Vu la procédure suivante :
Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 9 janvier 2014 par laquelle le maire de Châtenay-Malabry a refusé de publier la tribune du groupe d'opposition " Tous ensemble à la mairie " dans le bulletin municipal.
Par un jugement n° 1400802 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15VE00563 du 13 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire ampliatif et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 décembre 2016, 20 mars 2017 et 15 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Châtenay-Malabry la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi du 29 juillet 1881 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Lombard, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Bouthors, avocat de Mme A...et à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Châtenay-Malabry ;
Considérant ce qui suit :
1. L'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales dispose : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d'information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à l'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale ". L'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose : " Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. / Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure ". Aux termes de l'article 42 de cette loi : " Seront passibles, comme auteurs principaux des peines qui constituent la répression des crimes et délits commis par la voie de la presse, dans l'ordre ci-après, savoir : / 1° Les directeurs de publications ou éditeurs, quelles que soient leurs professions ou leurs dénominations (...) ".
2. Il résulte des dispositions de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales qu'une commune de 3 500 habitants et plus est tenue de réserver dans son bulletin d'information municipale, lorsqu'elle diffuse un tel bulletin, un espace d'expression réservé à l'opposition municipale. Ni le conseil municipal ni le maire de la commune ne sauraient, en principe, contrôler le contenu des articles publiés, sous la responsabilité de leurs auteurs, dans cet espace. Il en va toutefois autrement lorsqu'il ressort à l'évidence de son contenu qu'un tel article présente un caractère manifestement outrageant, diffamatoire ou injurieux au regard des dispositions précitées de la loi du 29 juillet 1881.
3. Il ressort des motifs de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir indiqué qu'il résultait des dispositions mentionnées au point 1, qu'elle a elle-même citées, que la commune était tenue de réserver dans son bulletin d'information municipale un espace d'expression dédié à l'opposition municipale, sans que le maire ne puisse en contrôler le contenu, qui n'engage que la responsabilité de leurs auteurs, a ajouté que le maire, en sa qualité de directeur de publication de ce bulletin, pouvait refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de publier une telle tribune dans le cas où il estimerait que son contenu contreviendrait aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 au motif qu'il porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou présente un caractère injurieux. Elle a ensuite jugé que la tribune du groupe d'opposition municipal " Tous ensemble à la mairie ", à la publication de laquelle le maire de Châtenay-Malabry s'était opposé par une décision du 9 janvier 2014, revêtait un caractère injurieux et diffamatoire à son endroit et rejeté la requête de Mme A...tendant à l'annulation du refus de publication. En statuant ainsi, sans rechercher s'il ressortait à l'évidence du contenu de cette tribune que son caractère injurieux, ou diffamatoire, était manifeste, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'erreur de droit. Mme A...est, par suite, fondée à en demander l'annulation.
4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond.
5. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la tribune du groupe d'opposition municipal " Tous ensemble à la mairie ", à la publication de laquelle le maire de Châtenay-Malabry s'est opposé, fait état de que ce dernier cumule plusieurs mandats et fonctions et qu'il bénéficie à ce titre d'une rémunération de " plus de 10 000 € par mois net d'impôts ". Or, d'une part, les indemnités perçues par le maire de la commune de Châtenay-Malabry au titre de ses différentes fonctions ne pouvaient légalement dépasser le montant total de 8 231 euros soumis à imposition, et il n'occupait pas certaines des fonctions dont le cumul lui était reproché. D'autre part, la tribune est accompagnée d'une caricature qui représente le maire les poches remplies de billets de banque et déclarant " l'important c'est la taille des poches ". La juxtaposition de cette tribune, au contenu manifestement erroné, et de la caricature du maire, représenté les poches remplies de billets de banque, faisant ainsi allusion, sans preuve, à sa malhonnêté, présente à l'évidence un caractère manifestement diffamatoire. Il suit de là que le maire de la commune de Châtenay-Malabry pouvait légalement s'opposer à la publication la tribune du groupe d'opposition municipal " Tous ensemble à la mairie " dans le bulletin d'information municipale. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 décembre 2014 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire du 9 janvier 2014 ainsi que l'annulation de la décision du maire en date du 9 janvier 2014.
6. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Châtenay-Malabry, qui n'est pas la partie perdante, une somme à verser à Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...une somme à verser à la commune de Châtenay-Malabry au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 13 octobre 2016 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Châtenay-Malabry présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de Mme A...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à la commune de Châtenay-Malabry.