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12/12/2018 | FRANCE | N°414088

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 12 décembre 2018, 414088


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n ° 1401285 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15PA03385 du 7 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre ce jugement.

Par un pourvoi somm

aire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 septem...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n ° 1401285 du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 15PA03385 du 7 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'ils ont formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 7 septembre et 8 décembre 2017 et le 20 septembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Déborah Coricon, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. et Mme B...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...est le gérant et l'unique associé de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Baby Black Elephant, constituée le 5 octobre 2006 par l'apport d'actions qu'il détenait dans la société RJMJ et dont le capital a fait l'objet d'une réduction le 30 janvier 2009. Dans le cadre d'une vérification de comptabilité de la société portant sur les exercices clos en 2008 et 2009, l'administration fiscale a estimé que cette réduction de capital mettait fin au report d'imposition de la plus-value d'échange réalisée par M. B...en 2006 et a procédé aux rectifications qui en résultaient pour le foyer fiscal de l'intéressé au titre de l'année 2009. Par un jugement du 3 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de décharge présentée par M. et Mme B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 à la suite de ces rectifications ainsi que des pénalités correspondantes. Ils se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 7 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Paris qui a rejeté leur appel.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ".

3. Il ressort des dispositions précitées de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, dans leur rédaction issue de la loi du 7 avril 1997, que l'ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, et notamment les consultations juridiques rédigées par l'avocat à son intention, sont couvertes par le secret professionnel. Toutefois, la confidentialité des correspondances entre l'avocat et son client ne s'impose qu'au premier et non au second qui, n'étant pas tenu au secret professionnel, peut décider de lever ce secret, sans y être contraint. Ainsi, la circonstance que l'administration ait pris connaissance du contenu d'une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de ce contribuable dès lors que celui-ci a préalablement donné son accord en ce sens. En revanche, la révélation du contenu d'une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat vicie la procédure d'imposition menée à l'égard du contribuable et entraîne la décharge de l'imposition lorsque, à défaut de l'accord préalable de ce dernier, le contenu de cette correspondance fonde tout ou partie de la rectification.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au cours de la vérification de l'EURL Baby Black Elephant dont M. B...était l'associé-gérant, le vérificateur a pris connaissance dans les locaux de la société d'un certain nombre de documents, parmi lesquels figurait une consultation juridique adressée par l'avocat de M. B...au siège de la société, à l'attention personnelle de ce dernier et revêtue de la mention " personnel et confidentiel ". Ce document, dont il n'est pas contesté qu'il a fondé l'imposition en litige, détaillait les conséquences, pour M.B..., sur ses revenus personnels, de l'opération envisagée de réduction du capital de la société Baby Black Elephant, notamment en ce qui concerne la déchéance du sursis d'imposition d'une fraction de la plus-value d'apport dont il avait bénéficié en 2006.

5. Il résulte du principe énoncé au point 3 qu'en jugeant que la procédure était régulière au seul motif que l'information protégée avait été révélée par le bénéficiaire du secret professionnel, sans rechercher si le contribuable avait donné son accord préalable à cette révélation, la cour a commis une erreur de droit. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. et Mme B...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte de l'instruction que M. B...a immédiatement refusé toute prise de copie par le vérificateur de la consultation juridique remise dans les circonstances énoncées au point 4 et qui, ainsi que le relève la réponse aux observations du contribuables datée du 1er septembre 2011, n'a plus été présentée lors de la suite des opérations de contrôle sur place. Ces circonstances, qui démontrent l'absence, en l'espèce, d'accord préalable du contribuable à la remise du document en cause faisaient obstacle à ce que l'administration fiscale utilise, pour le calcul du montant des impositions contestées, les informations protégées contenues dans ce document. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'ils attaquent, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 4 500 euros à verser à M. et Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 7 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 3 juillet 2015 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : M. et Mme B...sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 4 500 euros à M. et Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 414088
Date de la décision : 12/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. - INFORMATION COUVERTE PAR LE SECRET DES CORRESPONDANCES ENTRE L'AVOCAT ET SON CLIENT (ART. 66-5 DE LA LOI DU 3 DÉCEMBRE 1971) - POSSIBILITÉ POUR LE CLIENT FAISANT L'OBJET D'UN CONTRÔLE FISCAL DE LEVER CE SECRET - EXISTENCE [RJ1] - CONSÉQUENCE DE LA RÉVÉLATION D'UNE TELLE INFORMATION À L'ADMINISTRATION SUR LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE D'IMPOSITION - ABSENCE, EN CAS D'ACCORD PRÉALABLE DU CONTRIBUABLE - DÉCHARGE, DANS LE CAS CONTRAIRE, SI CETTE INFORMATION FONDE TOUT OU PARTIE DE LA RECTIFICATION [RJ2].

19-01-03-01 Il ressort de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 97-308 du 7 avril 1997, que l'ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, et notamment les consultations juridiques rédigées par l'avocat à son intention, sont couvertes par le secret professionnel. Toutefois, la confidentialité des correspondances entre l'avocat et son client ne s'impose qu'au premier et non au second qui, n'étant pas tenu au secret professionnel, peut décider de lever ce secret, sans y être contraint. Ainsi, la circonstance que l'administration ait pris connaissance du contenu d'une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de ce contribuable dès lors que celui-ci a préalablement donné son accord en ce sens. En revanche, la révélation du contenu d'une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat vicie la procédure d'imposition menée à l'égard du contribuable et entraîne la décharge de l'imposition lorsque, à défaut de l'accord préalable de ce dernier, le contenu de cette correspondance fonde tout ou partie de la rectification.


Références :

[RJ1]

Rappr., Cass. civ. 1ère, 30 avril 2009,,, n° 08-13.596, inédit au Bulletin., ,

[RJ2]

Rappr., s'agissant du contribuable astreint au secret professionnel, CE, 24 juin 2015, SELAS Pharmacie Réveillon, n° 367288, p. 224.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 déc. 2018, n° 414088
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Déborah Coricon
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:414088.20181212
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