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12/07/2018 | FRANCE | N°412025

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 12 juillet 2018, 412025


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 juin 2017 et 13 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Echografilm demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-91 du 26 janvier 2017 relatif à la restriction de la vente, revente ou de l'utilisation des échographes destinés à l'imagerie foetale humaine et le décret n° 2017-702 du 2 mai 2017 relatif à la réalisation des échographies obstétricales et foetales et à la vente, revente et utilisation des éch

ographes destinés à l'imagerie foetale humaine ;

2°) de mettre à la charge de l'Et...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 juin 2017 et 13 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Echografilm demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-91 du 26 janvier 2017 relatif à la restriction de la vente, revente ou de l'utilisation des échographes destinés à l'imagerie foetale humaine et le décret n° 2017-702 du 2 mai 2017 relatif à la réalisation des échographies obstétricales et foetales et à la vente, revente et utilisation des échographes destinés à l'imagerie foetale humaine ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Thibaut Félix, auditeur,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société Echografilm.

Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 5211-6 du code de la santé publique prévoit que " sont déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat, les modalités d'application du présent titre [relatif aux dispositifs médicaux], et notamment : (...) / 8° les conditions dans lesquelles la vente, la revente ou l'utilisation de certains dispositifs médicaux ou catégories de dispositifs médicaux est interdite ou réglementée ". La société requérante demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 26 janvier 2017 relatif à la restriction de la vente, revente ou de l'utilisation des échographes destinés à l'imagerie foetale humaine et du décret du 2 mai 2017 relatif à la réalisation des échographies obstétricales et foetales et à la vente, revente et utilisation des échographes destinés à l'imagerie foetale humaine, pris sur le fondement de ces dispositions.

Sur la recevabilité de la requête :

2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le décret du 26 janvier 2017 a été publié au Journal officiel de la République française le 28 janvier 2017. La requête de la société Echografilm n'ayant été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat que le 29 juin 2017, ses conclusions tendant à l'annulation de ce décret, alors même qu'il a été modifié par le décret du 2 mai 2017, sont tardives et, par suite, irrecevables.

4. D'autre part, l'objet social de la société requérante, qui indique que les manipulateurs d'échographes qu'elle emploie ou envisage d'employer ne sont ni médecins ni sages-femmes, consiste en la " création de DVD à la suite de séances échographiques non médicales et [en la] création et administration de contenus numériques ". Par son objet social, cette société justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre l'article 4 du décret du 2 mai 2017, qui modifie les dispositions du décret du 26 janvier 2017 encadrant la vente ou la revente d'échographes. Le ministre des solidarités et de la santé est en revanche fondé à soutenir qu'elle ne justifie pas d'un intérêt à demander l'annulation des autres dispositions du décret du 2 mai 2017, qui en sont divisibles et définissent les compétences requises des médecins et sages-femmes pour réaliser les échographies obstétricales et foetales définies par le III de l'article R. 2131-1 du code de la santé publique comme les examens d'imagerie par ultrasons à des fins médicales effectués dans le cadre de la grossesse.

Sur la légalité de l'article 4 du décret du 2 mai 2017 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ". S'agissant d'un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui sont compétents pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l'exécution de l'acte en cause. L'exécution des dispositions de l'article 4 du décret attaqué ne comporte aucune mesure que devrait signer ou contresigner le ministre de l'économie et des finances. Par ailleurs, le secrétaire d'Etat chargé de la consommation était placé sous l'autorité du ministre de l'économie et de finances et n'exerçait les attributions qui lui étaient conférées que par délégation de ce ministre. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'absence de contreseing du ministre de l'économie et des finances et du secrétaire d'Etat chargé de la consommation entacherait les dispositions attaquées d'illégalité.

6. En deuxième lieu, si l'illégalité d'un acte réglementaire peut être invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure à toute époque, même après l'expiration du délai de recours contentieux contre cet acte réglementaire, une telle exception ne peut être utilement soulevée que si la décision administrative attaquée a pour base légale le premier acte ou a été prise pour son application. Les dispositions de l'article 4 du décret du 2 mai 2017 n'ont pas pour base légale celles du décret du 26 janvier 2017 et n'ont pas été prises pour son application mais modifient les conditions de l'interdiction de la vente ou de la revente d'échographes qu'elles prévoient. Par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité des dispositions du décret du 26 janvier 2017, notamment en faisant valoir qu'elles ne comportent pas de dispositions transitoires identiques à celles prévues en faveur des médecins et sages-femmes par le décret du 2 mai 2017, pour soutenir que les dispositions de l'article 4 du décret du 2 mai 2017 seraient entachées d'illégalité.

7. En troisième lieu, les dispositions attaquées, prises en application, comme il a été dit, de l'article L. 5211-6 du code de la santé publique, portent atteinte à la liberté d'entreprendre en réglementant la vente ou la revente d'échographes à des fins d'utilisation pour l'imagerie foetale humaine. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il ne peut être exclu que l'utilisation, par une personne ne disposant pas d'une qualification adéquate, d'un appareil d'échographie, qui est un dispositif médical de classe IIa correspondant à un risque potentiel modéré, ait des effets sur la santé de l'enfant à naître, notamment en cas de mésusage de l'appareil ou d'augmentation de la durée d'exposition et de la puissance du signal pour améliorer la qualité des images obtenues, et puisse donner lieu à une interprétation erronée des images, voire à une prise en charge inadaptée de l'enfant à la suite d'informations révélées par ces images. Ainsi, en l'état des connaissances, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par les dispositions attaquées, s'agissant d'une utilisation des appareils d'échographie dépourvue de justification médicale, ne peut être regardée comme injustifiée ni disproportionnée au regard de l'objectif de protection de la santé publique qu'elles poursuivent.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander l'annulation des décrets du 26 janvier 2017 et du 2 mai 2017 qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Echografilm est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Echografilm et à la ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 412025
Date de la décision : 12/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2018, n° 412025
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thibaut Félix
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:412025.20180712
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