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12/12/2018 | FRANCE | N°413429

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 12 décembre 2018, 413429


Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 413429, M. et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010. Par un jugement n°1401778 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Par un arrêt n°16NT00749 du 14 juin 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. et Mme B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un m

moire complémentaire, enregistrés les 16 août 2017 et 16 novembre 2017 au secrétariat...

Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 413429, M. et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2010. Par un jugement n°1401778 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Par un arrêt n°16NT00749 du 14 juin 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. et Mme B...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août 2017 et 16 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme D...B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n°413430, M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011. Par un jugement n°1502996 du 5 juillet 2016, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Par un arrêt n°16NT02964 du 14 juin 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. et Mme A...C...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août 2017 et 16 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A...C...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Richard, avocat de M. et Mme D...B...et de M. et Mme A...C...;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 28 novembre 2018, présentées par M. et Mme B...et par M. et Mme C...;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B...et M. et Mme C...ont bénéficié d'une réduction d'impôt sur le revenu, respectivement au titre de l'année 2010 pour les premiers et au titre des années 2010 et 2011 pour les seconds, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'un investissement réalisé par l'intermédiaire de la société par actions simplifiée AE1 Industries, dont ils sont associés, qui a acquis, par un acte du 31 décembre 2010, un hélicoptère destiné à être loué en Guyane à la société de transport aérien Yankee Kima Hélicoptères. L'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette réduction d'impôt. M. et Mme B...et M. et Mme C...se pourvoient en cassation contre les arrêts de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 14 juin 2017 ayant rejeté leurs requêtes dirigées contre les jugements, respectivement, du tribunal administratif de Caen et du tribunal administratif d'Orléans rejetant leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de ce redressement.

3. L'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, dispose : " I. les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprises exerçant une activité agricole ou industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 (...). La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique, dans les conditions prévues au vingt-sixième alinéa, aux investissements réalisés par une société soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés dont les actions sont détenues intégralement et directement par des contribuables, personnes physiques, domiciliées en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société. L'application de cette disposition est subordonnée au respect des conditions suivantes : (...) 3° La société réalisant l'investissement a pour objet exclusif l'acquisition d'investissements productifs en vue de la location au profit d'une entreprise située dans les départements ou collectivités d'outre-mer ".

4. L'article 1583 du code civil, la vente dispose, quant à lui : " est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ". Aux termes de l'article L.6121-2 du code des transports, " l'aéronef constitue une bien meuble pour l'application des règles fixées par le code civil. Toutefois, la cession de propriété est constatée par écrit et ne produit d'effet à l'égard des tiers que par son inscription au registre français d'immatriculation (...) ". Il résulte de ces dispositions que si la cession d'un aéronef n'est opposable aux tiers pour l'application de la réglementation de l'aviation civile qu'à compter de son inscription au registre français d'immatriculation des aéronefs, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de faire de cette inscription une condition de validité de la cession d'un aéronef qui est parfaite entre les parties dès que celles-ci ont convenu de la chose et du prix.

5. Aux termes de l'article L. 6111-1 du code des transports, " I. Un aéronef ne peut circuler que s'il est immatriculé ". Il résulte de ces dispositions que l'exploitation effective d'un aéronef est conditionnée à son enregistrement au registre français d'immatriculation des aéronefs.

6. Le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B cité au point 3 est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus.

7. La cour a jugé que faute d'enregistrement au registre français d'immatriculation des aéronefs de l'achat d'un hélicoptère le 30 décembre 2010, la société AE 1 Industries n'avait pas acquis la qualité de propriétaire de ce bien et que l'administration fiscale avait pu, pour ce motif, légalement refuser aux requérants le bénéfice de la réduction d'impôt prévue en faveur des investissements réalisés outre-mer en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Ce faisant, en déduisant d'une circonstance qui avait seulement pour effet de faire obstacle à ce que l'hélicoptère litigieux puisse être regardé comme un investissement productif au sens des dispositions précitées, faute de pouvoir faire l'objet d'une exploitation effective, que la société requérante n'avait pas la qualité de propriétaire qu'elle détenait pourtant dès l'accord sur le prix du bien vendu, la cour administrative d'appel de Nantes a entaché ses arrêts d'erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que les requérants sont fondés à demander l'annulation des arrêts qu'ils attaquent.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les requérants au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Nantes du 14 juin 2017 sont annulés.

Article 2 : Les affaires sont renvoyées devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : Les conclusions présentées par les requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Monsieur et Madame D...B..., à Monsieur et Madame A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 413429
Date de la décision : 12/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. RÉDUCTIONS ET CRÉDITS D`IMPÔT. - RÉDUCTION D'IMPÔT POUR LES CONTRIBUABLES INVESTISSANT DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER (ART. 199 UNDECIES B DU CGI) - 1) FAIT GÉNÉRATEUR - DATE DE CRÉATION DE L'IMMOBILISATION AU TITRE DE LAQUELLE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF A ÉTÉ RÉALISÉ OU DATE DE SA LIVRAISON EFFECTIVE - NOTION DE LIVRAISON EFFECTIVE - DATE À LAQUELLE L'ENTREPRISE PEUT COMMENCER L'EXPLOITATION EFFECTIVE DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF [RJ1] - 2) APPLICATION - ACQUISITION D'HÉLICOPTÈRES - DATE DE LIVRAISON EFFECTIVE - DATE D'ENREGISTREMENT AU REGISTRE FRANÇAIS D'IMMATRICULATION DES AÉRONEFS (ART. L. 6111-1 DU CODE DES TRANSPORTS) [RJ2].

19-04-01-02-05-03 1) Le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts (CGI) est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus.,,2) Il résulte des articles 1583 du code civil et L. 6121-2 du code des transports que si la cession d'un aéronef n'est opposable aux tiers pour l'application de la réglementation de l'aviation civile qu'à compter de son inscription au registre français d'immatriculation des aéronefs, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de faire de cette inscription une condition de validité de la cession d'un aéronef qui est parfaite entre les parties dès que celles-ci ont convenu de la chose et du prix.... ...Il résulte de l'article L. 6111-1 du code des transports que l'exploitation d'un aéronef est conditionnée à son enregistrement au registre français d'immatriculation des aéronefs.... ...Cour administrative d'appel jugeant que faute d'enregistrement au registre français d'immatriculation des aéronefs de l'achat d'un hélicoptère, la société requérante n'avait pas acquis la qualité de propriétaire de ce bien et que l'administration fiscale avait pu, pour ce motif, légalement refuser aux requérants le bénéfice de la réduction d'impôt prévue en faveur des investissements réalisés outre-mer en application de l'article 199 undecies B du CGI.... ...Ce faisant, la cour commet une erreur de droit dès lors, d'une part, que la société avait la qualité de propriétaire dès l'accord sur le prix des hélicoptères cédés et, d'autre part, qu'elle aurait dû déduire de cette absence d'enregistrement que l'hélicoptère litigieux ne pouvait être exploité, et par conséquent ne pouvait être regardé comme un investissement productif au sens de cet article.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 26 avril 2017,,, n° 398405, T. pp. 540-572.,,

[RJ2]

Cf., décision du même jour,,, n°s 415486 415487 415488 415491 415492, inédite au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 déc. 2018, n° 413429
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Pierre Ramain
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:413429.20181212
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