La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2018 | FRANCE | N°416403

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 19 novembre 2018, 416403


Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des décisions du 23 octobre 2017 par lesquelles le préfet du Nord a refusé d'enregistrer sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile et un dossier de demande d'asile et d'enjoindre au préfet de lui remettre une attestation de demande d'asile et un dossier de demande d'asile, dans un délai de vingt-quatre heures, sous astreinte de 150 euros par jou

r de retard.

Par une ordonnance n° 1709453 du 6 novembre 2017,...

Vu la procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution des décisions du 23 octobre 2017 par lesquelles le préfet du Nord a refusé d'enregistrer sa demande d'asile et de lui remettre une attestation de demande d'asile et un dossier de demande d'asile et d'enjoindre au préfet de lui remettre une attestation de demande d'asile et un dossier de demande d'asile, dans un délai de vingt-quatre heures, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 1709453 du 6 novembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 20 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros à verser à la SCP Ghestin, son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ghestin, avocat de Mme B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le 24 novembre 2016, MmeB..., ressortissante nigériane, a demandé au préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ; que la consultation de la base Visabio a révélé que Mme B...était entrée en France sous couvert d'un passeport nigérian revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités italiennes ; que, saisies le 17 février 2017 d'une demande de prise en charge en application du 4 de l'article 12 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, les autorités italiennes ont implicitement accepté, le 17 avril 2017, de reprendre en charge l'intéressée ; que, par arrêté du 23 août 2017, le préfet du Nord a décidé le transfert de Mme B...vers l'Italie et l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ; que le 22 septembre 2017, un plan de trajet et un laissez-passer ont été notifiés à l'intéressée ; que, par une lettre du même jour, le préfet du Nord a invité Mme B...à se rendre en préfecture pour retirer ses titres de transport ; que faute de s'être rendue à cette convocation et de s'être présentée en vue de son transfert le 5 octobre, Mme B...a été déclarée en fuite le 6 octobre 2017 ; que le 23 octobre 2017, Mme B...a demandé au préfet du Nord d'enregistrer sa demande d'asile dans le cadre de la procédure normale, ce qui lui a été refusé ; que Mme B...se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 6 novembre 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de ces décisions de refus ;

2. Considérant que, pour rejeter la demande de suspension dont il était saisi, le juge des référés a retenu que le législateur, en adoptant les dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a entendu organiser une procédure spéciale afin que le juge administratif statue rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers, hors la décision refusant le séjour et les mesures d'expulsion, lorsque ces derniers sont placés en rétention ou assignés à résidence et que cette procédure particulière est exclusive de celles prévues par le livre V du code de justice administrative, sauf à ce que les modalités selon lesquelles il est procédé à l'exécution d'une telle mesure d'éloignement forcé emportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l'intervention de cette mesure, excèdent ceux qui s'attachent normalement à sa mise à exécution ; que le juge des référés en a déduit que la demande de suspension présentée par Mme B...sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'était pas recevable ;

3. Considérant qu'en statuant ainsi, alors que les décisions dont Mme B...demandait la suspension de l'exécution ne présentaient pas le caractère de mesures relatives à l'éloignement d'un étranger placé en rétention ou assigné à résidence, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que Mme B...est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension au titre de la procédure de référé engagée par MmeB..., en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que, pour demander la suspension de l'exécution des décisions qu'elle conteste, Mme B...soutient qu'elles auraient été prises par une autorité incompétente ; qu'elles méconnaissent l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 et le droit d'asile, dans la mesure où le transfert vers l'Italie n'a pas été exécuté dans le délai de six mois et alors qu'elle ne pouvait être regardée comme étant en fuite au sens du règlement ; qu'aucun des ces moyens ne paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que Mme B...n'est pas fondée à demander la suspension des décisions qu'elle conteste ; que ses conclusions à fins d'injonction, de même que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 6 novembre 2017 est annulée.

Article 2 : La demande de suspension de Mme B...et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 416403
Date de la décision : 19/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 nov. 2018, n° 416403
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie-Caroline de Margerie
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP GHESTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:416403.20181119
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award