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24/10/2018 | FRANCE | N°413935

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 24 octobre 2018, 413935


Vu la procédure suivante :

La société danoise SimCorp A/S et la société SimCorp France ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la retenue à la source restant à la charge de la première au titre des années 2009 à 2011. Par une ordonnance du 7 janvier 2015, le vice-président du tribunal administratif de Montreuil a transmis la demande des sociétés SimCorp A/S et SimCorp France au tribunal administratif de Paris qui, par un jugement n° 1500214 du 5 mai 2016, a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16PA02125 du 3 juillet 201

7, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce j...

Vu la procédure suivante :

La société danoise SimCorp A/S et la société SimCorp France ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution de la retenue à la source restant à la charge de la première au titre des années 2009 à 2011. Par une ordonnance du 7 janvier 2015, le vice-président du tribunal administratif de Montreuil a transmis la demande des sociétés SimCorp A/S et SimCorp France au tribunal administratif de Paris qui, par un jugement n° 1500214 du 5 mai 2016, a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16PA02125 du 3 juillet 2017, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement par les sociétés SimCorp A/S et SimCorp France.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 septembre et 4 décembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés SimCorp A/S et SimCorp France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Simcorp A/s et de la société Simcorp France ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par déclarations souscrites en 2009, 2010 et 2011, la société SimCorp France a soumis à la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts les sommes qu'elle a versées à la société SimCorp A/S, située au Danemark, en rémunération de prestations que cette dernière avait réalisées à son profit au cours de ces trois années. La société SimCorp France s'est acquittée de cette retenue à la source à hauteur d'un montant total de 746 943 euros. Les deux sociétés ont sollicité en vain de l'administration fiscale la restitution d'un reliquat de 294 301 euros restant en litige après les remboursements partiels opérés par le service les 14 février et 25 septembre 2012 et le 14 octobre 2014. Les sociétés se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 3 juillet 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elles ont formé contre le jugement du 4 mai 2016 du tribunal administratif de Paris rejetant leur demande de restitution de ce reliquat.

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

3. Aux termes du paragraphe 11 de l'instruction administrative 14-B-2-10 du 29 juillet 2010 publiée au bulletin officiel des impôts n° 71 du 2 août 2010 dont le bénéfice est invoqué par les sociétés requérantes sur le fondement de l'article L. 80 A mentionné ci-dessus : " Ainsi, en matière d'impôt sur le revenu, les sommes visées à l'article 182 A perçues par des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l'application de la retenue à la source prévue par cet article. De même, lorsqu'elles sont payées par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés ne disposant pas en France d'installation professionnelle permanente, les sommes visées aux articles 182 A bis et 182 B sont soumises sans restriction à la retenue à la source prévue par ces articles, sous réserve des précisions apportées au point 20 ci-dessous ". Aux termes du paragraphe 20 de la même instruction : " Enfin, il est précisé que lorsqu'un contribuable résident du Danemark est imposé au titre des dispositions de l'article 182 B et apporte la preuve : / - que la mise en oeuvre des dispositions prévues à cet effet par la législation danoise ne lui a pas permis d'imputer l'intégralité de l'imposition subie en France sur l'impôt dû au Danemark, et / - qu'il a subi en France une imposition plus lourde que celle à laquelle il aurait été soumis s'il avait été résident de France et soumis à ce titre à une obligation fiscale illimitée, (y compris, le cas échéant, les contributions et prélèvements sociaux), / il peut demander par voie contentieuse le reversement de la fraction de l'impôt payé en France qui excède celui auquel il aurait été soumis s'il avait été résident de France. Ce remboursement est limité à la fraction non imputée sur l'impôt dû au Danemark ".

4. Il résulte de la lettre même du paragraphe 20 précité, qui institue par voie doctrinale un mécanisme destiné à permettre aux personnes établies au Danemark et ne disposant pas en France d'installation professionnelle permanente d'obtenir la restitution de la différence entre, d'une part, la retenue à la source à laquelle sont soumis, en application des dispositions de l'article 182 B du code général des impôts, depuis la dénonciation de la convention signée à Paris entre la France et le Danemark, le 8 février 1957 en vue d'éviter les doubles impositions en matières d'impôts sur les revenus et sur la fortune et de régler certaines questions en matière fiscale, certains de leurs revenus de source française et, d'autre part, le montant de l'imposition à laquelle les bénéfices retirés de la même activité auraient été soumis en France si elles avaient été résidentes de ce pays, qu'une telle restitution, qui intervient dans la limite de la fraction non imputée de la retenue à la source subie en France sur l'impôt dû au Danemark, est seulement subordonnée à la condition que la mise en oeuvre des dispositions prévues à cet effet par la législation danoise n'ait pas permis d'imputer l'intégralité de cette retenue à la source sur l'impôt dû au Danemark. Le droit à restitution ouvert par l'instruction n'est ainsi pas subordonné à la condition que les revenus de source française en cause fassent l'objet d'une imposition effective au Danemark. Par suite, en jugeant que les sociétés requérantes ne pouvaient se prévaloir du bénéfice de l'instruction du 29 juillet 2010 au motif que la société Simcorp A/S n'avait pas été soumise à l'impôt au Danemark à raison des bénéfices retirés de l'activité dont les rémunérations avaient subi en France la retenue à la source de l'article 182 B du code général des impôts, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, les sociétés requérantes sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme globale de 3 000 euros à la société Simcorp France et à la société Simcorp A/S au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 3 juillet 2017 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera la somme globale de 3 000 euros à la société Simcorp France et à la société Simcorp A/S au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Simcorp A/S, à la société Simcorp France et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 413935
Date de la décision : 24/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 24 oct. 2018, n° 413935
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Koutchouk
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:413935.20181024
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