La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2018 | FRANCE | N°414503

France | France, Conseil d'État, 4ème et 1ère chambres réunies, 19 décembre 2018, 414503


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 septembre et 21 décembre 2017 et le 19 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 juin 2017 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, a, sur recours du conseil départemental de la Mayenne de l'ordre des médecins, annulé la décision du 4 mai 2017 du conseil régional des Pays de la Lo

ire prononçant son inscription au tableau de cet ordre et rejeté sa demande d...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 septembre et 21 décembre 2017 et le 19 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 29 juin 2017 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, a, sur recours du conseil départemental de la Mayenne de l'ordre des médecins, annulé la décision du 4 mai 2017 du conseil régional des Pays de la Loire prononçant son inscription au tableau de cet ordre et rejeté sa demande d'inscription au tableau de l'ordre ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins et du conseil départemental de la Mayenne de l'ordre des médecins une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. A...et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique : " Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent. / (...) Nul ne peut être inscrit sur ce tableau s'il ne remplit pas les conditions requises par le présent titre et notamment les conditions nécessaires de moralité, d'indépendance et de compétence (...) " ; que l'article L. 4112-5 du même code dispose que : " L'inscription à un tableau de l'ordre rend licite l'exercice de la profession sur tout le territoire national. / En cas de transfert de la résidence professionnelle hors du département ou de la collectivité territoriale où il est inscrit, l'intéressé doit, au moment de ce transfert, demander son inscription au tableau de l'ordre du département ou de la collectivité territoriale de la nouvelle résidence (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en vue d'installer sa résidence professionnelle dans le département de la Mayenne, M.A..., médecin qualifié en psychiatrie inscrit, depuis juin 2008, au tableau du conseil départemental de la Sarthe de l'ordre des médecins, a sollicité en janvier 2017 son inscription au tableau du conseil départemental de la Mayenne ; qu'il demande l'annulation de la décision du 29 juin 2017 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en formation restreinte, a, sur recours du conseil départemental de la Mayenne, d'une part, annulé la décision d'inscription au tableau prononcée par le conseil régional des Pays de Loire de l'ordre des médecins et, d'autre part, rejeté sa demande d'inscription au tableau de l'ordre, au motif qu'il ne remplissait pas la condition de moralité ;

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

2. Considérant que M. A...soutient que la décision attaquée, prise, ainsi qu'il a été dit, sur recours du conseil départemental de la Mayenne, a méconnu le principe du contradictoire, en ce qu'elle se fonde sur la condition de moralité alors que, tant la décision initiale de refus d'inscription prononcée le 1er mars 2017 par le conseil départemental de la Mayenne, que la décision d'inscription prononcée le 4 mai 2017 par le conseil régional des Pays de la Loire et que le recours porté, contre cette dernière décision, par le conseil départemental de la Mayenne devant le conseil national, n'avaient porté que sur la possibilité concrète d'exercer, ou non, une activité libérale en Mayenne, compte tenu de la simultanéité d'un exercice salarié de M. A... dans un hôpital des Hauts-de-Seine ;

3. Considérant toutefois que, saisi du recours administratif préalable obligatoire prévu par les dispositions de l'article L. 4112-4 du code de la santé publique contre une décision d'un conseil régional de l'ordre des médecins ayant lui-même statué sur un recours dirigé contre une décision prise par un conseil départemental sur l'inscription au tableau de l'ordre, il appartient au Conseil national de l'ordre des médecins de se prononcer à nouveau lui-même, au vu des circonstances de droit et de fait à la date de sa propre décision, sur la demande d'inscription initialement formée par le praticien devant le conseil départemental compétent ; qu'il lui appartient notamment, à ce titre, de s'assurer du respect, par le praticien, des conditions de moralité, d'indépendance et de compétence prévues par les dispositions, citées ci-dessus au point 1, de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande présentée par M. A...devant le conseil départemental de la Mayenne de l'ordre des médecins, en vue de son inscription au tableau de l'ordre de ce département, faisait état de faits d'atteinte ou d'agressions sexuelles ; qu'il ressort également des pièces du dossier que, au regard de ces faits, la question du respect, par M.A..., de la condition de moralité posée par les dispositions de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique a été soulevée lors de la réunion du 29 juin 2017 de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins au cours de laquelle a été examinée, en présence de M.A..., sa demande d'inscription au tableau de l'ordre ; que, par suite, en se fondant sur des faits figurant au dossier présenté par M. A...et en retenant un motif sur lequel il avait été mis à même de présenter ses observations, le Conseil national de l'ordre des médecins n'a pas entaché sa décision d'irrégularité ;

