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28/12/2018 | FRANCE | N°411846

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 28 décembre 2018, 411846


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de défaillances dans sa prise en charge comme demandeur d'emploi. Par un jugement n° 1314825 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Paris, d'une part, n'a pas admis l'intervention du syndicat local CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières et, d'autre part, a rejeté la demande de M.A....

Par un arrêt n° 15PA02810 du 13 février 2017,

la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, n'a pas admis l'inte...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de défaillances dans sa prise en charge comme demandeur d'emploi. Par un jugement n° 1314825 du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Paris, d'une part, n'a pas admis l'intervention du syndicat local CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières et, d'autre part, a rejeté la demande de M.A....

Par un arrêt n° 15PA02810 du 13 février 2017, la cour administrative d'appel de Paris, d'une part, n'a pas admis l'intervention du syndicat CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières et, d'autre part, a rejeté l'appel de M.A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juin 2017 et 26 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...et le syndicat local CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'admettre l'intervention du syndicat local CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières et de faire droit à l'appel de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de Pôle emploi la somme de 3 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, leur avocat.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. A...et du syndicat CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières, et à la SCP Boullez, avocat de Pôle emploi.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi à partir du 26 février 2009, a demandé à Pôle emploi, le 1er juillet 2013, de l'indemniser à hauteur de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des défaillances de Pôle emploi dans sa mission d'accompagnement. Par un jugement du 19 mai 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de Pôle emploi à lui verser cette somme. M. A...et le syndicat local CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 13 février 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement.

Sur l'arrêt attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / 1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, mentionnés à l'article R. 772-5, y compris le contentieux du droit au logement défini à l'article R. 778-1 (...) ". En outre, il résulte du 8° du même article que ces dispositions s'appliquent aux actions indemnitaires, quel que soit le montant des indemnités demandées.

3. Une action indemnitaire liée aux conditions dans lesquelles Pôle emploi exerce ses missions de placement et d'accompagnement des demandeurs d'emploi relève des litiges relatifs aux prestations dont bénéficient les travailleurs privés d'emploi, au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative. Ainsi, le tribunal administratif de Paris a statué en premier et dernier ressort sur l'action indemnitaire de M. A...et la requête par laquelle celui-ci contestait le jugement rejetant sa demande revêtait le caractère d'un pourvoi en cassation. La cour administrative d'appel de Paris était, par suite, incompétente pour statuer par la voie de l'appel sur ce jugement. Il y a lieu, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, de faire droit aux conclusions tendant à l'annulation de son arrêt.

4. Il appartient au Conseil d'Etat de statuer, en tant que juge de cassation, sur les conclusions présentées par M. A...et par le syndicat local CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières devant la cour administrative d'appel de Paris et dirigées contre le jugement du 19 mai 2015 du tribunal administratif de Paris.

Sur le jugement attaqué :

En ce qui concerne la recevabilité de l'intervention du syndicat local CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières :

5. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'issue du litige opposant M.A..., qui avait travaillé en dernier lieu à Gennevilliers et adhéré à ce syndicat, à Pôle emploi, mettant en cause les défaillances du service public de l'emploi, était de nature à léser de façon suffisamment directe les intérêts du syndicat local CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières au vu de son objet social. Ainsi, en rejetant comme irrecevable l'intervention du syndicat au soutien de la demande de M.A..., le tribunal administratif de Paris a donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique. Eu égard à la portée de l'argumentation du syndicat intervenant en demande, qui se bornait à s'associer aux conclusions et aux moyens du requérant, cette erreur de qualification juridique a été sans incidence sur l'issue du litige. Par suite, elle est seulement de nature à entraîner l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif n'a pas admis cette intervention en demande, ainsi que, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, l'admission de cette intervention.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de Pôle emploi :

7. En premier lieu, d'une part, si tout traité ou accord en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi, ses stipulations ne peuvent toutefois être utilement invoquées à l'appui d'une demande tendant à la mise en cause de la responsabilité de l'administration que si ce traité ou cet accord remplit les conditions posées à son application dans l'ordre juridique interne par l'article 55 de la Constitution et crée des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir. Par suite, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que M. A...ne pouvait utilement invoquer à l'appui de sa demande d'indemnisation la méconnaissance par Pôle emploi des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de l'article 1er de la charte sociale européenne, qui sont dépourvues d'effet direct. D'autre part, le tribunal n'a pas plus commis d'erreur de droit en jugeant qu'il ne pouvait se prévaloir de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 24 juin 1793, qui n'est pas en vigueur, non plus que de la circulaire du délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle n° 2008/18 du 5 novembre 2008 relative à la mise en oeuvre du projet personnalisé d'accès à l'emploi et à l'offre raisonnable d'emploi, qui ne saurait par elle-même créer aucune obligation à l'égard de Pôle emploi ne procédant pas des lois et règlements.

