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25/06/2018 | FRANCE | N°407232

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 25 juin 2018, 407232


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée Property Investment Holding France a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002, 2003, 2004 et 2005. Par un jugement n° 0911962 du 25 octobre 2011, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12PA00386 du 5 février 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la soci

té Property Investment Holding France contre ce jugement.

Par une décision n° 36...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée Property Investment Holding France a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002, 2003, 2004 et 2005. Par un jugement n° 0911962 du 25 octobre 2011, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12PA00386 du 5 février 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Property Investment Holding France contre ce jugement.

Par une décision n° 367897 du 9 décembre 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n° 15PA04633 du 30 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Property Investment Holding France contre le jugement du tribunal administratif.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 janvier et 19 avril 2017 et le 28 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Property Investment Holding France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Uher, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société Property Investment Holding France.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société holding immobilière de droit français Property Investment Holding France (PIH France) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2002 à 2005 à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déductibilité des honoraires versés par celle-ci à la société de droit néerlandais Property Investment Holding BV (PIH BV), qui détient, indirectement, une part prépondérante de son capital, au motif que les prestations fournies par la société PIH BV en contrepartie de ces honoraires n'étaient pas utiles à la société française et que le paiement de ces honoraires correspondait en conséquence à un transfert indirect de bénéfices à l'étranger. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt ont, par suite, été mises à la charge de la société PIH France au titre des années 2002, 2003, 2004 et 2005. Par une décision du 9 décembre 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 5 février 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris avait confirmé un jugement du 25 octobre 2011 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions. La société PIH France se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 30 novembre 2016 par lequel la même cour a, après renvoi, de nouveau rejeté son appel.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix payés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont supérieurs à ceux pratiqués, soit par cette entreprise avec d'autres fournisseurs dépourvus de liens de dépendance avec elle, soit par des entreprises similaires exploitées normalement avec des fournisseurs dépourvus de liens de dépendance, sans que cet écart ne s'explique par la situation différente de ces fournisseurs, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise établie en France, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties au moins équivalentes. A défaut d'avoir procédé à de telles comparaisons, l'administration n'est, en revanche, pas fondée à invoquer une présomption de transfert de bénéfices mais doit établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu. Cette démonstration doit également être apportée par l'administration lorsqu'elle entend réintégrer une fraction du prix global facturé à l'entreprise établie en France au titre de prestations distinctes dont certaines ne sont pas dépourvues d'intérêt pour l'exploitation de l'entreprise.

3. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé que la société PIH France avait conclu le 23 novembre 2002 avec la société PIH BV une convention d'assistance portant, en contrepartie du versement annuel d'honoraires de 200 000 euros hors taxe, sur la fourniture par cette dernière à la société PIH France de prestations, d'une part, d'assistance au développement et, d'autre part, d'assistance administrative et financière. Elle a également relevé que ces prestations étaient réalisées respectivement par les société EPIC et Larix, qui les facturaient à la société PIH BV, laquelle les refacturait à la société PIH France. La cour a jugé, d'une part, que les prestations de stratégie d'investissement fournies par la société EPIC et réalisées par le dirigeant de celle-ci pouvaient être regardées comme correspondant à des prestations réalisées dans le seul intérêt de l'exploitation de la société PIH France mais, d'autre part, que les prestations de nature administrative, juridique, comptable et financière, qui étaient fournies par la société Larix en vertu d'une convention de " management agreement " du 18 octobre 2000 conclue avec la société PIH BV, ne pouvaient pas être regardées comme correspondant à des prestations réalisées dans le seul intérêt de l'exploitation de la société PIH France. Enfin, la cour a jugé que la société requérante ne la mettait pas en mesure de distinguer la fraction des honoraires litigieux correspondant aux prestations assurées par la société EPIC de celle correspondant aux prestations assurées par la société Larix et par suite d'identifier le montant déductible de ses résultats et a en conséquence rejeté sa requête.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus qu'il incombait à la cour de rechercher si l'administration établissait soit que le montant des honoraires litigieux prévus par la convention d'assistance était supérieur au prix que des entreprises similaires exploitées normalement pratiquaient avec des clients dépourvus de liens de dépendance avec elles pour des prestations telles que celles dont cette convention prévoyait la fourniture, à l'exception de celles qui n'étaient pas utiles à l'exploitation de l'entreprise, soit, à défaut, que la société PIH France avait consenti à la société PIH BV une libéralité en acquittant un prix global excédant la valeur vénale des seules prestations utiles à son exploitation que celle-ci lui avait refacturées. Ainsi, en ne recherchant pas si l'administration établissait que la société PIH France avait acquitté un prix excessif pour les prestations déductibles en cause, alors qu'elle n'avait pas regardé comme dépourvue de contrepartie l'intervention de la société EPIC, la cour a méconnu l'article 57 précité.

5. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, la société PIH France est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

7. Il résulte de l'instruction que les honoraires refacturés par la société PIH BV à la société PIH France rémunéraient globalement des prestations réalisées dans l'intérêt de celle-ci, fournies par la société EPIC, et des prestations qui n'étaient pas réalisées dans cet intérêt, fournies par la société Larix. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en l'absence de distinction entre ces deux catégories de prestations dans la détermination du montant de ces honoraires, il revient à l'administration d'établir que le montant des honoraires litigieux était injustifié au regard des prix pratiqués entre sociétés indépendantes pour des prestations telles que celles fournies par la société EPIC ou excessif au regard de leur valeur vénale. Faute d'apporter cette démonstration et alors, au surplus, que la société requérante soutient sans être contredite utilement que le montant de ces honoraires était inférieur à la valeur des seules prestations rendues par la société EPIC, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que les honoraires litigieux étaient constitutifs d'un transfert indirect de bénéfices au sens de l'article 57 du code général des impôts.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que la société PIH France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de faire droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt résultant de la réintégration des sommes litigieuses dans ses résultats imposables des exercices clos en 2002, 2003, 2004 et 2005.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Property Investment Holding France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 novembre 2016 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 25 octobre 2011 sont annulés.

Article 2 : La société Property Investment Holding France est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002, 2003, 2004 et 2005.

Article 3 : L'Etat versera à la société Property Investment Holding France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Property Investment Holding France et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 407232
Date de la décision : 25/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2018, n° 407232
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Vincent Uher
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:407232.20180625
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