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09/07/2018 | FRANCE | N°407077

France | France, Conseil d'État, 1ère et 4ème chambres réunies, 09 juillet 2018, 407077


Vu la procédure suivante :

L'Union syndicale Solidaires a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 octobre 2014 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social déterminant les organisations syndicales intéressées au titre de l'article R. 6123-1-8 du code du travail. Par un jugement n° 1426264 du 23 septembre 2015, le tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n°s 15PA03960, 15PA04293 du 21 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris, su

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Vu la procédure suivante :

L'Union syndicale Solidaires a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 octobre 2014 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social déterminant les organisations syndicales intéressées au titre de l'article R. 6123-1-8 du code du travail. Par un jugement n° 1426264 du 23 septembre 2015, le tribunal administratif de Paris a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n°s 15PA03960, 15PA04293 du 21 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et de la Fédération syndicale unitaire (FSU), a annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 23 septembre 2015 et rejeté la demande présentée par l'Union syndicale Solidaires devant ce tribunal.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 janvier et 24 avril 2017 et le 29 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union syndicale Solidaires demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et de la Fédération syndicale unitaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'Union syndicale Solidaires et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la Fédération syndicale unitaire ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article L. 6123-1 du code du travail, le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles est notamment chargé d'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnance et de dispositions réglementaires dans le domaine de la politique de l'emploi, de l'orientation ainsi que de la formation professionnelle initiale et continue, d'assurer, sur le plan national, la concertation entre l'Etat, les régions, les départements, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel pour la définition des orientations pluriannuelles et d'une stratégie nationale coordonnée en matière d'orientation, de formation professionnelle, d'apprentissage, d'insertion, d'emploi et de maintien dans l'emploi et d'évaluer les politiques d'information et d'orientation professionnelle, de formation professionnelle initiale et continue, d'insertion et de maintien dans l'emploi, aux niveaux national et régional. L'article L. 6123-2 du même code dispose que : " Le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles est placé auprès du Premier ministre. (...) Le conseil comprend des représentants élus des régions (...), des représentants des départements, des représentants de l'Etat et du Parlement, des représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi-professionnel, ou intéressées, des chambres consulaires, des personnalités qualifiées (...) ". Aux termes de l'article R. 6123-1-8 de ce code : " Le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles est composé, outre de son président, des membres suivants, nommés par arrêté du Premier ministre : / (...) 5° Un représentant de chaque organisation syndicale de salariés représentative au plan national et interprofessionnel sur proposition de leur organisation respective ; / 6° Un représentant de chaque organisation professionnelle d'employeurs représentative au plan national et interprofessionnel sur proposition de leur organisation respective ; / 7° Un représentant de chaque organisation professionnelle d'employeurs représentative au plan national multiprofessionnel sur proposition de leur organisation respective ; / 8° Deux représentants au titre des organisations syndicales de salariés intéressées sur proposition de leur organisation respective. Ces organisations sont déterminées par arrêté du ministre en charge de l'emploi et de la formation (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'Union syndicale Solidaires a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 3 octobre 2014 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social déterminant les organisations syndicales intéressées au titre de l'article R. 6123-1-8 du code du travail en tant qu'il désigne comme telle la Fédération syndicale unitaire. Par un arrêt du 21 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris, sur appel du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et de la Fédération syndicale unitaire, a annulé le jugement du 23 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris avait annulé l'arrêté attaqué et a rejeté la demande présentée par l'Union syndicale Solidaires. Celle-ci se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

Sur la compétence :

3. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : / (...) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale (...) ".

4. L'arrêté ministériel déterminant, en application du 8° de l'article R. 6123-1-8 du code du travail, les organisations syndicales intéressées appelées à proposer des représentants au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles présente un caractère réglementaire. Il suit de là que le Conseil d'Etat est compétent, en vertu du 2° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, pour connaître en premier et dernier ressort d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre cet arrêté. Il y a lieu, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 novembre 2016 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 23 septembre 2015 et de statuer directement sur la demande de l'Union syndicale Solidaires.

Sur la recevabilité des écritures présentées par la Fédération syndicale unitaire et par l'Union nationale des syndicats autonomes :

5. En premier lieu, dès lors que l'Union nationale des syndicats autonomes n'a été mise en cause que pour produire des observations et qu'elle n'aurait pas eu qualité pour former tierce opposition à la présente décision si celle-ci avait prononcé l'annulation de l'arrêté attaqué et si elle n'avait pas été présente à l'instance, la requérante ne saurait utilement soutenir que ses écritures présentées devant le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d'appel de Paris seraient irrecevables.

6. En second lieu, contrairement à ce que soutient l'Union syndicale Solidaire, il n'y a pas lieu d'écarter le mémoire présenté devant la cour administrative d'appel de Paris par le secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire, habilité à ester en justice au nom de celle-ci en vertu du III de l'article 17 des statuts de cette fédération.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

7. Il résulte des dispositions de l'article L. 6123-2 du code du travail, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 24 de la loi du 5 mars 2014 dont elles sont issues, que le législateur a entendu distinguer, pour la désignation des représentants des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, entre, d'une part, les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi-professionnel et, d'autre part, les organisations intéressées, auxquelles il a entendu permettre de désigner un représentant eu égard à leur implication dans les domaines de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelles, alors même qu'elles ne seraient pas les plus représentatives au niveau national et interprofessionnel.

8. Il ressort des pièces du dossier que la Fédération syndicale unitaire, qui, en vertu de l'article 1er de ses statuts, rassemble des syndicats regroupant les personnels intervenant dans les champs de l'enseignement, de l'éducation, de la recherche, de la culture, de la formation et de l'insertion, et a obtenu en 2014 l'audience la plus élevée au sein de l'éducation nationale et une audience supérieure à celle de l'union requérante au sein des trois fonctions publiques, peut être regardée comme un acteur ancien et reconnu dans le champ de la formation professionnelle. Par suite, l'union requérante, qui ne saurait utilement soutenir qu'elle avait une représentativité supérieure à celle de la Fédération syndicale unitaire, n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en désignant la Fédération syndicale unitaire comme l'une des deux organisations intéressées appelées à proposer un représentant au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles.

9. Il résulte de ce qui précède que l'Union syndicale Solidaires n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2014 en tant qu'il ne la désigne pas en qualité d'organisation syndicale intéressée chargée de proposer un représentant au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Union syndicale Solidaires le versement à la Fédération syndicale unitaire d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 21 novembre 2016 de la cour administrative d'appel de Paris et le jugement du 23 septembre 2015 du tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2 : La requête de l'Union syndicale Solidaires est rejetée.

Article 3 : L'Union syndicale Solidaires versera à la Fédération syndicale unitaire une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Union syndicale Solidaires, à la Fédération syndicale unitaire et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée à l'Union nationale des syndicats autonomes.


Synthèse
Formation : 1ère et 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 407077
Date de la décision : 09/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2018, n° 407077
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Pacoud
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:407077.20180709
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