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22/10/2018 | FRANCE | N°406746

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 22 octobre 2018, 406746


Vu la procédure suivante :

M. A...F..., M. H...B..., Mme E...C...et M. D... C...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les neuf arrêtés du 23 avril 2012 par lesquels le préfet de la région Picardie a accordé des permis de construire à la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois, sur le territoire de la commune de Régny, pour des éoliennes référencées E 01 puis E 03 à E 10. Par un jugement n° 1202933 du 12 novembre 2014, le tribunal administratif a annulé le permis de construire l'éolienne E 04 et rejeté le surplus des concl

usions.

Par un arrêt n° 15DA00141 du 10 novembre 2016, la cour administra...

Vu la procédure suivante :

M. A...F..., M. H...B..., Mme E...C...et M. D... C...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les neuf arrêtés du 23 avril 2012 par lesquels le préfet de la région Picardie a accordé des permis de construire à la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois, sur le territoire de la commune de Régny, pour des éoliennes référencées E 01 puis E 03 à E 10. Par un jugement n° 1202933 du 12 novembre 2014, le tribunal administratif a annulé le permis de construire l'éolienne E 04 et rejeté le surplus des conclusions.

Par un arrêt n° 15DA00141 du 10 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Douai a, sur appel de M. F...et autres, et sur appel incident de la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois, annulé ce jugement en tant qu'il annule le permis de construire l'éolienne E 04 et rejeté la requête de M. F...et autres.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 janvier, 10 avril et 28 septembre 2017, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. F...et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005 ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le décret n° 2012-4l du 12 janvier 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M. F...et autres et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par neuf arrêtés du 23 avril 2012, le préfet de la région Picardie a accordé des permis de construire en vue de l'édification d'éoliennes, référencées E 01 et E 03 à E 10, à la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois, sur le territoire de la commune de Régny. Par un jugement du 12 novembre 2014, le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de M. F...et autres, annulé le permis de construire l'éolienne E 04 et rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi. Par un arrêt du 10 novembre 2016, contre lequel M. F...et autres se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Douai a annulé ce jugement en tant qu'il a annulé le permis de construire l'éolienne E 04 et rejeté la requête de M. F...et autres.

Sur la compétence du préfet de région :

2. Le I de l'article 2 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements dispose que le préfet de région est le garant de la cohérence de l'action de l'Etat dans la région et qu'il a, sauf dans certaines matières, autorité sur les préfets de département. Il prévoit, en outre, que le préfet de région peut évoquer, par arrêté, et pour une durée limitée, tout ou partie d'une compétence à des fins de coordination régionale, les décisions correspondantes étant alors prises en lieu et place des préfets de département. Il résulte de ces dispositions qu'elles permettent aux préfets de région d'évoquer toute ou partie d'une compétence, en leur laissant une large marge d'appréciation pour déterminer les cas dans lesquels il leur paraît souhaitable, à des fins de coordination régionale, d'exercer cette prérogative.

3. La cour a relevé que, par un arrêté du 26 juillet 2010, le préfet de la région Picardie avait décidé de mettre en oeuvre ce pouvoir d'évocation pour les permis de construire des éoliennes, dans l'attente de l'approbation du schéma régional éolien, afin de ne pas compromettre le respect des objectifs régionaux fixés par le Gouvernement et d'assurer à l'échelle des départements de la région tant l'harmonisation de l'instruction des dossiers de demande que la cohérence des décisions correspondantes. En écartant, par ces appréciations souveraines exemptes de dénaturation, le moyen tiré de l'incompétence du préfet de la région Picardie, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.

Sur l'absence de consultation de communes limitrophes :

4. D'une part, aux termes du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, alors en vigueur : " Hors des zones de développement de l'éolien définies par le préfet, pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d'urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'urbanisme concernée ". L'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Dans le cas d'un projet éolien soumis à permis de construire et situé en dehors d'une zone de développement de l'éolien définie par le préfet, l'autorité compétente recueille, conformément aux dispositions prévues au XI de l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, l'avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme ou d'autorisations d'urbanisme limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet ".

5. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

6. En relevant, pour juger que l'absence de consultation de la commune d'Homblières, limitrophe du projet, n'avait pas privé les intéressés d'une garantie et avait été sans influence sur la décision prise, qu'il ne ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis ni que les autorités de cette commune ignoraient l'existence de ce projet, qui avait été soumis à enquête publique, ni qu'elles auraient émis un avis défavorable si elles avaient été saisies, la cour, par un arrêt suffisamment motivé sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur la consultation de l'autorité environnementale :

7. Tout justiciable peut, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives. En outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires.

