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11/07/2018 | FRANCE | N°413621

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 11 juillet 2018, 413621


Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la perte de ses affaires et documents lors de son transfert du centre pénitentiaire de Réau au centre pénitentiaire de Caen. Par un jugement n° 1301636 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15NT01069 du 17 mars 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de M.A..., annulé ce jugement et condamné l'Etat à lui verser une somme de 17, 60 e

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Par un pourvoi, enregistré le 22 août 2017 au secrétariat du conte...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la perte de ses affaires et documents lors de son transfert du centre pénitentiaire de Réau au centre pénitentiaire de Caen. Par un jugement n° 1301636 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15NT01069 du 17 mars 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de M.A..., annulé ce jugement et condamné l'Etat à lui verser une somme de 17, 60 euros.

Par un pourvoi, enregistré le 22 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il n'a pas procédé à une juste évaluation de son préjudice ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Foussard, Froger, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Richard Senghor, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B...A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., qui était détenu à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, a été transféré, le 13 avril 2012, à titre de transit, au centre pénitentiaire de Réau, avant de rejoindre, le 16 avril 2012, le centre pénitentiaire de Caen. Par un jugement du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice qu'il alléguait avoir subi du fait de la perte, à l'occasion de ce transit, de divers objets personnels. Par un arrêt du 17 mars 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a fait droit à l'appel de M. A...en reconnaissant la faute de surveillance commise par l'administration pénitentiaire et en l'indemnisant du préjudice subi du fait de la perte de certains de ses biens matériels à hauteur de 17,60 euros. Le requérant se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à ses conclusions.

2. La responsabilité de l'Etat en cas de dommage aux biens des personnes détenues peut être engagée lorsque ce dommage est imputable, en tenant compte des contraintes pesant sur le service public pénitentiaire, à une carence de l'administration dans la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la protection de ces biens.

3. Dans le cas particulier du transfert d'un détenu, il incombe aux chefs des établissements de départ et d'arrivée de prendre les mesures nécessaires à la protection de ses biens. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article D. 340 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable au litige, dont les dispositions sont reprises au IV de l'article 24 de l'annexe à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale: " Lorsque le détenu est transféré, les objets lui appartenant sont déposés contre reçu entre les mains de l'agent de transfèrement s'ils ne sont pas trop lourds ou volumineux ; sinon, ils sont expédiés à la nouvelle destination du détenu aux frais de ce dernier ou sont remis à un tiers désigné par lui, après accord du chef d'établissement ". Il découle de l'obligation de protéger les biens des détenus qu'en cas de transfert, le reçu, prévu par les dispositions précitées, remis à l'agent de transfèrement ainsi que, le cas échéant, au responsable de l'expédition des objets, doit, sauf urgence, être accompagné de l'inventaire précis de l'ensemble des objets personnels du détenu, dressé contradictoirement avec ce dernier.

4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que la circonstance qu'aucun inventaire des biens en possession de M. A...n'avait été dressé à l'occasion de son transfert de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis au centre pénitentiaire de Réau ne caractérisait pas l'existence d'une faute à l'origine d'un préjudice ouvrant droit à réparation, alors que cette carence était de nature à priver l'intéressé de la possibilité d'établir la réalité des pertes qu'il alléguait, la cour administrative d'appel de Nantes a entaché son arrêt d'erreur de droit. L'article 3 de l'arrêt attaqué du 17 mars 2017 doit donc, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé.

5. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Foussard, Froger, avocat de M. A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la SCP Foussard, Froger.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 de l'arrêt n° 15NT01069 de la cour administrative d'appel de Nantes du 17 mars 2017 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Foussard, Froger, avocat de M.A..., une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 413621
Date de la décision : 11/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES. EXÉCUTION DES JUGEMENTS. EXÉCUTION DES PEINES. SERVICE PUBLIC PÉNITENTIAIRE. - PROTECTION DES BIENS D'UN DÉTENU EN CAS DE TRANSFERT - OBLIGATION D'UN INVENTAIRE PRÉCIS DE L'ENSEMBLE DES OBJETS PERSONNELS DE L'INTÉRESSÉ DRESSÉ CONTRADICTOIREMENT ET ACCOMPAGNANT LE REÇU PRÉVU AU IV DE L'ARTICLE 24 DE L'ANNEXE À L'ARTICLE R. 57-6-8 DU CPP - EXISTENCE, SAUF URGENCE.

37-05-02-01 Dans le cas particulier du transfert d'un détenu, il incombe aux chefs des établissements de départ et d'arrivée de prendre les mesures nécessaires à la protection de ses biens. Il découle de l'obligation de protéger les biens des détenus qu'en cas de transfert, le reçu, prévu à l'alinéa 2 de l'article D. 340 du code de procédure pénale (CPP), dans sa rédaction alors applicable, dont les dispositions sont reprises au IV de l'article 24 de l'annexe à l'article R. 57-6-18 du CPP, remis à l'agent de transfèrement ainsi que, le cas échéant, au responsable de l'expédition des objets, doit, sauf urgence, être accompagné de l'inventaire précis de l'ensemble des objets personnels du détenu, dressé contradictoirement avec ce dernier.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2018, n° 413621
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Richard Senghor
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:413621.20180711
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