressée à la société civile immobilière Jammes Sète.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 421740
Date de la décision : 30/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 jan. 2019, n° 421740
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:421740.20190130
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