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26/12/2018 | FRANCE | N°417632

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 26 décembre 2018, 417632


Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 2 juillet 2014 par le président du conseil départemental de la Drôme en vue de la récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 1 172,92 euros pour la période allant du 1er septembre au 31 décembre 2012 ;

- d'annuler les oppositions à tiers détenteur délivrées les 9 octobre et 17 novembre 2014 par la paierie départementale de la Drôme pour en assurer le recouvrement ;

- de la déch

arger de l'obligation de payer cette somme ;

- d'annuler la décision implicite par laquell...

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 2 juillet 2014 par le président du conseil départemental de la Drôme en vue de la récupération d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 1 172,92 euros pour la période allant du 1er septembre au 31 décembre 2012 ;

- d'annuler les oppositions à tiers détenteur délivrées les 9 octobre et 17 novembre 2014 par la paierie départementale de la Drôme pour en assurer le recouvrement ;

- de la décharger de l'obligation de payer cette somme ;

- d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de la Drôme a confirmé la récupération de deux indus de revenu de solidarité active, l'un de 4 111,20 euros ramené à 3 346,83 euros compte tenu de la compensation opérée avec un rappel d'aide personnalisée au logement et l'autre de 3 064 euros et leur recouvrement par retenues sur les prestations à échoir et rejeté sa demande de remise gracieuse ;

- de la décharger de l'obligation de payer ces sommes et d'ordonner le remboursement des sommes retenues par la caisse d'allocations familiales de la Drôme pour les récupérer ;

- de la rétablir dans ses droits au revenu de solidarité active au montant maximum de l'allocation pour la période de janvier à décembre 2014 ;

- subsidiairement, de lui accorder la remise gracieuse des indus réclamés ou, à défaut, de prononcer l'étalement de leur récupération par remboursement de 50 euros par mois.

Par un jugement nos 1502995, 1503302 du 20 septembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier et 18 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes ;

3°) de mettre à la charge du département de la Drôme la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Delamarre, Jehannin, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de MmeA..., et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du département de la Drôme.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, d'une part, le 5 mars 2013, la caisse d'allocations familiales de la Drôme a décidé la récupération auprès de MmeA..., bénéficiaire depuis juin 2009 du revenu de solidarité active, d'un indu de cette allocation d'un montant de 1 352,92 euros pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2012. Le 2 juillet 2014, le département de la Drôme a émis, pour le recouvrement de cet indu, un titre exécutoire d'un montant de 1 172,92 euros tenant compte des retenues déjà opérées. Puis, la paierie départementale de la Drôme a délivré deux oppositions à tiers détenteur les 9 octobre et 17 novembre 2014. Par une première requête enregistrée sous le numéro 1502995, Mme A...a contesté ce titre exécutoire et ces oppositions à tiers détenteur devant le tribunal administratif de Grenoble. D'autre part, par deux décisions des 5 décembre 2013 et 9 avril 2014, la caisse d'allocations familiales de la Drôme a décidé la récupération de deux autres indus de revenu de solidarité active, d'un montant respectif de 3 346,83 euros au titre de la période allant du 1er décembre 2011 au 30 novembre 2013, compte tenu de la compensation déjà opérée avec un rappel d'aide personnalisée au logement de 764,37 euros, et de 3 064 euros au titre de la période du 1er décembre 2010 au 30 novembre 2011. En outre, par une décision du 11 février 2014, la caisse d'allocations familiales a réduit à 199,39 euros par mois le montant de l'allocation versée à Mme A...au titre du revenu de solidarité active à compter du mois de janvier 2014. Mme A...a saisi le 30 avril 2014 le président du conseil départemental de la Drôme d'un recours administratif préalable tendant à l'annulation de ces décisions et de celles de procéder au recouvrement des indus par retenues sur les prestations à échoir ou, à titre subsidiaire, à la remise gracieuse des indus. Par une seconde requête enregistrée sous le numéro 1503302, Mme A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de la Drôme a rejeté son recours administratif préalable. Par un jugement du 20 septembre 2017, contre lequel Mme A... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces requêtes après les avoir jointes.