8. En second lieu, aux termes du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958 : " Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi (...) ". Aux termes de l'article L. 5311-1 du code du travail : " Le service public de l'emploi a pour mission l'accueil, l'orientation, la formation et l'insertion ; il comprend le placement, le versement d'un revenu de remplacement, l'accompagnement des demandeurs d'emploi et l'aide à la sécurisation des parcours professionnels de tous les salariés ". Pôle emploi, qui est doté de la personnalité morale, contribue, en vertu de l'article L. 5311-2 du même code, au service public de l'emploi, en exerçant notamment les missions de placement et d'accompagnement des demandeurs d'emploi ainsi définies à l'article L. 5312-1 de ce code : " 1° Prospecter le marché du travail, développer une expertise sur l'évolution des emplois et des qualifications, procéder à la collecte des offres d'emploi, aider et conseiller les entreprises dans leur recrutement, assurer la mise en relation entre les offres et les demandes d'emploi et participer activement à la lutte contre les discriminations à l'embauche et pour l'égalité professionnelle ; / 2° Accueillir, informer, orienter et accompagner les personnes, qu'elles disposent ou non d'un emploi, à la recherche d'un emploi, d'une formation ou d'un conseil professionnel, prescrire toutes actions utiles pour développer leurs compétences professionnelles et améliorer leur employabilité, favoriser leur reclassement et leur promotion professionnelle, faciliter leur mobilité géographique et professionnelle et participer aux parcours d'insertion sociale et professionnelle (...) ".

9. La qualité de demandeur d'emploi est reconnue, selon l'article L. 5411-1 du code du travail, à " toute personne qui recherche un emploi et demande son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi " auprès de Pôle emploi. En vertu de l'article L. 5411-2 du même code, il incombe à tout demandeur d'emploi de renouveler son inscription, selon une périodicité mensuelle fixée par un arrêté du 5 février 1992 du ministre chargé du travail, et de porter à la connaissance de Pôle emploi les changements affectant sa situation susceptibles d'avoir une incidence sur cette inscription. Aux termes de l'article L. 5411-6 du même code : " Le demandeur d'emploi immédiatement disponible pour occuper un emploi est orienté et accompagné dans sa recherche d'emploi par [Pôle emploi]. Il est tenu de participer à la définition et à l'actualisation du projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L 5411-6-1, d'accomplir des actes positifs et répétés de recherche d'emploi et d'accepter les offres raisonnables d'emploi telles que définies aux articles L. 5411-6-2 et L. 5411-6-3 ". Aux termes de l'article L. 5411-6-1 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Un projet personnalisé d'accès à l'emploi est élaboré et actualisé conjointement par le demandeur d'emploi et [Pôle emploi](...). / Ce projet précise, en tenant compte de la formation du demandeur d'emploi, de ses qualifications, de ses connaissances et compétences acquises au cours de ses expériences professionnelles, de sa situation personnelle et familiale ainsi que de la situation du marché du travail local, la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le niveau de salaire attendu. / Le projet personnalisé d'accès à l'emploi retrace les actions que [Pôle emploi] s'engage à mettre en oeuvre dans le cadre du service public de l'emploi, notamment en matière d'accompagnement personnalisé et, le cas échéant, de formation et d'aide à la mobilité ". Aux termes de l'article L. 5411-6-2 de ce code : " La nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu, tels que mentionnés dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi, sont constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi ". Aux termes de l'article L. 5411-6-3 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le projet personnalisé d'accès à l'emploi est actualisé périodiquement. Lors de cette actualisation, les éléments constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi sont révisés, notamment pour accroître les perspectives de retour à l'emploi (...) ". Aux termes de l'article R. 5411-14, dans sa rédaction applicable au litige : " Le projet personnalisé d'accès à l'emploi est élaboré conjointement par le demandeur d'emploi et [Pôle emploi] (...) lors de l'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi ou au plus tard dans les quinze jours suivant cette inscription. / Il est actualisé au moins tous les trois mois dans les mêmes conditions. / A l'issue de l'élaboration ou de l'actualisation du projet, [Pôle emploi] (...) le notifie au demandeur d'emploi ". Enfin, la convention tripartite pour 2012 à 2014, signée le 11 janvier 2012 entre l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi sur le fondement de l'article L. 5312-3 du code du travail et applicable à une partie de la période en litige, fait figurer au nombre des priorités fixées à Pôle emploi la personnalisation de l'offre de services.

10. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'il incombe à Pôle emploi, au titre de ses missions de placement et d'accompagnement des demandeurs d'emploi par lesquelles il contribue au service public de l'emploi, de mettre en oeuvre un accompagnement personnalisé de chaque demandeur d'emploi pour l'aider à retrouver un emploi, précisé au moyen du projet personnalisé d'accès à l'emploi, en tenant compte de ses besoins, déterminés notamment en fonction de sa formation et de son expérience professionnelle, de l'autonomie dont il dispose dans sa recherche et de la durée qui s'est écoulée depuis son dernier emploi, ainsi que des demandes qu'il exprime. Les carences de Pôle emploi, dans l'exercice de ces missions, sont susceptibles de constituer des fautes de nature à engager sa responsabilité. Il appartient toutefois au juge saisi d'une demande d'indemnisation du préjudice qu'un demandeur d'emploi soutient avoir subi du fait de ces défaillances de tenir compte, le cas échéant, du comportement de l'intéressé et, en particulier, de la manière dont il a lui-même satisfait aux obligations qui lui incombent.

11. En l'espèce, d'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., titulaire de plusieurs diplômes de l'enseignement supérieur, inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi à compter du 26 février 2009, a signé à cette même date avec Pôle emploi un projet personnalisé d'accès à l'emploi aux termes duquel était prévu un accompagnement " par l'unité spécialisée cadres d'Issy-les-Moulineaux " prévoyant un " suivi mensuel personnalisé avec un conseiller " et a bénéficié, à ce titre, d'une prestation d'accompagnement, par une association spécialisée, entre les mois de mars et juin 2009. Toutefois, après une déclaration d'absence pour la période courant du 14 juillet au 18 août 2009, ayant conduit à sa radiation de la liste des demandeurs d'emploi puis à sa réinscription le 11 septembre 2009, M. A...n'a bénéficié d'aucun suivi jusqu'au mois de septembre 2010. Cette absence de suivi entre les mois de septembre 2009 et septembre 2010 constitue, dans les circonstances de l'espèce, un manquement fautif de Pôle emploi à sa mission d'accompagnement des demandeurs d'emploi et, en particulier, à l'obligation d'actualisation trimestrielle du projet personnalisé d'accès à l'emploi qu'imposait l'article R. 5411-14 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur, de nature à engager sa responsabilité, sans qu'il puisse faire valoir pour s'en exonérer que cet article a ultérieurement été modifié pour tenir compte de l'augmentation de plus de 58 % du nombre de personnes inscrites sur les listes de demandeurs d'emploi entre 2009 et 2015. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier qui leur était soumis que l'intéressé s'est abstenu, au cours de la période litigieuse, de procéder à l'actualisation mensuelle de son inscription, qui lui incombait en application de l'article L. 5411-2 du code du travail, et n'a pas sollicité son conseiller au cours de cette période, ni effectué de démarches aux fins de mise à jour de son projet personnalisé d'accès à l'emploi. Compte tenu tant de l'accompagnement dont M. A...a bénéficié au cours de ses premiers mois de recherche d'emploi, que de son comportement au cours de la période considérée ainsi que de l'autonomie dont il était en mesure de faire preuve au vu de ses qualifications et de son parcours professionnel passé, le tribunal n'a pas donné aux faits de l'espèce, qu'il a souverainement appréciés sans les dénaturer, une qualification juridique erronée en jugeant que les préjudices invoqués par M.A..., du fait d'une perte de chance de retrouver un emploi, n'étaient pas la conséquence directe du manquement fautif de Pôle emploi.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., après avoir informé Pôle emploi en septembre 2010 de son projet de créer une entreprise, a bénéficié, en dépit de difficultés rencontrées pour obtenir les entretiens qu'il sollicitait avec son conseiller et d'une insuffisante actualisation de son projet personnalisé d'accès à l'emploi, de diverses prestations d'accompagnement. Le tribunal a ainsi relevé qu'à ce titre, il avait été inscrit à une journée de formation le 13 octobre 2010, avait bénéficié d'une prestation " objectif projet individuel ", dans la perspective d'une création d'entreprise, auprès de l'ADIL, du 8 décembre 2010 au 7 mars 2011, puis avait été orienté vers l'Agence pour la promotion et le soutien à l'initiative économique, chargée de modifier son projet de création d'entreprise établi par l'ADIL dans le cadre de sa demande de prêt " nouvel accompagnement à la création ou la reprise d'entreprise ", avant d'être placé, du 10 juin 2011 au 7 mars 2012, en parcours de création d'entreprise. Eu égard aux compétences et à l'expérience de M.A..., ainsi qu'au projet qu'il avait formé, le tribunal administratif de Paris n'a pas non plus inexactement qualifié les faits de l'espèce, qu'il a souverainement appréciés sans les dénaturer, en jugeant que Pôle emploi ne pouvait se voir reprocher, sur cette période, une carence fautive.

