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02/08/2018 | FRANCE | N°416217

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 02 août 2018, 416217


Vu la procédure suivante :

Mme C...B..., épouseA..., a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 juillet 2016 du sous-préfet de Nogent-sur-Marne refusant d'échanger son permis de conduire algérien contre un permis de conduire français ainsi que la décision du 30 août 2016 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1608425 du 23 mai 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 4

décembre 2017 et 5 mars et 3 juillet 2018, Mme A...demande au Conseil d'Etat...

Vu la procédure suivante :

Mme C...B..., épouseA..., a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 juillet 2016 du sous-préfet de Nogent-sur-Marne refusant d'échanger son permis de conduire algérien contre un permis de conduire français ainsi que la décision du 30 août 2016 rejetant son recours gracieux. Par un jugement n° 1608425 du 23 mai 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 4 décembre 2017 et 5 mars et 3 juillet 2018, Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la route ;

- le décret n° 2016-347 du 22 mars 2016 ;

- l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen ;

- la loi n° 91- 647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de MmeA....

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3. Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé des transports, après avis du ministre de la justice, du ministre de l'intérieur et du ministre chargé des affaires étrangères (...) " ; qu'aux termes du III de l'article R. 221-1 du même code dans sa rédaction issue du décret du 22 mars 2016, reprenant des dispositions qui figuraient auparavant à l'article R. 222-1 : " On entend par " résidence normale" le lieu où une personne avait demeure habituellement, c'est-à-dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d'attaches personnelles ou d'attaches professionnelles (...) " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012 pris pour l'application de ces dispositions, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.- Pour être échangé contre un titre français, tout permis de conduire délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit répondre aux conditions suivantes : / A.- Avoir été délivré au nom de l'Etat dans le ressort duquel le conducteur avait alors sa résidence normale, sous réserve qu'il existe un accord de réciprocité entre la France et cet Etat conformément à l'article R. 222-1 du code de la route. / (...) - II. En outre son titulaire doit: / (...) D.- Apporter la preuve de se résidence normale au sens du quatrième alinéa de l'article R. 222-1 du code de la route sur le territoire de l'Etat de délivrance, lors de celle-ci, en fournissant tout document approprié présentant des garanties d'authenticité. (...) / Entre autres documents permettant d'établir la réalité de cette de cette résidence normale, il sera tenu compte, pour les Français, de la présentation d'un certificat d'inscription ou de radiation sur le registre des Français établis hors de France délivré par le consulat français territorialement compétent (...). / Pour les ressortissants français qui possèdent également la nationalité de l'Etat qui a délivré le permis de conduire présenté pour échange, la preuve de cette résidence normale, à défaut de pouvoir être apportée par les documents susmentionnés, sera établie par tout document probant et présentant des garanties d'authenticité " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, pour demander l'annulation de la décision du 5 juillet 2016, confirmée sur recours gracieux le 30 août suivant, par laquelle le sous-préfet de Nogent-sur-Marne a refusé l'échange de son permis de conduire algérien, obtenu le 3 juillet 2005 et renouvelé le 3 octobre 2012, contre un permis de conduire français, MmeA..., qui possède la double nationalité française et algérienne, a fait valoir qu'elle avait résidé en Algérie de façon ininterrompue depuis sa naissance en 1981 jusqu'au 31 janvier 2015, date de sa première entrée sur le territoire français après l'obtention d'un certificat de nationalité française le 4 mars 2014, et qu'ainsi elle remplissait, lors de la délivrance du permis en cause, la condition de résidence normale posée par les dispositions précitées ; qu'à l'appui de cette affirmation, elle a produit notamment la copie de son diplôme de comptabilité obtenu en Algérie le 11 juin 2005, celle de son livret de famille mentionnant son mariage à Tizi-Ouzou le 31 décembre 2008 et la naissance de ses deux enfants en 2009 et 2013, ainsi qu'une attestation du consulat de France mentionnant sa résidence à Tizi-Ouzou en 2014 et 2015 ; qu'aucun élément du dossier ne remettait en cause le caractère probant et l'authenticité de l'ensemble de ces pièces ni ne suggérait que MmeA... aurait séjourné sur le territoire français avant l'année 2015 ; que dans ces conditions, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant que la requérante n'apportait pas la preuve qu'elle avait obtenu son permis de conduire au cours d'une période de résidence habituelle en Algérie ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A...est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, Mme A... justifie de façon suffisamment probante avoir obtenu son permis de conduire à une date où elle avait sa résidence normale en Algérie ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du sous-préfet de Nogent-sur-Marne des 5 juillet et 30 août 2016 ;

6. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MmeA..., sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 23 mai 2017 et les décisions des 5 juillet et 30 août 2016 du sous-préfet de Nogent-sur-Marne sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme A..., la somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme C...B..., épouseA..., et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 416217
Date de la décision : 02/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 aoû. 2018, n° 416217
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alain Seban
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois De Sarigny
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:416217.20180802
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