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29/06/2018 | FRANCE | N°416346

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 29 juin 2018, 416346


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Compagnie exploitation et répartition pharmaceutique (CERP) de Rouen a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, ainsi que des intérêts de retard et frais de gestion correspondants. Par un jugement n° 1504741 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a re

jeté sa demande.

Par un arrêt n° 16VE03895 du 5 octobre 2017, la c...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Compagnie exploitation et répartition pharmaceutique (CERP) de Rouen a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, ainsi que des intérêts de retard et frais de gestion correspondants. Par un jugement n° 1504741 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16VE03895 du 5 octobre 2017, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la SAS CERP de Rouen contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 décembre 2017 et 6 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SAS CERP de Rouen demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 5 avril 2018, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la SAS CERP de Rouen demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du b du 4 du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Yohann Bénard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la SAS Compagnie exploitation et répartition Pharmaceutique de Rouen (CERP Rouen).

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 juin 2018, présentée par la SAS Compagnie exploitation et répartition Pharmaceutique de Rouen (CERP Rouen) ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. En vertu du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : / (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré : / - des autres produits de gestion courante (...) ; / - de la production immobilisée, à hauteur des seules charges qui ont concouru à sa formation et qui figurent parmi les charges déductibles de la valeur ajoutée ; (...) / - des subventions d'exploitation et des abandons de créances à caractère financier (...) ; / - de la variation positive des stocks ; / - des transferts de charges déductibles de la valeur ajoutée, autres que ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires ; / b) Et, d'autre part : / - les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; / - diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ; / - la variation négative des stocks ; / - les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus (...) ; / - les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, les contributions indirectes, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ; (...) ". Les dispositions de cet article fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause.

4. La SAS CERP de Rouen soutient que les dispositions du b du 4 du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts, en ce qu'elles excluent de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises " les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, les contributions indirectes, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques " méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au motif qu'elles reposeraient sur un critère de distinction entre les impôts déductibles et les impôts non déductibles de la valeur ajoutée qui ne sont ni objectifs ni rationnels.

5. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

6. Il résulte des dispositions citées au point 2 ci-dessus, éclairées par leurs travaux préparatoires, que la notion de " taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées " désigne, non les taxes qui figurent au titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts, mais la taxe sur la valeur ajoutée et les taxes qui, en application des normes comptables, grèvent le prix des biens et des services vendus par l'entreprise. En fixant ce critère de déduction pour le calcul de la valeur ajoutée, le législateur a fondé son appréciation de la capacité contributive des entreprises sur un critère objectif et rationnel. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux.

7. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le b du 4 du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux.

Sur l'autre moyen :

8. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la SAS CERP de Rouen soutient que la cour administrative d'appel de Versailles a méconnu l'article 1586 sexies du code général des impôts en jugeant que la contribution prévue par l'article L. 138-1 du code de la sécurité sociale n'est pas déductible du calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

9. Ce moyen n'est pas non plus de nature à justifier l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SAS CERP de Rouen.

Article 2 : Le pourvoi de la SAS CERP de Rouen n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS Compagnie exploitation et répartition pharmaceutique de Rouen et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-03-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. - CALCUL DE LA VALEUR AJOUTÉE SERVANT DE BASE À LA CVAE - 1) DÉTERMINATION DU RATTACHEMENT D'UNE CHARGE OU D'UN PRODUIT À L'UNE DES CATÉGORIES D'ÉLÉMENTS COMPTABLES DEVANT ÊTRE PRIS EN COMPTE DANS CE CALCUL - REPORT AUX NORMES COMPTABLES OBLIGATOIRES POUR L'ENTREPRISE CONCERNÉE - 2) NOTION DE TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - INCLUSION - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE ET TAXES QUI, EN APPLICATION DES NORMES COMPTABLES, GRÈVENT LE PRIX DES BIENS ET DES SERVICES VENDUS PAR L'ENTREPRISE [RJ1].

19-03-045-03-02 1) Les dispositions du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts (CGI) fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause.,,,2) Il résulte de ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, que la notion de taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées désigne, non les taxes qui figurent au titre II de la première partie du livre premier du CGI, mais la taxe sur la valeur ajoutée et les taxes qui, en application des normes comptables, grèvent le prix des biens et des services vendus par l'entreprise. En fixant ce critère de déduction pour le calcul de la valeur ajoutée, le législateur a fondé son appréciation de la capacité contributive des entreprises sur un critère objectif et rationnel.


Références :

[RJ1]

Rappr, en matière de taxe professionnelle, CE, 7 juillet 2004, Société d'exploitation de la Vallée des Belleville, n° 250761, T. p. 661 ;

CE, 4 août 2006, Min. c/ Société foncière Ariane, n° 267150, T. p. 831 ;

CE, 21 avril 2017, SAS Pierre Fabre Médicament, n° 398246, inédite au Recueil ;

CE, Plénière, 9 mai 2018, Caisse régionale du crédit agricole mutuel de Pyrénées-Gascogne, n° 388209, p. 162.


Publications
Proposition de citation: CE, 29 jui. 2018, n° 416346
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Yohann Bénard
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Date de la décision : 29/06/2018
Date de l'import : 02/04/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 416346
Numéro NOR : CETATEXT000037134683 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2018-06-29;416346 ?
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