13. Enfin, eu égard à ce qui précède, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant les conclusions indemnitaires de M. A...sans s'interroger sur l'existence d'une perte de chance de retrouver un emploi qui aurait été la conséquence de l'inertie de Pôle emploi et aurait été susceptible de justifier l'indemnisation réclamée.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de Pôle emploi :

14. La responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, lorsqu'une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner, au détriment d'une personne physique ou morale, un préjudice grave et spécial, qui ne peut être regardé comme une charge lui incombant normalement. Lorsqu'il ressort des pièces du dossier que les conditions en sont réunies, il appartient au juge administratif de soulever d'office, après en avoir informé les parties, le moyen tiré de l'existence d'une responsabilité sans faute de l'administration. Toutefois, eu égard au préjudice invoqué par M.A..., le tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en ne retenant pas d'office la responsabilité sans faute de Pôle emploi.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...et le syndicat local CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières ne sont fondés à demander l'annulation que de l'article 1er du jugement qu'ils attaquent.

Sur les frais liés au litige :

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Pôle emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, leur avocat, au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 13 février 2017 est annulé.

Article 2 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris du 19 mai 2015 est annulé.

Article 3 : L'intervention du syndicat local CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières est admise.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A...et du syndicat local CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières et les conclusions de Pôle emploi présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., représentant unique des requérants, et à Pôle emploi.

Copie en sera adressée à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 411846
Date de la décision : 28/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACCORDS INTERNATIONAUX - APPLICABILITÉ - CONDITIONS CUMULATIVES PERMETTANT D'INVOQUER UNE STIPULATION À L'APPUI D'UNE DEMANDE DE MISE EN CAUSE DE LA RESPONSABILITÉ DE L'ADMINISTRATION - APPLICATION DANS L'ORDRE JURIDIQUE INTERNE (ART - 55 DE LA CONSTITUTION) - EFFET DIRECT [RJ1].

01-01-02-01 Si tout traité ou accord en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi, ses stipulations ne peuvent toutefois être utilement invoquées à l'appui d'une demande tendant à la mise en cause de la responsabilité de l'administration que si ce traité ou cet accord remplit les conditions posées à son application dans l'ordre juridique interne par l'article 55 de la Constitution et crée des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir.

COMPÉTENCE - COMPÉTENCE À L'INTÉRIEUR DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - COMPÉTENCE EN PREMIER ET DERNIER RESSORT DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS - ACTION INDEMNITAIRE LIÉE AUX CONDITIONS DANS LESQUELLES PÔLE EMPLOI EXERCE SES MISSIONS DE PLACEMENT ET D'ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI.

17-05-012 Une action indemnitaire liée aux conditions dans lesquelles Pôle emploi exerce ses missions de placement et d'accompagnement des demandeurs d'emploi relève des litiges relatifs aux prestations dont bénéficient les travailleurs privés d'emploi, au sens de l'article R. 811-1 du code de justice administrative.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOYENS - MOYENS INOPÉRANTS - MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE STIPULATIONS D'UN TRAITÉ OU ACCORD INTERNATIONAL EN VIGUEUR DÉPOURVUES D'EFFET DIRECT À L'APPUI D'UNE DEMANDE DE MISE EN CAUSE DE LA RESPONSABILITÉ DE L'ADMINISTRATION [RJ1].

54-07-01-04-03 Si tout traité ou accord en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi, ses stipulations ne peuvent toutefois être utilement invoquées à l'appui d'une demande tendant à la mise en cause de la responsabilité de l'administration que si ce traité ou cet accord remplit les conditions posées à son application dans l'ordre juridique interne par l'article 55 de la Constitution et crée des droits dont les particuliers peuvent directement se prévaloir.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI - MISSIONS DE PLACEMENT ET D'ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI INCOMBANT À PÔLE EMPLOI - 1) OBJET - 2) CARENCES DE PÔLE EMPLOI DANS L'EXERCICE DE CES MISSIONS - FAUTES DE NATURE À ENGAGER SA RESPONSABILITÉ - EXISTENCE - POSSIBILITÉ POUR LE JUGE - SAISI D'UNE DEMANDE INDEMNITAIRE - DE PRENDRE EN COMPTE LE COMPORTEMENT DE L'INTÉRESSÉ - ET EN PARTICULIER LA MANIÈRE DONT IL A LUI-MÊME SATISFAIT AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT - EXISTENCE.