8. La directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement vise à ce que l'autorisation de réaliser de tels projets ne soit accordée qu'après une évaluation des incidences notables sur l'environnement, réalisée sur la base d'informations appropriées. A cette fin, elle prévoit notamment, à son article 6 § 1, dans sa rédaction issue de la directive 97/11/CE du Conseil du 3 mars 1997, dont le délai de transposition a expiré le 14 mars 1999, que : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les autorités susceptibles d'être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d'environnement, aient la possibilité de donner leur avis sur les informations fournies par le maître d'ouvrage et sur la demande d'autorisation. À cet effet, les États membres désignent les autorités à consulter, d'une manière générale ou cas par cas. Celles-ci reçoivent les informations recueillies en vertu de l'article 5. Les modalités de cette consultation sont fixées par les États membres ".

9. Pour écarter le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués auraient été pris en méconnaissance de ces dispositions, la cour a jugé, d'une part, que si ces dispositions n'avaient pas été transposées en droit interne, elles n'étaient cependant pas précises et inconditionnelles et ne pouvaient, dès lors, être invoquées à l'encontre des arrêtés individuels attaqués et, d'autre part, qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que, en l'espèce, l'avis rendu par le préfet de la région Picardie, tel qu'il avait été préparé par la direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement de Picardie répondait aux objectifs de la directive.

10. D'une part, en raison de l'imprécision des dispositions invoquées de la directive, c'est sans erreur de droit que la cour a jugé qu'elles étaient dépourvues d'effet direct et que l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10 sur l'interprétation d'une autre directive était, en tout état de cause, sans incidence à cet égard.

11. D'autre part, toutefois, si, contrairement à ce qu'a jugé la cour, les dispositions en cause de la directive étaient transposées, à la date des arrêtés attaqués, par l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement, lequel, dans sa rédaction alors en vigueur, déterminait les autorités administratives de l'Etat compétentes en matière d'environnement pour rendre les avis requis sur les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine et fixait la procédure à suivre pour émettre ces avis, les dispositions de cet article étaient, en tout état de cause, incompatibles avec les objectifs de la directive en tant qu'elles désignaient le préfet de région comme autorité compétente pour émettre un avis, sans que soit prévu un dispositif propre à garantir que, notamment dans les cas où il était compétent pour autoriser les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, l'avis soit rendu par une entité, même interne, disposant d'une autonomie réelle à son égard. Toutefois, la cour ne pouvait déduire de cette illégalité celle des arrêtés attaqués sans rechercher, ainsi qu'elle l'a fait, si, dans l'espèce qui lui était soumise, l'avis tel qu'il avait été rendu répondait ou non aux objectifs de la directive. Par suite, la cour n'a pas commis l'erreur de droit reprochée par le pourvoi en ne déduisant pas de la seule circonstance que l'avis en cause avait été émis par le préfet de région une méconnaissance des objectifs de la directive mais en relevant, par une appréciation souveraine dont il n'est pas soutenu qu'elle serait entachée de dénaturation que, en l'espèce, l'avis tel qu'il avait été rendu répondait aux objectifs de la directive.

Sur la qualité de la société pétitionnaire :

12. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; / c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique ". En vertu du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code, dans sa rédaction en vigueur, la demande de permis de construire comporte " l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ". Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus. Sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Toutefois lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d'instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient dans ce cas seulement de refuser la demande de permis pour ce motif.

13. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'à la date de dépôt de la demande de permis de construire, Mme S. avait conclu avec la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois une convention, d'une durée de cinq ans, de mise à disposition d'une parcelle dont elle était propriétaire afin d'y mener des études et d'obtenir les autorisations portant sur l'installation d'une des éoliennes en litige, qui était assortie d'une promesse de bail. En jugeant que, en l'absence de fraude ou d'élément faisant apparaître que le pétitionnaire ne disposait d'aucun droit à déposer sa demande, il n'appartenait pas au préfet de remettre en question l'attestation de la société pétitionnaire pour une des éoliennes pour lesquelles elle sollicitait un permis de construire, la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

Sur l'étude d'impact :

14. Aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement, alors en vigueur : " 1. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec 1'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur 1'environnement. / II. L'étude d'impact présente successivement : / 1° Une analyse de 1'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; / 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur 1'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, 1'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur 1'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; / 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font 1'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; / 4° Les mesures envisagées par le maître de 1'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire el, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; / 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation (...) ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

