Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1201331 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des sommes en droits et pénalités de 80 625 euros en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et de 24 278 euros en ce qui concerne les contributions sociales, a réduit les bases des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales de la somme de 5 240,30 euros au titre de l'année 2008, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à concurrence de cette réduction des bases d'imposition ainsi que celle des pénalités correspondantes, et a rejeté le surplus de la demande.
Par un arrêt n° 15NT01158 du 3 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. A...à hauteur de 1 295 euros en droits et pénalités et rejeté le surplus des conclusions.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 mars, 6 juin et 2 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Cytermann, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de M. A...;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 septembre 2018, présentée pour M. A... ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M.A..., l'administration fiscale a imposé, en tant que revenus d'origine indéterminée, au titre de l'année 2008, selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, des crédits figurant sur les relevés de ses comptes bancaires. Par un jugement du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions de la demande de M. A...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 ainsi que des pénalités correspondantes, réduit le montant des impositions restant à sa charge et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par un arrêt du 3 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer partiel et rejeté le surplus des conclusions de la requête. M. A...demande l'annulation de l'article 2 de cet arrêt.
2. Dans sa rédaction applicable à la procédure de rectification en litige, le troisième alinéa de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dispose que l'administration peut demander des justifications au contribuable " lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ". Lorsqu'elle entend comparer les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable au montant brut de ses revenus déclarés en vue d'établir l'existence d'indices de revenus dissimulés, l'administration n'est en droit d'user de cette procédure de demande de justifications à l'égard de ce contribuable qu'à la condition que les sommes ainsi portées au crédit de ses comptes équivalent au moins au double de ses revenus connus.
3. Dans ce cadre, l'administration peut se fonder sur les revenus figurant sur la déclaration des revenus que doit déposer le contribuable en vertu des articles 170 et suivants du code général des impôts, y compris sur des revenus nets lorsque celle-ci ne comporte pas d'information sur les revenus bruts. Dès lors, en jugeant que, pour le rachat de SICAV et d'un contrat d'assurance-vie, il y avait lieu de retenir au titre des revenus déclarés le montant porté sur la déclaration de revenus n° 2042 et non la somme versée lors de ces rachats, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. La circonstance qu'elle a indiqué que les revenus perçus à l'occasion du rachat d'une SICAV sont imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, alors qu'ils sont imposables en tant que plus-values, est sans incidence sur son raisonnement.
4. Une somme inscrite au crédit d'un compte bancaire ou d'un compte courant d'un contribuable en exécution d'un virement opéré depuis un autre compte bancaire ou compte courant retenu par l'administration pour sa comparaison ne peut constituer un indice de revenu dissimulé. Par suite, si l'administration n'est pas tenue de procéder à un examen critique préalable des crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable, ni, quand elle l'a fait, de se référer, comme terme de comparaison, aux seuls crédits dont l'origine n'est pas justifiée après le premier examen, elle doit neutraliser, afin de déterminer le montant total des crédits à prendre en compte pour procéder à cette comparaison, les virements de compte à compte de l'intéressé. En revanche, s'agissant des remises de chèques, l'administration n'est pas tenue de les extourner des crédits pris en compte, alors même que certaines remises de chèques correspondraient à des versements de compte à compte, dès lors qu'une telle exclusion nécessiterait une analyse critique des relevés bancaires. Par suite, alors qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la seule lecture des relevés bancaires ne permettait pas de savoir si la somme de 25 000 euros provenait de remises de chèques émanant de comptes de M.A..., la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que cette somme pouvait être prise en compte dans le montant des crédits bancaires afin de déterminer si une demande de justifications pouvait être adressée au contribuable.
5. Toutefois, le montant mentionné au crédit d'un compte bancaire ou d'un compte courant d'un contribuable qui correspond au prix de la cession d'un immeuble ayant fait l'objet d'une déclaration à l'administration fiscale ne peut constituer l'indice d'un revenu dissimulé. Par suite, quand, en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, l'administration compare les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable au montant brut de ses revenus déclarés pour établir si des indices de revenus dissimulés l'autorisent à demander à l'intéressé des justifications, il lui incombe de ne prendre en compte ni ce montant ni la plus-value éventuellement réalisée par le contribuable dans aucun des deux termes de la comparaison.
6. Aux termes du III de l'article 150 VG du code général des impôts : " Lorsque la plus-value est exonérée en application du II des articles 150 U et 150 UA ou par l'application de l'abattement prévu au I de l'article 150 VC ou lorsque la cession ne donne pas lieu à une imposition, aucune déclaration ne doit être déposée sauf dans le cas où l'impôt sur le revenu afférent à la plus-value en report d'imposition est dû. L'acte de cession soumis à la formalité fusionnée ou présenté à l'enregistrement précise, sous peine de refus de dépôt ou de la formalité d'enregistrement, la nature et le fondement de cette exonération ou de cette absence de taxation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si la plus-value résultant d'une cession d'immeuble légalement exonérée n'a pas à être déclarée dans la déclaration de revenus, l'administration fiscale en est toutefois informée dans le cadre de la formalité fusionnée ou de l'enregistrement.
7. S'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la cour a jugé à bon droit que l'administration n'avait pas à tenir compte, dans les revenus déclarés, de la plus-value réalisée lors de la cession du bien immobilier situé à Fougères le 5 décembre 2008, elle a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si le prix de la cession avait été par ailleurs extourné des crédits figurant sur les comptes bancaires du contribuable.
8. Il résulte de ce qui précède que, pour ce motif, M. A...est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'il attaque, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi.
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 de l'arrêt du 3 novembre 2016 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.