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21/04/2017 | FRANCE | N°398246

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 21 avril 2017, 398246


Vu la procédure suivante :

La société Pierre Fabre Médicament a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009 à concurrence des montants de 35 437 euros, 319 145 euros et 840 334 euros. Par un jugement n° 1206403 du 28 octobre 2013, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13VE03773 du 25 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé pa

r la société Pierre Fabre Médicament contre ce jugement.

Par un pourvoi somm...

Vu la procédure suivante :

La société Pierre Fabre Médicament a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009 à concurrence des montants de 35 437 euros, 319 145 euros et 840 334 euros. Par un jugement n° 1206403 du 28 octobre 2013, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13VE03773 du 25 janvier 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Pierre Fabre Médicament contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mars et 27 juin 2016 et le 3 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Pierre Fabre Médicament demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la Société Pierre Fabre Medicament ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2007 à 2009, l'administration fiscale a rehaussé les cotisations de taxe professionnelle dues par la société Pierre Fabre Médicament, au motif que la valeur ajoutée prise en compte pour les établir avait été minorée, à tort, du montant des taxes pharmaceutiques et des remises conventionnelles que la société avait acquittées au cours de ces exercices, ainsi que des dépenses de mécénat exposées par elle pendant cette période. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 janvier 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles qui a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 28 octobre 2013 rejetant sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle ainsi mises à sa charge.

2. Aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (...) ". Aux termes de l'article 1647 B sexies du même code alors en vigueur : " I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au titre de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II (...) II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; (...) / Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. (...) ".

Sur la déduction de diverses contributions versées par les entreprises pharmaceutiques :

3. Il résulte des dispositions précitées de l'article 1647 B sexies du code général des impôts que l'excédent de la production sur les consommations en provenance de tiers qu'il convient de retenir pour calculer la valeur ajoutée en fonction de laquelle les cotisations de taxe professionnelle sont plafonnées est déterminé après déduction non seulement de la taxe sur la valeur ajoutée mais également des taxes qui, eu égard à leur objet, doivent être regardées comme grevant le prix des biens et des services vendus par l'entreprise.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond comme des énonciations de l'arrêt attaqué que la société requérante entendait minorer sa valeur ajoutée, calculée pour l'application de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, du montant de la contribution prévue par les dispositions de l'article L. 138-1 du code de la sécurité sociale, à laquelle elle a été assujettie au titre des années en litige. Cette contribution est assise sur le chiffre d'affaires hors taxes issu de la vente, en France, auprès des pharmacies d'officine, des pharmacies mutualistes et des pharmacies de sociétés de secours minières de spécialités pharmaceutiques inscrites sur la liste des médicaments remboursables. Par ailleurs, la société entendait également soustraire de sa valeur ajoutée les montants qu'elle a versés à raison de la contribution prévue par les dispositions de l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale. Dans leur version applicable au litige, ces dernières prévoyaient une contribution assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé, en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer, au cours d'une année civile au titre des médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché. Enfin, la société entendait minorer sa valeur ajoutée du montant de la taxe prévue à l'article L. 5121-17 du code de la santé publique, à laquelle elle a été assujettie au titre des années en litige. Cette taxe frappe annuellement les médicaments et produits bénéficiaires d'une autorisation de mise sur le marché délivrée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ou par l'Union européenne. Elle est due par le titulaire de cette autorisation.

5. En vertu des dispositions, alors applicables, de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale : " Sans préjudice des dispositions relatives aux conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie et les professions de santé ou entre le comité institué par l'article L. 162-17-3 et les entreprises exploitant des médicaments ou les fabricants ou distributeurs de produits ou prestations, les ministres chargés de l'économie, de la santé et de la sécurité sociale, ou ledit comité pour ce qui concerne les produits mentionnés à l'article L. 165-1, peuvent fixer par décision les prix et les marges des produits et les prix des prestations de services pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale. Cette fixation tient compte de l'évolution des charges, des revenus et du volume d'activité des praticiens ou entreprises concernés ". Il résulte de ces dispositions, qui visent à encadrer par convention ou, à défaut, par décision administrative les prix des médicaments et les marges perçues par les grossistes et les pharmaciens d'officine afin de réguler l'évolution des dépenses prises en charge par l'assurance-maladie, que les entreprises pharmaceutiques ne sont pas susceptibles de répercuter librement les taxes dont elles sont redevables sur le prix de vente de ces spécialités pharmaceutiques.

