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26/07/2018 | FRANCE | N°419375

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 26 juillet 2018, 419375


Vu la procédure suivante :

La société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare (SOAVAL) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'enjoindre, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à la Cordonnerie SL de libérer l'emplacement R 74 C appartenant au domaine public ferroviaire de la gare Saint-Lazare qu'elle occupe illégalement, sous astreinte de 600 euros par jour de retard, et de l'autoriser à y procéder d'office, au besoin avec le concours de la force publique. Par une ordonnance n° 1802992 du 13 ma

rs 2018, le juge des référés a rejeté cette demande.

Par un pourvo...

Vu la procédure suivante :

La société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare (SOAVAL) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'enjoindre, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à la Cordonnerie SL de libérer l'emplacement R 74 C appartenant au domaine public ferroviaire de la gare Saint-Lazare qu'elle occupe illégalement, sous astreinte de 600 euros par jour de retard, et de l'autoriser à y procéder d'office, au besoin avec le concours de la force publique. Par une ordonnance n° 1802992 du 13 mars 2018, le juge des référés a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 mars, 16 avril et 18 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la société Cordonnerie SL la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Cordonnerie SL ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare a, le 26 janvier 2012, conclu avec la société Cordonnerie SL une convention autorisant cette dernière à occuper, pour une durée de six ans, le commerce R 74 C au sein de l'espace commercial situé dans la gare Saint-Lazare à Paris. La société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'enjoindre, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, à la société Cordonnerie SL, au motif qu'elle l'occupe illégalement, de libérer l'emplacement R 74 C appartenant au domaine public ferroviaire de la gare Saint-Lazare, sous astreinte de 600 euros par jour de retard et de l'autoriser à y procéder d'office, au besoin avec le concours de la force publique. La société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 13 mars 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ".

3. Si le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges nés du contrat de droit privé passé entre une personne privée occupante du domaine public, qui n'est pas délégataire de service public ou qui n'agit pas pour le compte d'une personne publique, et une autre personne privée, même si ce contrat comporte occupation du domaine public, il n'appartient qu'au juge administratif de se prononcer sur les demandes par lesquelles le propriétaire ou le gestionnaire du domaine public lui demande l'expulsion de l'occupant irrégulier de ce domaine, quelle que soit la nature du titre dont cet occupant était le cas échéant titulaire et qui, antérieurement à son extinction, en permettait l'occupation régulière.

4. Pour rejeter la demande de la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a relevé que le contrat conclu entre cette société et la société Cordonnerie SL était de droit privé et que la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare ne produisait pas les pièces, notamment la convention conclue le 8 juillet 2008 avec la SNCF, permettant d'établir qu'elle aurait la qualité de gestionnaire des espaces commerciaux de la gare Saint-Lazare et qu'elle serait habilitée à procéder à la libération des commerces mis à disposition des exploitants. En statuant ainsi, alors que l'emplacement occupé par la société Cordonnerie SL, compris dans l'enceinte de la gare Saint-Lazare, appartient au domaine public ferroviaire, et que la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare sollicitait l'expulsion de cette société en soutenant qu'elle occupait irrégulièrement le domaine public, le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi d'une demande n'échappant pas manifestement à la compétence du juge administratif, a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que la SOAVAL est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la SOAVAL en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 4, il appartient au juge administratif de se prononcer sur la demande par laquelle le propriétaire ou le gestionnaire de l'emplacement R 74 C, appartenant au domaine public ferroviaire, lui demande, au motif de son occupation irrégulière, de prononcer l'expulsion de la société Cordonnerie SL.

8. Il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation de SNCF Mobilités du 16 février 2018, dont les termes ne sont pas sérieusement contestés par la société Cordonnerie SL, que la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare, en vertu d'une convention conclue le 8 juillet 2008 avec la SNCF, telle que modifiée par l'avenant n° 2 du 15 novembre 2013, est chargée de la commercialisation et de la gestion des surfaces commerciales existantes ou construites dans la gare Saint-Lazare, et qu'en vertu de l'article 10.1 de cette convention, elle a pour mission la commercialisation des commerces, la signature des contrats de sous-occupation, la gestion des commerces comprenant la facturation et le recouvrement des créances, le suivi administratif de l'exploitation commerciale, la prise en charge de toutes les obligations et de tous frais relatifs à cette exploitation et à cette gestion, et le contrôle de l'application et du respect des obligations contractuelles par les exploitants. Il résulte de ces stipulations, alors même qu'elles prévoient également que la SNCF a le pouvoir de délivrer un agrément aux exploitants choisis, que la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare a pour mission d'assurer la gestion des surfaces commerciales de la gare Saint-Lazare, comprenant l'emplacement R 74 C, et qu'elle dispose, à cette fin, du pouvoir d'accorder sur ce domaine des autorisations d'occupation. La société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare justifie ainsi de sa qualité de gestionnaire du domaine public. Elle est par suite recevable à demander l'expulsion de la société Cordonnerie SL.

9. Il résulte de l'instruction que la convention conclue le 26 janvier 2012 entre la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare et la société Cordonnerie SL avait pris effet, en vertu de son article 2.B, le 6 février 2012, date à laquelle l'emplacement en litige a été mis à la disposition de la société Cordonnerie SL. La circonstance que la société Cordonnerie SL n'a ouvert son commerce au public qu'ultérieurement est sans incidence sur la date d'effet de la convention, qui n'a pas été modifiée sur ce point par l'avenant conclu le 26 octobre 2012. Cette convention a, en l'absence de reconduction, expiré au terme des six ans prévus par son article 2.L, soit le 6 février 2018. La société Cordonnerie SL occupe irrégulièrement, depuis cette date, l'emplacement R 74 C.

10. Il résulte de l'instruction que le maintien dans les lieux de la société Cordonnerie SL, en empêchant l'installation dans l'emplacement R 74 C de la société Les Cireurs, qui a signé un contrat de sous-occupation avec la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare, fait obstacle à l'utilisation normale du domaine public par ce nouvel occupant. La société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare justifie ainsi de l'urgence à obtenir l'expulsion de la société Cordonnerie SL, ainsi que de l'utilité de cette mesure.

11. Si la société Cordonnerie SL fait valoir qu'elle n'a pu, en raison de la durée des travaux, ouvrir son commerce que le 11 mai 2012, cette circonstance ne saurait permettre de regarder la demande d'expulsion comme se heurtant à une contestation sérieuse.

12. Il y a dès lors lieu d'enjoindre à la société Cordonnerie SL de libérer l'emplacement R 74 C situé dans la gare Saint-Lazare, qu'elle occupe irrégulièrement, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision et sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé ce délai. Dès lors, en revanche, qu'il n'entre pas dans l'office du juge administratif d'autoriser la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare à demander à l'Etat, sur le fondement du code des procédures civiles d'exécution, le concours de la force publique pour l'exécution de la présente décision, les conclusions sur ce point de la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare ne peuvent qu'être rejetées.

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Cordonnerie SL la somme de 2 000 euros à verser à la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance n° 1802992 du 13 mars 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la société Cordonnerie SL de libérer l'emplacement R 74 C situé dans la gare Saint-Lazare, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : La société Cordonnerie SL versera à la SOAVAL la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SOAVAL est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la société Cordonnerie SL présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Société d'aménagement et de valorisation de la gare Saint-Lazare et à la société Cordonnerie SL.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 419375
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2018, n° 419375
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Gariazzo
Rapporteur public ?: M. Romain Victor
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:419375.20180726
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