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18/07/2018 | FRANCE | N°420870

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 18 juillet 2018, 420870


Vu la procédure suivante :

Par des mémoires, enregistrés les 28 mai et 2 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Camaïeu International demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite rejetant sa demande d'abrogation du sixième alinéa de l'article R. 242-1 du code de la sécurité sociale, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garanti

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Vu la procédure suivante :

Par des mémoires, enregistrés les 28 mai et 2 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Camaïeu International demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite rejetant sa demande d'abrogation du sixième alinéa de l'article R. 242-1 du code de la sécurité sociale, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 de ce code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Camaïeu International.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juillet 2018, présentée pour la société Camaïeu International.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Le premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dispose que : " Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dues pour les périodes au titre desquelles les revenus d'activité sont attribués, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail (...) ".

3. En premier lieu, la société requérante soutient que ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de cassation en vertu d'une jurisprudence constante, de laquelle il résulte que l'employeur qui n'a pas versé les sommes dues à un salarié à titre de rémunération au sens de cet article ne peut se prévaloir de ce manquement à ses obligations pour s'acquitter de cotisations qui seraient calculées sur une assiette correspondant aux seules rémunérations effectivement versées, méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques et portent atteinte au droit de propriété. Toutefois, en ce qu'elles ne permettent pas à l'employeur qui n'a pas versé au salarié les rémunérations qu'il lui doit de s'exonérer aussi, pour ce motif et tant que le salarié n'aurait pas fait valoir sa créance, des cotisations de sécurité sociale afférentes, dues à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, ces dispositions, ainsi interprétées, contribuent à préserver l'égalité entre les employeurs, qu'ils aient ou non effectivement versé les rémunérations dues à leurs salariés. Elles ne sauraient ainsi être regardées comme créant, faute de prendre en compte les facultés contributives des employeurs, une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Dès lors, en outre, que ces mêmes cotisations ne peuvent être regardées comme demeurant.la propriété de l'employeur jusqu'à ce que le salarié ait fait valoir sa créance, la société requérante ne peut utilement soutenir que ces dispositions, ainsi interprétées, porteraient atteinte au droit de propriété

4. En second lieu, la société requérante soutient que la jurisprudence de la Cour de cassation, en ce qu'elle aurait inexactement interprété la portée effective des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, méconnaîtrait ce faisant un droit garanti par les articles 3 et 34 de la Constitution et les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. D'une part, tout justiciable a le droit, en posant une question prioritaire de constitutionnalité sur une disposition législative, de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition. D'autre part, la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa propre compétence, notamment lorsqu'il a reporté sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi, peut également être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point précédent, les griefs par lesquels la société requérante soutient que l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par cette jurisprudence, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne sont pas sérieux. En outre, l'interprétation ainsi donnée de ces dispositions législatives par la Cour de cassation, dans l'exercice de son office, qui est, ainsi que l'admet la société requérante elle-même, ancienne et constante à la date de la décision contestée de refus d'abrogation et n'a d'ailleurs été remise en cause par aucune des modifications de cet article intervenues postérieurement, ne saurait être regardée comme procédant d'une méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence.

5. Par suite, la question, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, le moyen tiré de ce que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Camaïeu International.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Camaïeu International et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 420870
Date de la décision : 18/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 jui. 2018, n° 420870
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Pacoud
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:420870.20180718
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