15. D'une part, il ressort des termes mêmes de son arrêt que la cour a relevé que l'étude d'impact inclut une étude acoustique qui comporte une analyse approfondie de l'impact sonore du projet et conclut à l'existence d'un risque acoustique du champ éolien jugé probable à très probable et qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que l'imprécision ou la marge d'erreur susceptible de résulter de la méthode retenue pour évaluer cet impact serait telle qu'elle aurait nui à l'information complète du public ou été de nature à exercer une influence sur la décision du préfet. Elle a également relevé que, en tout état de cause, les mesures prévues par les articles R. 1334-32 et R. 1334-34 du code de la santé publique n'étaient pas, à la date de la décision attaquée, exigées par le code de l'environnement pour répondre aux exigences de l'étude d'impact. En jugeant ainsi, au terme d'une motivation précise et développée, que l'étude d'impact, dont elle a analysé précisément le contenu, était sur ce point suffisante, la cour n'a ni dénaturé les pièces du dossier ni méconnu les dispositions rappelées ci-dessus.

16. D'autre part, la cour a relevé que l'étude d'impact comporte une étude écologique détaillée qui traite des aspects relatifs à la flore et la faune et notamment ceux concernant les oiseaux et les chauves-souris. Elle a relevé, s'agissant, des oiseaux, que l'étude conclut que la zone, qui n'héberge aucune espèce d'intérêt patrimonial, ne présente qu'un intérêt ornithologique faible, tout en précisant que l'intérêt ornithologique s'élève à un niveau très fort si l'on prend en considération les abords de la zone d'étude, où se reproduisent certaines espèces dont la conservation au niveau local constitue un enjeu. Elle a relevé, s'agissant des chauves-souris, que l'étude indique que l'intérêt de la zone est relativement élevé en période estivale mais qu'il est relativement faible en période de migration et de transit et même faible en période d'hibernation. Elle a relevé, en outre, s'agissant des critiques formulées par les requérants concernant la méthodologie suivie, qu'elles ne permettaient pas de mettre en cause ces conclusions. En écartant au terme de cette analyse les moyens tirés de l'insuffisance et des omissions de l'étude d'impact, la cour, qui s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier exempte de dénaturation, n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 122-3 du code de l'environnement.

17. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'a pas refusé, par principe, de tenir compte des préconisations du guide de l'étude d'impact pour l'environnement des projets éoliens mis au point par l'administration et les recommandations de la société française d'études pour la protection des mammifères, mais s'est bornée à rappeler, sans méconnaître à cet égard son office, que ces documents étaient dépourvus de caractère normatif, tout en répondant de façon circonstanciée, ainsi qu'il a été dit, aux critiques formulées par les requérants quant à la méthodologie suivie.

Sur le respect des articles R. 111-15 et R. 111-21 du code de l'urbanisme :

18. D'une part, aux termes de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le permis (...) doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de 1'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour 1'environnement ". Pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet au regard des ces dispositions, la cour a notamment relevé qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que, si le projet litigieux était susceptible d'avoir des conséquences dommageables pour l'avifaune, celles-ci pouvaient être atténuées par certaines mesures de précaution et que les effets négatifs pour les chiroptères étaient peu importants et pouvaient être réduits par le déplacement d'une haie voisine des aérogénérateurs. En se prononçant ainsi, la cour a porté sur les faits en cause une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.

19. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou 1'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à 1'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet au regard des ces dispositions, la cour a notamment relevé que le site d'implantation s'insère dans une zone agricole dont le paysage naturel, sans être dépourvu de tout intérêt, comporte déjà un certain nombre de fermes éoliennes et qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que les installations projetées porteraient gravement atteinte au caractère ou à l'intérêt d'un site particulier ni qu'elles entreraient en covisibilité avec un monument remarquable, compte tenu des distances ainsi que de la configuration des lieux. En se prononçant ainsi, la cour a porté une appréciation souveraine sur les pièces du dossier exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. F...et autres doit être rejeté.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F...et autres la somme globale de 3 500 euros à verser à la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois, au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. F...et autres est rejeté.

Article 2 : M. F...et autres verseront à la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois, la somme globale de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...F..., premier requérant dénommé, pour l'ensemble des requérants, à la société Ferme éolienne du Saint-Quentinois, et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 406746
Date de la décision : 22/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - PORTÉE DES RÈGLES DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE - DIRECTIVES - ARRÊTÉ PRIS SUR LE FONDEMENT D'UN TEXTE TRANSPOSANT IRRÉGULIÈREMENT LES STIPULATIONS D'UNE DIRECTIVE - OBLIGATION DU JUGE - CONTRÔLE IN CONCRETO AU REGARD DES OBJECTIFS DE LA DIRECTIVE IRRÉGULIÈREMENT TRANSPOSÉE [RJ1].