6. Si les dispositions des articles L. 138-1 et L. 245-6 du code de la sécurité sociale n'interdisent pas, par elles-mêmes, que les contributions en litige soient répercutées sur le prix des médicaments, sous la réserve, ainsi qu'il a été précisé au point 5 ci-dessus, de l'accord des autorités administratives compétentes, il résulte des travaux préparatoires relatifs à ces dispositions que le législateur a entendu, en instituant ces taxes, qui frappent le chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques et sont reversées à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, faire contribuer ces entreprises au redressement des comptes de l'assurance maladie. En outre, s'agissant plus particulièrement de la contribution prévue par l'article L. 138-1 du code de la sécurité sociale, les dispositions de l'article L. 138-2 du même code prévoient, dans leur rédaction alors en vigueur, que son assiette est composée de deux parts, dont l'une est constituée par la progression du chiffre d'affaires de l'entreprise par rapport à l'année précédente. Ce choix traduit la volonté du législateur de taxer surtout les entreprises dont la croissance du chiffre d'affaires est la plus importante. Dans cette logique, il y a lieu de considérer que si l'article L. 138-9 du même code prévoit un plafonnement des " remises, ristournes et avantages commerciaux et financiers assimilés de toute nature " que les fournisseurs en spécialités pharmaceutiques peuvent consentir aux officines, cette circonstance est sans incidence sur l'objet de la taxe et sur le point de savoir si elle doit être regardée comme grevant le prix des biens vendus par la société requérante.

7. Par ailleurs, il ressort des travaux préparatoires de l'article L. 5121-17 du code de la santé publique que la taxe prévue par cet article, perçue sur les médicaments et produits faisant l'objet d'une autorisation de mise sur le marché, a pour seul objet de faire contribuer les entreprises pharmaceutiques au financement de l'Agence française de sécurité des produits de santé.

8. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le pourvoi, la cour n'a entaché son arrêt ni d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique en jugeant, à partir des faits qu'elle a appréciés sans dénaturation, que les trois taxes litigieuses ne pouvaient être regardées comme grevant le prix des produits vendus par la société requérante et, par suite, qu'elles devaient être retenues dans le calcul de la valeur ajoutée pour l'application de l'article 1647 B sexies du code général des impôts.

Sur la déduction des remises conventionnelles versées à l'assurance-maladie par les entreprises pharmaceutiques :

9. Il résulte des dispositions de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale que les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables peuvent s'engager à faire bénéficier diverses caisses d'assurances maladie de remises sur tout ou partie du chiffre d'affaires de ces spécialités réalisé en France. En particulier, ces entreprises peuvent conclure une convention avec le Comité économique des produits de santé, qui comporte notamment des engagements portant sur leur chiffre d'affaires et dont le non-respect peut entraîner le versement de telles remises. Un tel conventionnement leur permet de ne pas être redevables de la contribution prévue par les dispositions de l'article L. 138-10 du même code lorsque leur chiffre d'affaires de l'année civile s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente, d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Dans ces conditions, ces remises, qui sont directement versées à l'assurance-maladie, ne constituent pas des avantages tarifaires consentis par les entreprises pour fidéliser leur clientèle, mais un mécanisme visant à réduire les dépenses d'assurance-maladie. Par suite, elles ne sauraient être regardées comme des " réductions sur ventes " au sens des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, interprétées à la lumière du compte 709 " rabais, remises, ristournes " du plan comptable général. Dès lors, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique des faits en jugeant que ces remises ne venaient pas en diminution des produits comptabilisés pour la détermination de la valeur ajoutée définie par l'article 1647 B sexies du code général des impôts.

Sur la déduction des dépenses de mécénat :

10. Les dispositions précitées de l'article 1647 B sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle. Pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée.

11. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, eu égard à la nature des dépenses que la société soutenait avoir engagées au titre du mécénat, et quel que soit le compte dans lequel elles avaient été enregistrées, c'est, contrairement à ce que soutient le pourvoi, sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique que la cour a jugé que les sommes en cause ne pouvaient venir en réduction de la valeur ajoutée pour l'application de cet article.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pierre Fabre Médicament n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Pierre Fabre Médicament est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS Pierre Fabre Médicament et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 398246
Date de la décision : 21/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 avr. 2017, n° 398246
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Villette
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2017:398246.20170421
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