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26/07/2018 | FRANCE | N°403009

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 26 juillet 2018, 403009


Vu la procédure suivante :

La société Valeo Systèmes Thermiques a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, à concurrence des sommes respectives de 205 000 euros et de 295 000 euros, des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles des communes de Nogent-le-Rotrou et de Margon (Eure-et-Loir). Par un jugement nos 1102426, 1102472 du 5 avril 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 12NT01489 du 27 février 2014, la cour administrative d

'appel de Nantes, saisie par la société Valeo Systèmes Thermiques, a annulé ...

Vu la procédure suivante :

La société Valeo Systèmes Thermiques a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, à concurrence des sommes respectives de 205 000 euros et de 295 000 euros, des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles des communes de Nogent-le-Rotrou et de Margon (Eure-et-Loir). Par un jugement nos 1102426, 1102472 du 5 avril 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 12NT01489 du 27 février 2014, la cour administrative d'appel de Nantes, saisie par la société Valeo Systèmes Thermiques, a annulé ce jugement et prononcé la décharge des impositions litigieuses.

Par une décision n° 380365 du 30 décembre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes.

Par un arrêt nos 16NT00032, 16NT00050 du 7 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Valeo Systèmes Thermiques contre le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 5 avril 2012.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août et 1er décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Valeo Systèmes Thermiques demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 ;

- le décret n° 2007-1888 du 26 décembre 2007 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Gabrielle Merloz, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Valeo Systèmes Thermiques.

Considérant ce qui suit :

1. La société Valeo Systèmes Thermiques, qui exerce l'activité d'équipementier automobile, est assujettie à la taxe professionnelle pour les deux établissements qu'elle exploite en Eure-et-Loir dans les communes de Nogent-le-Rotrou et Margon. Par deux réclamations du 21 décembre 2010, la société requérante a demandé à bénéficier au titre de l'année 2009, pour chacun de ses établissements, du crédit d'impôt de taxe professionnelle prévu à l'article 1647 C sexies du code général des impôts au profit des redevables de cette taxe installés dans certaines zones d'emploi reconnues en grande difficulté et exerçant une activité industrielle ou de services. Ces réclamations ayant été rejetées, la société Valeo Systèmes Thermiques a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande de décharge des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 à concurrence des sommes de 205 000 et 295 000 euros dans les rôles des communes de Nogent-le-Rotrou et de Margon. Par un jugement du 5 avril 2012, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes, mais, par un arrêt du 27 février 2014, la cour administrative d'appel de Nantes, saisie en appel, a prononcé la décharge des cotisations de taxe professionnelle en litige. Par une décision n° 380365 du 30 décembre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics, a toutefois annulé cet arrêt du 27 février 2014 et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nantes. La société Valeo Systèmes Thermiques se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 juillet 2016 par lequel la cour a rejeté sa demande de décharge partielle des cotisations de taxe professionnelle mises à sa charge au titre de l'année 2009.

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre :

2. Le ministre de l'action et des comptes publics indique qu'il entend " renoncer au bénéfice de la chose jugée " par l'arrêt du 7 juillet 2016 de la cour administrative d'appel de Nantes contre lequel la société Valeo Systèmes Thermiques se pourvoit en cassation et demande en conséquence qu'un non-lieu soit prononcé. Toutefois, il précise que les impositions litigieuses n'ont pas fait l'objet d'un dégrèvement. Par suite, le litige conserve un objet et les conclusions à fin de non-lieu ne peuvent être accueillies.

Sur le pourvoi :

3. Aux termes de l'article 1647 C sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " I. - Les redevables de la taxe professionnelle et les établissements temporairement exonérés de cet impôt (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt, pris en charge par l'Etat et égal à 1 000 euros par salarié employé depuis au moins un an au 1er janvier de l'année d'imposition dans un établissement affecté à une activité mentionnée au premier alinéa de l'article 1465 et situé dans une zone d'emploi reconnue en grande difficulté au regard des délocalisations au titre de la même année. / (...) / IV. Le crédit d'impôt s'applique (...) dans les limites prévues par le règlement (CE) n° 69/2001 de la Commission du 12 janvier 2001 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis. / N'ouvrent pas droit au crédit d'impôt les emplois situés dans les établissements où est exercée à titre principal une activité relevant de l'un des secteurs suivants, définis selon la nomenclature d'activités française de l'Institut national de la statistique et des études économiques : construction automobile, construction navale, fabrication de fibres artificielles ou synthétiques et sidérurgie. (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 dont elles sont issues, que les secteurs d'activité exclus du bénéfice du crédit d'impôt qu'elles prévoient l'ont été pour respecter les règles édictées par la Commission européenne en matière d'aides d'Etat.

4. La communication de la Commission européenne intitulée " Encadrement communautaire des aides d'Etat dans le secteur automobile (97/C 279/01) " publiée au Journal officiel des Communautés européennes C 279 du 15 septembre 1997, applicable lors de l'année d'imposition en litige, définit le " secteur automobile " comme incluant " le développement, la fabrication et le montage de " véhicules automobiles ", de " moteurs " pour véhicules automobiles et de " modules ou sous-systèmes " pour ces véhicules ou moteurs, directement par un constructeur ou par un " équipementier de premier rang ", et, dans ce dernier cas uniquement, dans le cadre d'un " projet global " ".

