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20/06/2018 | FRANCE | N°415830

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 20 juin 2018, 415830


Vu la procédure suivante :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 20 décembre 2011 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'indemnisation présentée au titre de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Par un jugement n° 1200807 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision et enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires de présenter à Mme A...une proposition

d'indemnisation des préjudices subis par son époux.

Par un arrêt n° 16NT...

Vu la procédure suivante :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 20 décembre 2011 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'indemnisation présentée au titre de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Par un jugement n° 1200807 du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision et enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires de présenter à Mme A...une proposition d'indemnisation des préjudices subis par son époux.

Par un arrêt n° 16NT01034 du 12 avril 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel du ministre de la défense, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 novembre 2017 et 20 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de la défense ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ;

- la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Ollier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de MmeA....

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que M. B... A..., né le 27 juin 1952, appelé du contingent, a été affecté au service des essences des armées sur l'atoll de Hao du 10 juillet 1972 au 7 mai 1973 ; qu'au cours de cette période, un essai nucléaire atmosphérique et un essai de sécurité ont été effectués ; qu'il est décédé le 29 octobre 2002 des suites d'un cancer du foie diagnostiqué la même année ; que son épouse, MmeA..., a présenté le 11 octobre 2010 une demande d'indemnisation sur le fondement de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; que, par une décision du 20 décembre 2011, le ministre de la défense a rejeté cette demande au motif que le risque imputable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de M. A...pouvait être qualifié de négligeable ; que, par un jugement du 31 décembre 2015, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision et a enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires de présenter à Mme A...une proposition d'indemnisation des préjudices subis par son époux dans un délai de trois mois ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : " Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. / Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit " ; qu'aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La personne souffrant d'une pathologie radio induite doit avoir résidé ou séjourné : / 1° Soit entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 au Centre saharien des expérimentations militaires, ou entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre 1967 au Centre d'expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres ; / 2° Soit entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de cette même loi, dans sa rédaction antérieure à la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, disposait : " I. - Les demandes individuelles d'indemnisation sont soumises au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (...) / V. - Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 113 de la loi du 28 février 2017 : " I.- Au premier alinéa du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, les mots et la phrase : " à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Le comité le justifie auprès de l'intéressé. " sont supprimés. / II.- Lorsqu'une demande d'indemnisation fondée sur les dispositions du I de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français a fait l'objet d'une décision de rejet par le ministre de la défense ou par le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de la présente loi, le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires réexamine la demande s'il estime que l'entrée en vigueur de la présente loi est susceptible de justifier l'abrogation de la précédente décision. Il en informe l'intéressé ou ses ayants droit s'il est décédé qui confirment leur réclamation et, le cas échéant, l'actualisent. Dans les mêmes conditions, le demandeur ou ses ayants droit s'il est décédé peuvent également présenter une nouvelle demande d'indemnisation, dans un délai de douze mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. / III.- Une commission composée pour moitié de parlementaires et pour moitié de personnalités qualifiées propose, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures destinées à réserver l'indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires. Elle formule des recommandations à l'attention du Gouvernement " ;

3. Considérant que l'entrée en vigueur des dispositions précitées du I de l'article 113 de la loi du 28 février 2017 n'est pas manifestement impossible en l'absence de mesures d'application ; qu'elle est dès lors intervenue le lendemain de la publication de cette loi au Journal officiel de la République française, soit le 2 mars 2017 ; que l'obligation qu'elle impose au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires de réexaminer les demandes qui ont été rejetées antérieurement à son entrée en vigueur au motif que le risque attribuable aux essais nucléaires pouvait être considéré comme négligeable ne fait pas obstacle à ce que les dispositions de cette loi soient appliquées aux instances en cours à cette date ; qu'il suit de là qu'en ne faisant pas application de ces nouvelles dispositions à la demande d'indemnisation présentée par MmeA..., la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit donc être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

4. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 2 ci-dessus que la décision du 20 décembre 2011 par laquelle le ministre de la défense a rejeté la demande d'indemnisation présentée par Mme A...au titre de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, au motif que le risque imputable aux essais nucléaires dans la survenue de la maladie de M. A...pouvait être considéré comme négligeable, est illégale ; que, par suite, le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision et a enjoint au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires de procéder au réexamen de la demande de Mme A...;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 12 avril 2017 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : La requête du ministre de la défense est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C...A..., à la ministre des armées et au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 415830
Date de la décision : 20/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 jui. 2018, n° 415830
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Yves Ollier
Rapporteur public ?: M. Olivier Henrard
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2018:415830.20180620
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