15-02-04 Si les dispositions en cause de la directive étaient transposées, à la date des arrêtés attaqués, par l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement, lequel, dans sa rédaction alors en vigueur, déterminait les autorités administratives de l'Etat compétentes en matière d'environnement pour rendre les avis requis sur les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine et fixait la procédure à suivre pour émettre ces avis, les dispositions de cet article étaient, en tout état de cause, incompatibles avec les objectifs de la directive en tant qu'elles désignaient le préfet de région comme autorité compétente pour émettre un avis, sans que soit prévu un dispositif propre à garantir que, notamment dans les cas où il était compétent pour autoriser les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, l'avis soit rendu par une entité, même interne, disposant d'une autonomie réelle à son égard.... ,,Une cour ne peut toutefois déduire de cette illégalité celle des arrêtés attaqués sans rechercher si, dans l'espèce qui lui était soumise, l'avis tel qu'il avait été rendu répondait ou non aux objectifs de la directive. Par suite, ne commet pas d'erreur de droit une cour administrative d'appel ne déduisant pas de la seule circonstance que l'avis en cause avait été émis par le préfet de région une méconnaissance des objectifs de la directive mais en relevant, par une appréciation souveraine dont il n'est pas soutenu qu'elle serait entachée de dénaturation que, en l'espèce, l'avis tel qu'il avait été rendu répondait aux objectifs de la directive.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - ACTES CLAIRS - ARRÊTÉ PRIS SUR LE FONDEMENT D'UN TEXTE TRANSPOSANT IRRÉGULIÈREMENT LES STIPULATIONS D'UNE DIRECTIVE - OBLIGATION DU JUGE - CONTRÔLE IN CONCRETO AU REGARD DES OBJECTIFS DE LA DIRECTIVE IRRÉGULIÈREMENT TRANSPOSÉE [RJ1].

15-03-01 Si les dispositions en cause de la directive étaient transposées, à la date des arrêtés attaqués, par l'article R. 122-1-1 du code de l'environnement, lequel, dans sa rédaction alors en vigueur, déterminait les autorités administratives de l'Etat compétentes en matière d'environnement pour rendre les avis requis sur les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine et fixait la procédure à suivre pour émettre ces avis, les dispositions de cet article étaient, en tout état de cause, incompatibles avec les objectifs de la directive en tant qu'elles désignaient le préfet de région comme autorité compétente pour émettre un avis, sans que soit prévu un dispositif propre à garantir que, notamment dans les cas où il était compétent pour autoriser les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, l'avis soit rendu par une entité, même interne, disposant d'une autonomie réelle à son égard.... ,,Une cour ne peut toutefois déduire de cette illégalité celle des arrêtés attaqués sans rechercher si, dans l'espèce qui lui était soumise, l'avis tel qu'il avait été rendu répondait ou non aux objectifs de la directive. Par suite, ne commet pas d'erreur de droit une cour administrative d'appel en ne déduisant pas de la seule circonstance que l'avis en cause avait été émis par le préfet de région une méconnaissance des objectifs de la directive mais en relevant, par une appréciation souveraine dont il n'est pas soutenu qu'elle serait entachée de dénaturation que, en l'espèce, l'avis tel qu'il avait été rendu répondait aux objectifs de la directive.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - DÉNATURATION - MISE EN OEUVRE DU POUVOIR D'ÉVOCATION DU PRÉFET DE RÉGION (I DE L'ART - 2 DU DÉCRET N° 2004-374 DU 29 AVRIL 2004).

54-08-02-02-01-04 Le juge de cassation laisse à l'appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve de dénaturation, l'appréciation de la mise en oeuvre du pouvoir d'évocation du préfet de région prévu au I de l'article 2 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004.


Références :

[RJ1]

Rappr., s'agissant du contrôle in concreto, CE, Assemblée, 6 février 1998, Tête et autre, n°s 138777 147424 147415, p. 30 ;

CE, 27 juillet 2001, Compagnie générale des eaux, n° 229566, p. 406 ;

en cas d'absence de transposition d'une directive, CE, 6 juin 2007, Le réseau sortir du nucléaire, n° 292386, p. 242 ;

CE, 1er mars 2013, Roozen France et autres et CRIIAD, n°s 340859 340957, pp. 407-480-494-618-876.


Publications
Proposition de citation : CE, 22 oct. 2018, n° 406746
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence Franceschini
Rapporteur public ?: Mme Julie Burguburu
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:406746.20181022
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