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11/01/2019 | FRANCE | N°405031

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 11 janvier 2019, 405031


Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Casino Guichard-Perrachon a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'imposition supplémentaire de cotisation minimale de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1308331 du 2 juin 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14VE02365 du 15 septembre 2016, la cour administrative d'appel de Versai

lles a rejeté l'appel formé par la SA Casino Guichard-Perrachon contre ce jugement...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Casino Guichard-Perrachon a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de l'imposition supplémentaire de cotisation minimale de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2006 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1308331 du 2 juin 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14VE02365 du 15 septembre 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SA Casino Guichard-Perrachon contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés le 15 novembre 2016 et le 15 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SA Casino Guichard-Perrachon demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le règlement n° 99-03 du 29 avril 1999 du comité de la réglementation comptable ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Caron, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SA Casino Guichard Perrachon.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la SA Casino Guichard-Perrachon a été assujettie à un supplément de cotisation minimale de taxe professionnelle au titre de l'année 2006 en raison, d'une part, de la réintégration dans la valeur ajoutée, retenue pour le calcul de cette cotisation minimale, de redevances issues de contrats de licences de marques signés avec les sociétés Distribution Casino France et Casino Restauration et, d'autre part, de la remise en cause de la déduction, de cette valeur ajoutée, de dépenses de dons et de mécénat. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 septembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 2 juin 2014 rejetant sa demande de décharge de ce supplément d'impôt et des intérêts de retard correspondants.

2. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée ". Le I de l'article 1647 E du même code, au titre de la même année, disposait que : " I. La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies ". Aux termes du II de l'article 1647 B sexies du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes, les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. / Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux , fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, ou des loyers afférents à des biens, visés au a du 1° de l'article 1467, pris en location par un assujetti à la taxe professionnelle pour une durée de plus de six mois ou des redevances afférentes à ces biens résultant d'une convention de location-gérance, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion (...) ".

Sur le caractère professionnel de l'activité de concession de marques :

3. L'exercice d'une activité professionnelle non salariée, au sens de l'article 1447 du code général des impôts cité au point 2 ci-dessus, n'est caractérisé que si l'activité est régulière et repose sur la mise en oeuvre de moyens matériels et humains. Les revenus tirés de la concession d'une marque sont le fruit d'une activité professionnelle, au sens de ces dispositions, si le concédant met en oeuvre de manière régulière et effective, pour cette activité de concession, des moyens matériels et humains ou s'il est en droit de participer à l'exploitation du concessionnaire et est rémunéré, en tout ou partie, en fonction de cette dernière.

4. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Casino Guichard-Perrachon détenait, au cours de la période en cause, 97,31 % du capital de la société Distribution Casino France et 100 % du capital de la société Casino Restauration. Cette détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital des sociétés concessionnaires de ses marques lui conférait le droit de participer à leur exploitation. Il est également constant que les stipulations des contrats de licences de marques signés avec les sociétés concessionnaires prévoyaient que le montant des redevances perçues par la société requérante était proportionnel au chiffre d'affaires réalisé par ces deux sociétés. Par suite, en jugeant que la concession du droit d'usage et d'exploitation des marques en cause devait être regardée comme une activité professionnelle au sens de l'article 1447 du code général des impôts, la cour, qui n'a pas dénaturé les faits de l'espèce, n'a entaché son arrêt d'aucune erreur de qualification juridique.

5. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque en tant qu'il a statué sur le caractère professionnel de son activité de concession de marques.

Sur les dépenses de dons et de mécénat :

6. Les dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts cité au point 2 ci-dessus fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation minimale de taxe professionnelle. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause. La norme applicable au litige est le plan comptable général, tel qu'il est défini par le règlement du comité de la réglementation comptable du 29 avril 1999.

7. En application du plan comptable général défini par le règlement du comité de la réglementation comptable du 29 avril 1999, il y a lieu de rattacher les dépenses de mécénat aux dons, lesquels doivent être enregistrés, selon le cas, dans les charges d'exploitation mentionnées au compte 6238 " divers (pourboires, dons courants...) " ou dans les charges exceptionnelles mentionnées au compte 6713 " dons, libéralités ". Les dépenses de dons et de mécénat réalisées par une entreprise doivent, ainsi, être comptabilisées en charges exceptionnelles lorsqu'elles ne peuvent pas être regardées, compte tenu des circonstances de fait, notamment de leur absence de caractère récurrent, comme relevant de l'activité habituelle et ordinaire de l'entreprise et en charges d'exploitation dans le cas contraire. Dès lors, en jugeant que les dépenses de dons et de mécénat exposées par la société requérante, que cette dernière avait comptabilisées en charges d'exploitation, ne pouvaient pas être déduites pour le calcul de la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, au motif qu'elles ne correspondaient à la consommation d'aucun bien ou d'aucun service en provenance de tiers, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, la société requérante est fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 15 septembre 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé en tant qu'il porte sur la prise en compte des dépenses de dons et de mécénat dans le calcul de la valeur ajoutée au sens de l'article 1647 B sexies du code général des impôts.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à la SA Casino Guichard-Perrachon une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SA Casino Guichard-Perrachon et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 405031
Date de la décision : 11/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. TAXE PROFESSIONNELLE. PROFESSIONS ET PERSONNES TAXABLES. - ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE (ART. 1447 DU CGI) - NOTION - CONCESSION D'UNE MARQUE - CRITÈRES [RJ1] - CRITÈRE TIRÉ DU DROIT POUR LE CONCÉDANT DE PARTICIPER À L'EXPLOITATION DU CONCESSIONNAIRE - DÉTENTION PAR LE CONCÉDANT DE LA TOTALITÉ OU DE LA QUASI-TOTALITÉ DU CAPITAL DES SOCIÉTÉS CONCESSIONNAIRES DE SES MARQUES - CRITÈRE REMPLI - EXISTENCE.

19-03-04-01 L'exercice d'une activité professionnelle non salariée, au sens de l'article 1447 du code général des impôts (CGI), n'est caractérisé que si l'activité est régulière et repose sur la mise en oeuvre de moyens matériels et humains. Les revenus tirés de la concession d'une marque sont le fruit d'une activité professionnelle, au sens de ces dispositions, si le concédant met en oeuvre de manière régulière et effective, pour cette activité de concession, des moyens matériels et humains ou s'il est en droit de participer à l'exploitation du concessionnaire et est rémunéré, en tout ou partie, en fonction de cette dernière.... ...Société requérante détenant, au cours de la période en cause, respectivement 97,31 % et 100 % du capital des deux sociétés concessionnaires. Cette détention de la totalité ou de la quasi-totalité du capital des sociétés concessionnaires de ses marques lui conférait le droit de participer à leur exploitation. Il est également constant que les stipulations des contrats de licences de marques signés avec les sociétés concessionnaires prévoyaient que le montant des redevances perçues par la société requérante était proportionnel au chiffre d'affaires réalisé par ces deux sociétés. Par suite, en jugeant que la concession du droit d'usage et d'exploitation des marques en cause doit être regardée comme une activité professionnelle au sens de l'article 1447 du CGI, la cour, qui ne dénature pas les faits de l'espèce, n'entache son arrêt d'aucune erreur de qualification juridique.


Références :

[RJ1]

Cf., CE, 17 juin 2015, Société Vivarte, n° 369840, T. p. 636.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jan. 2019, n° 405031
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Aurélien Caron
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:405031.20190111
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