Sur le jugement, en tant qu'il statue sur les conclusions de la requête n° 1502995 :

2. En premier lieu, il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif de Grenoble que si, dans deux mémoires enregistrés au greffe de ce tribunal les 11 octobre 2016 et 17 mai 2017, Mme A...a soutenu que l'agent de la caisse d'allocations familiales ayant procédé au contrôle de sa situation n'était pas assermenté et agréé et ne disposait pas d'une délégation du directeur de la caisse, ces mémoires ont été présentés à l'appui de la requête enregistrée sous le numéro 1503302, qui tendait à l'annulation des décisions de récupération d'indus des 5 décembre 2013 et 9 avril 2014, prises à la suite de ce contrôle, et non à l'annulation de la décision du 5 mars 2013 de récupération d'un indu de 1 352,92 euros pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2012, du fait de l'omission de déclaration de la modification intervenue dans la composition de son foyer. En revanche, le moyen n'était pas soulevé à l'appui de la requête enregistrée sous le numéro 1502995 et dirigée contre les actes pris pour le recouvrement de cet indu. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le tribunal aurait omis de répondre à ce moyen en tant qu'il visait la décision du 5 mars 2013.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au litige : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / Toute réclamation dirigée contre une décision de récupération de l'indu, le dépôt d'une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que les recours administratifs et contentieux, y compris en appel, contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif. / Sauf si le bénéficiaire opte pour le remboursement de l'indu en une seule fois, l'organisme mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu de revenu de solidarité active par retenues sur les montants à échoir. / (...) / Après la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement sur prestations à échoir, l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active transmet (...) les créances du département au président du conseil général. (...) Le président du conseil général constate la créance du département et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement. (...) ".

4. D'autre part, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur (...) ".

5. Il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles qu'un recours administratif ou contentieux formé contre une décision de récupération d'un indu d'allocation de revenu de solidarité active suspend l'exigibilité de la créance et fait obstacle, aussi longtemps que ce recours est pendant devant l'administration ou devant les juges du fond, à l'émission par le département d'un titre exécutoire sur le fondement de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.

6. Toutefois, s'il ressort de ses écritures devant le tribunal que Mme A...se prévalait du caractère suspensif de sa réclamation contre la décision de récupération d'indu du 5 mars 2013, cette réclamation n'avait été formée que le 11 octobre 2016, postérieurement à l'émission du titre exécutoire contesté, le 2 juillet 2014. Par suite, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ni cette réclamation, ni la requête formée contre le titre exécutoire lui-même n'avaient d'incidence sur la régularité de ce titre mais qu'elles faisaient seulement obstacle à son exécution.

Sur le jugement, en tant qu'il statue sur les conclusions de la requête n° 1503302 :

7. Aux termes de l'article L. 262-40 du code de l'action sociale et des familles : " (...) Les organismes chargés de son versement réalisent les contrôles relatifs au revenu de solidarité active selon les règles, procédures et moyens d'investigation applicables aux prestations de sécurité sociale. (...) ". Selon le premier alinéa de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige : " Les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. (...) Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire ". Les conditions d'agrément des agents des caisses d'allocations familiales exerçant une mission de contrôle sont définies, pour les agents en fonction avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du 5 mai 2014 ayant le même objet, par un arrêté du ministre de la santé et de la protection sociale et du ministre de la famille et de l'enfance du 30 juillet 2004, qui renvoie aux dispositions de l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les conditions d'assermentation.

8. Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que tant l'absence d'agrément que l'absence d'assermentation des agents de droit privé désignés par les caisses d'allocations familiales pour conduire des contrôles sur les déclarations des bénéficiaires du revenu de solidarité active sont de nature à affecter la validité des constatations des procès-verbaux qu'ils établissent à l'issue de ces contrôles et à faire ainsi obstacle à ce qu'elles constituent le fondement d'une décision déterminant pour l'avenir les droits de la personne contrôlée ou remettant en cause des paiements déjà effectués à son profit en ordonnant la récupération d'un indu.

9. A l'appui de sa requête dirigée contre la décision implicite par laquelle le président du conseil départemental de la Drôme a rejeté son recours administratif préalable du 30 avril 2014, Mme A...soulevait, ainsi qu'il a été dit au point 2, le moyen tiré du défaut d'agrément et d'assermentation de l'agent de la caisse d'allocations familiales qui avait procédé au contrôle de sa situation. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que ce moyen était susceptible d'avoir une incidence sur la validité des constatations de fait fondant les décisions de récupération des 5 décembre 2013 et 9 avril 2014. En le regardant comme inopérant, le tribunal administratif a commis une erreur de droit.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque en tant seulement qu'il statue sur les conclusions de la requête n° 1503302.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

11. Mme A...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Delamarre, Jehannin, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du département de la Drôme une somme de 1 500 euros à verser à cette SCP.

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 septembre 2017 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la requête n° 1503302.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure au tribunal administratif de Grenoble.

Article 3 : Le département de la Drôme versera à la SCP Delamarre, Jehannin une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A...est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A..., à la ministre des solidarités et de la santé et au département de la Drôme.

Copie en sera adressée à la caisse d'allocations familiales de la Drôme.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 417632
Date de la décision : 26/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 déc. 2018, n° 417632
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arnaud Skzryerbak
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417632.20181226
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