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique : " La décision d'inscription ne peut être retirée que si elle est illégale et dans un délai de quatre mois. Passé ce délai, la décision ne peut être retirée que sur demande explicite de son bénéficiaire. / Il incombe au conseil départemental de tenir à jour le tableau et, le cas échéant, de radier de celui-ci les praticiens qui, par suite de l'intervention de circonstances avérées postérieures à leur inscription, ont cessé de remplir ces conditions " ; que M. A...soutient que la décision litigieuse, qui, selon lui, a eu pour effet de le radier du tableau de l'ordre, a méconnu ces dispositions en raison de ce qu'elle se fonde sur des faits qui étaient antérieurs à sa précédente inscription, en 2008, au tableau du département de la Sarthe ;

6. Mais considérant que la mesure administrative d'inscription prise par le conseil départemental territorialement compétent lors d'un changement de lieu de résidence professionnelle d'un praticien doit être regardée comme une inscription nouvelle ; que l'article R. 4112-3 du code de la santé publique dispose ainsi que : " en cas de transfert de sa résidence professionnelle hors du département, le praticien est tenu de demander, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sa radiation du tableau de l'ordre du département où il exerçait " et que l'article R. 4112-1 du même code prévoit que le dossier de demande d'inscription présenté par le praticien doit notamment comporter : " (...) 6° Un certificat de radiation d'inscription ou d'enregistrement délivré par l'autorité auprès de laquelle le demandeur était antérieurement inscrit ou enregistré (...) " ; que, par suite, le Conseil national de l'ordre des médecins a pu légalement se fonder, pour refuser l'inscription demandée, sur des faits qui étaient avérés antérieurement à la précédente inscription de M. A... au tableau de l'ordre des médecins ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en se fondant, pour rejeter la demande d'inscription de M. A...au tableau de l'ordre des médecins, sur la circonstance qu'il ne remplissait pas la condition de moralité requise en raison, d'une part, de ce qu'il avait omis de faire état, dans son dossier de demande, d'une sanction disciplinaire d'interdiction du droit d'exercer la médecine pendant six mois, prononcée à son encontre le 18 mai 2011 et, d'autre part, de plusieurs faits d'atteintes sexuelles, d'agressions sexuelles et de viols commis par lui, entre 1991 et 1994, sur des mineurs de moins de quinze ans, le conseil national de l'ordre n'a, au regard de la gravité de ces faits et alors même que ceux-ci étaient anciens, pas fait une inexacte application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique ;

8. Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque, qui est suffisamment motivée ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, par suite, obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A...et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : 4ème et 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 414503
Date de la décision : 19/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-01-02-01-01 PROFESSIONS, CHARGES ET OFFICES. ORDRES PROFESSIONNELS - ORGANISATION ET ATTRIBUTIONS NON DISCIPLINAIRES. QUESTIONS PROPRES À CHAQUE ORDRE PROFESSIONNEL. ORDRE DES MÉDECINS. CONSEIL NATIONAL. - MESURE ADMINISTRATIVE D'INSCRIPTION LORS D'UN CHANGEMENT DE RÉSIDENCE - MESURE DEVANT ÊTRE REGARDÉE COMME UNE INSCRIPTION NOUVELLE - EXISTENCE - CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ DE REFUSER CETTE INSCRIPTION EN SE FONDANT SUR DES FAITS AVÉRÉS ANTÉRIEUREMENT À LA PRÉCÉDENTE INSCRIPTION DE L'INTÉRESSÉ - EXISTENCE.

55-01-02-01-01 La mesure administrative d'inscription prise par le conseil départemental territorialement compétent lors d'un changement de lieu de résidence professionnelle d'un praticien doit être regardée comme une inscription nouvelle. L'article R. 4112-3 du code de la santé publique (CSP) dispose ainsi qu'en cas de transfert de sa résidence professionnelle hors du département, le praticien est tenu de demander, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sa radiation du tableau de l'ordre du département où il exerçait et l'article R. 4112-1 du même code prévoit que le dossier de demande d'inscription présenté par le praticien doit notamment comporter un certificat de radiation d'inscription ou d'enregistrement délivré par l'autorité auprès de laquelle le demandeur était antérieurement inscrit ou enregistré. Par suite, le Conseil national de l'ordre des médecins peut légalement se fonder, pour refuser l'inscription demandée, sur des faits qui étaient avérés antérieurement à la précédente inscription de l'intéressé au tableau de l'ordre des médecins.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 déc. 2018, n° 414503
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise Tomé
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP RICHARD ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:414503.20181219
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award