60-02-013 1) Il résulte des articles L. 5411-1, L. 5411-2, L. 5411-6, L. 5411-6-1, L. 5411-6-2, L. 5411-6-3 du code du travail, de l'article R. 5411-14 du même code dans sa rédaction applicable et de la convention tripartite pour 2012 à 2014 signée le 11 janvier 2012 entre l'Etat, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unedic) et Pôle Emploi, qu'il incombe à Pôle emploi, au titre de ses missions de placement et d'accompagnement des demandeurs d'emploi par lesquelles il contribue au service public de l'emploi, de mettre en oeuvre un accompagnement personnalisé de chaque demandeur d'emploi pour l'aider à retrouver un emploi, précisé au moyen du projet personnalisé d'accès à l'emploi, en tenant compte de ses besoins, déterminés notamment en fonction de sa formation et de son expérience professionnelle, de l'autonomie dont il dispose dans sa recherche et de la durée qui s'est écoulée depuis son dernier emploi, ainsi que des demandes qu'il exprime.... ...2) Les carences de Pôle emploi, dans l'exercice de ces missions, sont susceptibles de constituer des fautes de nature à engager sa responsabilité. Il appartient toutefois au juge saisi d'une demande d'indemnisation du préjudice qu'un demandeur d'emploi soutient avoir subi du fait de ces défaillances de tenir compte, le cas échéant, du comportement de l'intéressé et, en particulier, de la manière dont il a lui-même satisfait aux obligations qui lui incombent.

TRAVAIL ET EMPLOI - SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI - MISSIONS DE PLACEMENT ET D'ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI INCOMBANT À PÔLE EMPLOI - 1) OBJET - 2) CARENCES DE PÔLE EMPLOI DANS L'EXERCICE DE CES MISSIONS - FAUTES DE NATURE À ENGAGER SA RESPONSABILITÉ - EXISTENCE - POSSIBILITÉ POUR LE JUGE - SAISI D'UNE DEMANDE INDEMNITAIRE - DE PRENDRE EN COMPTE LE COMPORTEMENT DE L'INTÉRESSÉ - ET EN PARTICULIER LA MANIÈRE DONT IL A LUI-MÊME SATISFAIT AUX OBLIGATIONS QUI LUI INCOMBENT - EXISTENCE.

66-11-001-01 1) Il résulte des articles L. 5411-1, L. 5411-2, L. 5411-6, L. 5411-6-1, L. 5411-6-2, L. 5411-6-3 du code du travail, de l'article R. 5411-14 du même code dans sa rédaction applicable et de la convention tripartite pour 2012 à 2014 signée le 11 janvier 2012 entre l'Etat, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unedic) et Pôle Emploi, qu'il incombe à Pôle emploi, au titre de ses missions de placement et d'accompagnement des demandeurs d'emploi par lesquelles il contribue au service public de l'emploi, de mettre en oeuvre un accompagnement personnalisé de chaque demandeur d'emploi pour l'aider à retrouver un emploi, précisé au moyen du projet personnalisé d'accès à l'emploi, en tenant compte de ses besoins, déterminés notamment en fonction de sa formation et de son expérience professionnelle, de l'autonomie dont il dispose dans sa recherche et de la durée qui s'est écoulée depuis son dernier emploi, ainsi que des demandes qu'il exprime.... ...2) Les carences de Pôle emploi, dans l'exercice de ces missions, sont susceptibles de constituer des fautes de nature à engager sa responsabilité. Il appartient toutefois au juge saisi d'une demande d'indemnisation du préjudice qu'un demandeur d'emploi soutient avoir subi du fait de ces défaillances de tenir compte, le cas échéant, du comportement de l'intéressé et, en particulier, de la manière dont il a lui-même satisfait aux obligations qui lui incombent.


Références :

[RJ1]

Rappr., en excès de pouvoir, CE, Assemblée, 11 avril 2012, Groupe d'information et de soutien des immigrés et Fédération des associations pour la promotion et l'insertion par le logement, n° 322326, p. 142.


Publications
Proposition de citation : CE, 28 déc. 2018, n° 411846
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Sirinelli
Rapporteur public ?: M. Charles Touboul
Avocat(s) : SCP BOULLEZ ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:411846.20181228
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