Vu la procédure suivante :
La société La Malosse a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1203965 du 7 avril 2015, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15LY01899 du 27 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société La Malosse contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 février 2017, 29 mai 2017 et 15 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société La Malosse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de la société La Malosse.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société La Malosse a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a, d'une part, remis en cause l'inscription, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, de deux provisions pour créances douteuses détenues respectivement sur les sociétés Loire Offset Plus, devenue Loire Offset Titoulet, et Façonnage Alain, d'autre part, estimé que les cessions, les 14 et 25 mars 2008, de titres de la société Loire Offset Titoulet à son dirigeant, M.A..., s'étaient faites à un prix minoré et constituaient des actes anormaux de gestion. La société La Malosse se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 décembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 7 avril 2015 du tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la réintégration de deux provisions :
2. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice le montant de charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.
3. En premier lieu, la société requérante soutenait avoir inscrit dans sa comptabilité une provision de 260 000 euros, augmentée des intérêts s'élevant à 21 711 euros, pour faire face au risque de réalisation de la condition qu'elle avait posée à l'abandon de la créance détenue par elle sur la société Loire Offset Plus, qu'elle avait décidé par délibération de son assemblée générale du 12 décembre 2006 à la condition que cette société abandonne elle-même la créance qu'elle détenait sur la société Titoulet SBI. En jugeant que la transmission universelle du patrimoine, réalisée le 28 mars 2008, de la société Titoulet SBI à la société Loire Offset Plus n'était pas assimilable à un abandon de la créance de la seconde sur la première, seule circonstance mentionnée dans la délibération du 12 décembre 2006, et qu'il n'était par ailleurs pas établi que les abandons de créance consentis en 2010 et 2011 aient été liés à l'engagement pris dans cette délibération, et en en déduisant que le maintien de la provision n'était pas justifié à la date de la clôture de l'exercice 2008 en l'absence, désormais, de risque d'abandon de la créance, la cour administrative d'appel, dont l'arrêt est, sur ce point, suffisamment motivé, s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier, sans les dénaturer, et n'a pas inversé la charge de la preuve.
4. En second lieu, la cour n'a entaché son appréciation des pièces du dossier d'aucune dénaturation en jugeant que si la perte d'une partie de la créance détenue sur la société Façonnage Alain était probable à la date de la clôture de l'exercice 2008, la requérante, qui invoquait la détérioration de la situation de cette société ayant nécessité en 2009 et 2010 une importante recapitalisation par ses actionnaires, n'établissait pas que le montant de cette perte probable pouvait, à la date de la clôture de l'exercice 2008, être évalué à la totalité de la créance. Contrairement à ce qui est en outre soutenu, elle n'a pas exigé que la perte soit certaine et n'a ainsi pas commis l'erreur de droit qui lui est reprochée.
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la cession de titres de la société Loire Offset Titoulet à M. A...:
5. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
6. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, et notamment de titres d'une filiale, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.
7. La valeur vénale de titres non admis à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qui aurait résulté du jeu normal de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur qui ressort de transactions portant, à la même époque, sur des titres de la société, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance.
8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par deux actes des 14 et 25 mars 2008, la société requérante a vendu à M.A..., au prix unitaire de 15,23 euros, 3 221 titres de la société Loire Offset Plus, devenue Loire Offset Titoulet, dont 2 002 titres avaient été acquis par la même société requérante, le 17 mars 2008, au prix unitaire de 64,93 euros. Pour juger que l'administration avait pu à bon droit retenir ce prix de 64,93 euros comme valeur de référence, la cour a relevé, d'une part, qu'il s'agissait du prix auquel la société requérante avait acquis les mêmes titres à une date se situant entre les deux cessions litigieuses et, d'autre part, que le prix payé par M. A...avait été calculé par référence à un pacte d'actionnaires ne liant pas la société requérante et ne pouvant refléter la valeur de l'entreprise à la date de la transaction. En statuant ainsi, sans rechercher si le prix de 64,93 euros était aussi voisin que possible de celui qui aurait résulté du jeu normal de l'offre et de la demande ou si au contraire, comme le soutenait la société requérante, il s'expliquait par les circonstances particulières de l'acquisition en cause qui lui conféraient le caractère d'un prix de convenance, la cour, dont l'arrêt est, sur ce point, insuffisamment motivé, a commis une erreur de droit.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la cession de titres de la société Loire Offset Titoulet à M.A..., que la société requérante est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant seulement qu'il statue sur cette cession.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société La Malosse en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 27 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il statue sur la cession de titres de la société Loire Offset Titoulet à M.A....
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société La Malosse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société La Malosse est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société La Malosse et au ministre de l'action et des comptes publics.