5. Pour rejeter l'appel de la société Valeo Systèmes Thermiques, la cour administrative d'appel de Nantes a relevé que les dispositions de l'article 1647 C sexies du code général des impôts renvoient, pour la détermination du périmètre des secteurs exclus du bénéfice du crédit d'impôt qu'elles prévoient, au nombre desquels figure le secteur de la " construction automobile ", à la nomenclature de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qui comportait, dans sa version applicable en 2009 annexée au décret du 26 décembre 2007 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits françaises, une division 29 intitulée " Industrie automobile ", elle-même composée des groupes 29.1 " Construction de véhicules automobiles ", 29.2 " Fabrication de carrosseries et remorques " et 29.3 " Fabrication d'équipements automobiles " ainsi qu'une sous-classe 28.11 Z de la division 28 qui concerne notamment " (...) - la fabrication de pistons, segments de piston, carburateurs pour tous types de moteurs à combustion interne / - la fabrication de soupapes d'admission et d'échappement pour moteurs à combustion interne (...) ". Il résulte de ce qui est dit aux points 3 et 4 ci-dessus que la cour, en jugeant que la notion de " construction automobile " telle qu'elle est mentionnée à l'article 1647 C sexies du code général des impôts et détaillée par la nomenclature d'activités française de l'INSEE est claire, et en omettant par suite de rechercher si la société Valeo Systèmes Thermiques pouvait être qualifiée, au sens de la communication de la Commission précitée, d'équipementier de premier rang produisant des modules ou sous-systèmes pour les véhicules automobiles dans le cadre d'un projet global, a commis une erreur de droit. La société requérante est dès lors fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

Sur les demandes de la société Valeo Systèmes Thermiques :

7. Aux termes de la communication de la Commission intitulée " Encadrement communautaire des aides d'Etat dans le secteur automobile (97/C 279/01) " : " Par " équipementier de premier rang ", il faut entendre un fournisseur indépendant ou non d'un constructeur, qui partage la responsabilité de l'étude et du développement (les études et le développement de produits ont souvent lieu sur des plateaux de projet du constructeur), et qui fabrique, monte et/ou fournit à des industriels du secteur automobile dans les phases de fabrication ou de montage, des sous-ensembles ou modules. Ce partenaire industriel est souvent lié au constructeur par un contrat d'une durée proche de la durée de vie du modèle (jusqu'à un recyclage par exemple). Un équipementier de premier rang peut également fournir des services, en particulier de nature logistique, comme la gestion d'un centre d'approvisionnement " et : " Un constructeur peut intégrer sur le site même de son investissement ou dans un ou plusieurs parcs industriels situés dans une certaine proximité géographique (cette proximité pourrait, entre autres, être manifestée par l'existence d'un lien fixe (ligne automatisée de convoyage, par exemple) permettant la livraison de modules directement dans l'usine automobile) un ou des projets d'équipementiers de premier rang destinés à lui assurer la livraison de modules ou sous-systèmes pour véhicules ou les moteurs visés par son projet. Par " projet global ", il faut entendre l'ensemble de ces projets. / Le projet global s'étend sur une durée équivalente à la durée du projet d'investissement du constructeur automobile. / Pour que l'investissement d'un équipementier de premier rang s'intègre dans la définition d'un projet global, il faut que la moitié au moins de la production résultant de cet investissement soit livrée au constructeur concerné dans l'usine en cause ".

8. Il résulte de l'instruction que les établissements de Nogent-le-Rotrou et de Margon qu'exploitait en 2009 la société Valeo Systèmes Thermiques abritaient exclusivement des activités de production de sous-ensembles ou modules, à l'exclusion de toute activité d'étude ou de développement. En outre, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait été liée à un constructeur par un contrat d'une durée proche de la durée de vie d'un modèle, ni que les établissements en cause aient été intégrés sur le site d'un constructeur ou aient été situés dans une quelconque proximité géographique avec un tel site, alors qu'aucun constructeur de véhicules automobiles, au sens du groupe 29.1 " Construction de véhicules automobiles " de la nomenclature d'activités française de l'INSEE, n'était présent dans le département de l'Eure-et-Loir. Dans ces conditions, la société Valeo Systèmes Thermiques ne peut être qualifiée, au sens de la communication de la Commission citée au point 7 ci-dessus, d'équipementier de premier rang produisant des modules ou sous-systèmes pour les véhicules automobiles dans le cadre d'un projet global. Par suite, elle avait droit, au titre des emplois situés dans ces deux établissements, au bénéfice du crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 1647 C sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige.

9. Il résulte de ce qui précède que la société Valeo Systèmes Thermiques est fondée à demander la décharge des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Valeo Systèmes Thermiques au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 7 juillet 2016 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 5 avril 2012 du tribunal administratif d'Orléans sont annulés.

Article 2 : La société Valeo Systèmes Thermiques est déchargée, à concurrence des sommes respectives de 205 000 euros et de 295 000 euros, des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles des communes de Nogent-le-Rotrou et de Margon (Eure-et-Loir).

Article 3 : L'Etat versera à la société Valeo Systèmes Thermiques la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Valeo Systèmes Thermiques et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 403009
Date de la décision : 26/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 jui. 2018, n° 403009
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:403009.20180726
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