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21/12/2018 | FRANCE | N°422835

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 21 décembre 2018, 422835


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) Halls Faction a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 dans les rôles de la commune de Boulay (Moselle). Par un jugement n°s 1506847, 1506848 du 15 mai 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 18NC01959 du 31 juillet 2018, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le premier vice-président

de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en app...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) Halls Faction a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 dans les rôles de la commune de Boulay (Moselle). Par un jugement n°s 1506847, 1506848 du 15 mai 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par une ordonnance n° 18NC01959 du 31 juillet 2018, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 12 juillet 2018 au greffe de cette cour, présenté par la société Halls Faction.

Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 9 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Halls Faction demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par deux mémoires, enregistrés les 9 octobre et 15 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Halls Faction demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du deuxième alinéa de l'article 1499-0 A du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Halls Faction.

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. L'article 1499-0 A du code général des impôts dispose : " Lorsque les biens immobiliers mentionnés à l'article 1499 pris en crédit-bail sont acquis par le crédit-preneur, la valeur locative de ces biens ne peut, pour les impositions établies au titre des années suivantes, être inférieure à celle retenue au titre de l'année d'acquisition / Lorsque les biens immobiliers mentionnés à l'article 1499 font l'objet d'un contrat de crédit-bail ou de location au profit de la personne qui les a cédés, la valeur locative de ces biens immobiliers ne peut, pour les impositions établies au titre des années suivantes, être inférieure à celle retenue au titre de l'année de cession ".

2. Il résulte de la lettre même des dispositions précitées du second alinéa de l'article 1499-0 A du code général des impôts que les règles particulières de détermination de la valeur locative des biens immobiliers mentionnés à l'article 1499 du même code qu'elles instituent sont applicables dans toutes les situations où le bien fait l'objet d'un contrat de location au profit de la personne qui l'a cédé, et pas uniquement lorsque le contrat de location est assorti d'une clause d'option d'achat.

3. A l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation du jugement du 15 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 à raison d'un ensemble immobilier dont elle propriétaire sur le territoire de la commune de Boulay, la société Halls Faction soulève, par un mémoire distinct, la question de la conformité de ce second alinéa aux droits et libertés garantis par la Constitution. Elle soutient qu'il méconnaît les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789.

4. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

5. Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Aux termes de l'article 13 de cette Déclaration : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

6. Le législateur a prévu, au second alinéa de l'article 1499-0 A du code général des impôts, qu'en cas de cession de biens immobiliers ayant la nature d'établissements industriels au sens de l'article 1499 du même code suivie de la prise en location de ces mêmes biens par leur ancien propriétaire, la valeur locative de ces biens retenue pour établir la taxe foncière et la cotisation foncière des entreprises ne pouvait être inférieure à celle retenue au titre de l'année de cession. Si le législateur a ainsi fixé des règles dérogatoires de détermination de la valeur locative de ces biens immobiliers, pour les besoins de l'établissement des impositions directes locales, lorsqu'ils font l'objet d'une mutation de propriété dans des conditions telles que l'ancien propriétaire en conserve la disposition, il a, en adoptant ces dispositions, entendu prémunir les collectivités territoriales contre une baisse de la valeur locative cadastrale des biens industriels passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâtis, et donc d'une perte de base taxable, en dehors de toute modification de la consistance de l'immeuble ou des conditions matérielles de son exploitation. Eu égard à l'objectif d'intérêt général ainsi poursuivi et dès lors qu'en se fondant sur la circonstance que le bien industriel cédé est loué à son ancien propriétaire, quelle que soit la nature du contrat conclu en vue de cette mise à disposition, le législateur s'est fondé sur un critère objectif et rationnel au regard du but poursuivi, sans entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, les griefs tirés de la méconnaissance des principes garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui ne sont pas nouveaux, ne présentent pas un caractère sérieux.

7. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Halls Faction.

Sur le pourvoi en cassation :

8. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

9. Pour demander l'annulation du jugement qu'elle attaque, la société Halls Faction soutient que tribunal administratif de Strasbourg a :

- méconnu les dispositions du second alinéa de l'article 1499-0 A du code général des impôts en jugeant qu'elles s'appliquaient dans l'hypothèse où le bien cédé est remis à la disposition de son ancien propriétaire par un bail commercial dépourvu d'option d'achat ;

- dénaturé les faits de l'espèce et les pièces du dossier en jugeant que la valeur locative sur laquelle avaient été fondées les impositions dues au titre de l'année 2013, retenue pour déterminer les impositions en litige par l'effet des dispositions du second alinéa de l'article 1499-0A du code général des impôts, n'avait pas elle-même été déterminée sur des bases erronées.

10. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Halls Faction.

Article 2 : Le pourvoi de la société Halls Faction n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière Halls Faction et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 422835
Date de la décision : 21/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 2018, n° 422835
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Domingo
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:422835.20181221
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