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12/09/2018 | FRANCE | N°419092

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 12 septembre 2018, 419092


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. C... D...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 17MA00507 du 18 janvier 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du e) de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme.

Vu :
r>- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonn...

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. C... D...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt n° 17MA00507 du 18 janvier 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du e) de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'urbanisme, notamment son article L. 111-12 ;

- la décision n° 373898 du 3 février 2017 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cyrille Beaufils, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. D...;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. En posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition législative contestée.

2. Aux termes de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme. Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables : (...) / e) Lorsque la construction a été réalisée sans permis de construire ; / (...) ". Il résulte de ces dispositions, aujourd'hui reprises à l'article L. 421-9 du même code, dans la portée que lui donne la jurisprudence du Conseil d'Etat, que peuvent bénéficier de la prescription administrative ainsi définie les travaux réalisés, depuis plus de dix ans, lors de la construction primitive ou à l'occasion des modifications apportées à celle-ci, sous réserve qu'ils n'aient pas été réalisés sans permis de construire en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables. A la différence des travaux réalisés depuis plus de dix ans sans permis de construire, alors que ce dernier était requis, peuvent bénéficier de cette prescription ceux réalisés sans déclaration préalable. Le requérant soutient que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de propriété protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, dès lors qu'elles ont pour effet de priver une personne ayant acquis un immeuble, lorsque ce dernier a fait l'objet, depuis plus de dix ans, de travaux effectués sans le permis de construire requis, de la possibilité de lui apporter des modifications. Il fait valoir qu'un propriétaire placé dans une telle situation se voit privé de jouir pleinement de son bien du fait d'agissements dont il n'est pas responsable et dont il ne pouvait raisonnablement avoir connaissance.

3. Le droit de propriété implique le droit de jouir et de disposer librement de ses biens dans la mesure où il n'en est pas fait un usage prohibé par les lois ou les règlements qui l'encadrent. Les restrictions apportées par les dispositions relatives aux règles d'urbanisme aux conditions d'exercice du droit de propriété, qui conduisent notamment à soumettre la réalisation de certains travaux à une déclaration préalable ou à un permis de construire, sont justifiées par l'intérêt général qui s'attache à la maîtrise de l'occupation des sols et du développement urbain. En prévoyant qu'une demande d'autorisation d'urbanisme tendant à la modification d'une construction existante ne peut être rejetée au seul motif que cette construction aurait fait l'objet de travaux réalisés irrégulièrement, si ces travaux sont achevés depuis plus de dix ans, le législateur a donc apporté à ces restrictions une dérogation favorable à l'exercice du droit de propriété. En n'étendant pas cette dérogation aux irrégularités les plus graves, c'est-à-dire à celles qui concernent des travaux réalisés sans permis de construire, il n'a, eu égard à l'objectif d'intérêt général poursuivi, pas porté au droit de propriété une atteinte disproportionnée.

4. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions du e) du I de l'article L. 111-12 du code de l'urbanisme portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.D....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... D..., au Premier ministre, au ministre de la cohésion des territoires et à Mme B...A....

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 419092
Date de la décision : 12/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 sep. 2018, n° 419092
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Cyrille Beaufils
Rapporteur public ?: Mme Julie Burguburu
Avocat(s) : SCP SPINOSI, SUREAU ; SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:419092.20180912
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