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19/12/2018 | FRANCE | N°420252

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 19 décembre 2018, 420252


Vu la procédure suivante :

Mme C...D...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé les deux décisions du 28 août 2017 de l'autorité consulaire de Bangui (République centrafricaine) refusant la délivrance d'un visa aux enfants mineurs E...B...et F...A..., et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité

de réexaminer ces deux demandes.

Par une ordonnance n° 1802832 du 1...

Vu la procédure suivante :

Mme C...D...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé les deux décisions du 28 août 2017 de l'autorité consulaire de Bangui (République centrafricaine) refusant la délivrance d'un visa aux enfants mineurs E...B...et F...A..., et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer ces deux demandes.

Par une ordonnance n° 1802832 du 17 avril 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision de la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, et, d'autre part, enjoint à l'autorité consulaire de Bangui de réexaminer les demandes de visa des deux enfants dans un délai d'un mois.

Par un pourvoi, enregistré le 30 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter les conclusions présentées par Mme D...devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi et Texier, avocat de MmeD....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que MmeD..., ressortissante centrafricaine arrivée en France le 26 novembre 2014 et bénéficiant de la protection subsidiaire depuis le 29 décembre 2015, a introduit le 2 août 2017 auprès du ministre de l'intérieur une demande tendant à bénéficier de son droit à être rejointe, au titre de la réunification familiale, par les enfants mineurs E...B...et F...A...dont elle affirme être la mère. Par une décision du 28 août 2017, l'autorité consulaire de Bangui a refusé la délivrance d'un visa de long séjour à ces deux enfants, considérant que les documents d'état civil produits présentaient un caractère frauduleux. Par une décision implicite de rejet, la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé ces deux décisions à la suite d'un recours formé le 26 octobre 2017 par MmeD.... Par une ordonnance du 17 avril 2018 prise sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Nantes statuant à la demande de Mme D...a, d'une part, suspendu l'exécution de la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et, d'autre part, enjoint au ministre de procéder au réexamen de ces deux demandes de visa dans un délai d'un mois.

3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence.

4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que, pour considérer que la condition d'urgence était remplie, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes s'est borné à constater que MmeD..., arrivée en France le 26 novembre 2014 et bénéficiaire de la protection subsidiaire depuis le 29 décembre 2015, était séparée de ses deux derniers enfants mineurs. En statuant ainsi, alors que, d'une part, la décision contestée était fondée sur le caractère frauduleux du lien de filiation entre la requérante et ces deux enfants, et, d'autre part, que le ministre de l'intérieur faisait valoir, pour contester l'existence d'une situation d'urgence, qu'il s'était écoulé un délai de près de deux années entre l'obtention de la protection subsidiaire par Mme D...et sa demande de réunification familiale, le juge des référés a insuffisamment motivé son ordonnance. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée.

6. Il ressort des pièces du dossier que les actes de naissance et les transcriptions de jugements supplétifs concernant les enfants mineurs E...B...et F...A...se caractérisent par de nombreuses anomalies qui ne permettent pas d'établir avec certitude leur lien de filiation avec MmeD.... En outre, cette dernière ne fournit pas d'autres documents permettant d'établir l'existence d'un tel lien de filiation. Il en résulte que le moyen tiré de l'existence d'une erreur d'appréciation de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sur la réalité du lien de filiation de ces enfants mineurs avec Mme D...n'est pas de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

7. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, Mme D...n'est pas fondée à demander la suspension de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre les deux décisions de l'autorité consulaire de Bangui refusant la délivrance d'un visa aux enfants mineurs E...B...et F...A....

8. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 17 avril 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme C...D....


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 420252
Date de la décision : 19/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2018, n° 420252
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yohann Bouquerel
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:420252.20181219
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