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22/10/2018 | FRANCE | N°417922

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 22 octobre 2018, 417922


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février et 5 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 21 juin 2017 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII et a étendu cette interdiction aux autres fédérations sportiv

es agréées ;

2°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février et 5 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 21 juin 2017 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII et a étendu cette interdiction aux autres fédérations sportives agréées ;

2°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage une somme de 3 000 euros à verser à la SCP Potier de la Varde, Buk-Lament, Robillot, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du sport ;

- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2012-158 du 1er février 2012 ;

- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;

- l'ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010 ;

- l'ordonnance n° 2015-1207 du 30 septembre 2015 ;

- la décision n° 2017-688 QPC du 2 février 2018 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Louise Bréhier, auditrice,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de La Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de M.A..., et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 62 : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause " ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa du même article : " Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles " ;

2. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 62 de la Constitution que lorsque le Conseil constitutionnel, saisi sur le fondement de l'article 61-1, use du pouvoir que lui confèrent les dispositions de l'article 62 en déterminant, après avoir déclaré inconstitutionnelle une disposition législative, les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, il appartient au juge administratif, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition déclarée inconstitutionnelle, de les remettre en cause en écartant, pour la solution de ce litige, le cas échéant d'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une décision du 1er février 2017, l'organe disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de la Fédération française de rugby à XIII a infligé à M.A..., au vu des résultats d'un contrôle antidopage effectué le 30 octobre 2016, la sanction de l'interdiction de participer pendant six mois aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération ; que, sur le fondement du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport, le collège de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a décidé, le 22 mars 2017, de se saisir de sa propre initiative des faits relevés à l'encontre de M. A...; que, par une décision du 21 juin 2017, le collège de l'Agence a infligé à l'intéressé une sanction d'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII et par les autres fédérations sportives agréées ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 232-22 du code du sport : " En cas d'infraction aux dispositions des articles L. 232-9, L. 232-9-1, L. 232-10, L. 232-14-5, L. 232-15, L. 232-15-1 ou L. 232-17, l'Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction dans les conditions suivantes : / (...) 3° Elle peut réformer les décisions prises en application de l'article L. 232-21. Dans ces cas, l'agence se saisit, dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet, des décisions prises par les fédérations agréées " ;

5. Considérant que, par sa décision n° 2017-688 QPC du 2 février 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport ; que, s'il a reporté au 1er septembre 2018 la date de l'abrogation de ces dispositions et a décidé qu'il y avait lieu de juger que " pour préserver le rôle régulateur confié par le législateur à l'agence française de lutte contre le dopage jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 1er septembre 2018, le 3° de l'article L. 232-22 du code du sport impose à l'agence française de lutte contre le dopage de se saisir de toutes les décisions rendues en application de l'article L. 232-21 du même code postérieurement à la présente décision et de toutes les décisions rendues antérieurement à cette décision dont elle ne s'est pas encore saisie dans les délais légaux ", il a expressément jugé que " la déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans toutes les instances relatives à une décision rendue sur le fondement de l'article L. 232-21 dont l'agence s'est saisie en application des dispositions contestées et non définitivement jugées à la date de la présente décision " ;

6. Considérant que l'instance engagée par M. A...n'était pas définitivement jugée à la date de la décision du Conseil constitutionnel ; que M. A...peut dès lors, conformément à ce qu'a jugé le Conseil constitutionnel, se prévaloir de l'inconstitutionnalité des dispositions du 3° de l'article L. 232-22 du code du sport ; qu'il est en conséquence fondé à demander l'annulation de la décision de l'Agence française de lutte contre le dopage qu'il attaque, qui a été prise sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution ;

7. Considérant qu'en l'espèce, l'irrégularité des conditions dans lesquelles l'Agence française de lutte contre le dopage s'est saisie des manquements imputés à M. A...l'empêche de statuer à nouveau sur cette affaire ; que si les parties intéressées peuvent, en vertu de l'article L. 232-24 du code du sport, former un recours de pleine juridiction contre les décisions de l'Agence française de lutte contre le dopage prises en application de l'article L. 232-22 du même code, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'espèce, après avoir annulé pour irrégularité la décision de sanction prise par l'Agence française de lutte contre le dopage, de se substituer à cette Agence pour apprécier s'il y a lieu d'infliger à l'intéressé une sanction à raison des faits qui lui sont reprochés ;

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage une somme au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 21 juin 2017 de l'Agence française de lutte contre le dopage est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à l'Agence française de lutte contre le dopage.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 417922
Date de la décision : 22/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2018, n° 417922
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Bréhier
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:417922.20181022
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